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“Radicalisation islamiste” dans le sport. Histoire d’un détournement éducatif !

Par Médéric Chapitaux, Directeur Général de Challenges Academia

“Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique”. C’est ainsi que le Comité International Olympique (CIO), selon la règle 50 de sa charte, encadre la place du prosélytisme et de la religiosité dans le sport. Le récent rapport des députés Éric Diard et Éric Poulliat a mis en évidence la porosité de ce secteur face à l’entrisme de la « radicalisation islamiste ». Alors que les activités physiques et sportives constituent « un élément important de l’éducation, de la culture, de l’intégration et de la vie sociale », cette immixtion idéologique et religieuse est contraire à la neutralité imposée par la norme internationale édictée par le CIO.

Ce dysfonctionnement, véritable « transgression de la norme », ouvre la possibilité d’une forme d’éducabilité à la religiosité au sein du sport. Sans faire d’amalgame avec le concept de « radicalisation », notion scientifique aux contours flous, l’ostentation islamiste dans ce milieu doit interroger le modèle éducatif prôné dans les clubs dont les locaux sont, le plus souvent, mis à disposition par les collectivités locales. Cette ingérence peut faciliter le développement du communautarisme cultuel au sein de ces structures et ainsi devenir un lieu de recrutement, de radicalisme avant un potentiel basculement ultime dans le terrorisme. Depuis 2012, la très grande majorité des auteurs des attentats perpétrés sur notre territoire sont « passés » par des clubs de sport. Si Daesh invite ses affidés à s’entraîner au sein des clubs de sports de combat pour se préparer au Jihad, nous devons évaluer la capacité de l’encadrement de ces structures à juguler le développement de ce détournement éducatif. Qu’adviendrait-il de nos valeurs républicaines si d’aventure des éducateurs sportifs véhiculaient, auprès des plus jeunes, l’idéologie islamiste au sein de leurs clubs ? Ces agissements existent et perdurent puisqu’aucun dispositif régalien ne permet de contraindre leurs conditions d’exercices lorsqu’ils sont considérés « radicalisés ou fichés S » par les services de renseignements.

La prévention devient alors le seul moyen de prémunir notre société de cette menace en confortant les dispositifs existants. Si les mesures 23 à 26 du Plan national de prévention de la radicalisation mises en œuvre par le CIPDR et les actions du Conseil Régional d’Ile-de-France concentrent leurs actions sur la sensibilisation et la formation des acteurs du sport, l’angle répressif nécessite de l’intelligibilité. En réinstaurant « l’agrément sport » au niveau départemental, les préfets seraient dotés d’un levier de police administrative efficace pour exercer leurs missions de lutte contre le terrorisme et de prévention de la radicalisation. Au plan local, cette coercition administrative permettrait d’alerter les élus et les organes déconcentrés des fédérations des dangers générés par un club pointé par l’autorité préfectorale. Le rapport parlementaire, en reprenant cette préconisation évoquée lors de mon audition, relève ce point aveugle de l’action publique pour lequel une remédiation institutionnelle parait incontournable au regard des enjeux de sécurité intérieure.

Cependant, toutes ces dispositions ne peuvent être réellement efficientes sans un changement « radical » de paradigme des acteurs du sport eux-mêmes. Face à cette « radicalisation islamiste » la dichotomie entre les institutions sportives et les acteurs de terrain est évidente. Si ces-derniers souhaitent bénéficier d’outils fiables et utiles aux missions de prévention et de signalement, les autorités de ce secteur, en nuançant la réalité du phénomène, ne semblent pas vouloir entacher l’idéal intégrateur du Sport. Cette euphémisation du problème public ne doit pas éluder le point central du phénomène : la « radicalisation islamiste dans le sport » n’est pas une atteinte au principe de laïcité mais une altération des règles de notre République et de l’institution coubertinienne. Si le sport scolaire ne semble pas impacté par ce phénomène, c’est qu’il bénéficie de la loi protectrice de 2004 interdisant les signes ostentatoires dans les écoles de la République. Je fais partie de ceux qui pensent que le sport, comme l’école, participe à l’éducation de notre jeunesse. L’extension de cette loi au mouvement sportif serait un acte fort de prévention de la radicalisation tout en renforçant les valeurs et principes de notre République. 

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