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Radicalisation dans les services publics : prévenir, détecter, sanctionner

Par Éric Diard, Député des Bouches-du-Rhône

Le 2 octobre dernier, la Commission des Lois de l’Assemblée nationale créait à mon initiative une mission d’information sur les services publics face à la radicalisation, en me nommant rapporteur aux côtés de mon collègue Éric Poulliat, député de Gironde.

Les 51 auditions à huis clos que nous avons menées et le déplacement sur le terrain à la préfecture de Bobigny nous ont permis d’établir un rapport d’information rendu public le 26 juin 2019.

Ce rapport présente 35 propositions, qui poursuivent un triple objectif : mieux prévenir les risques de radicalisation au sein des services publics et leur donner les moyens d’être des acteurs de la prévention de la radicalisation dans la société ; permettre aux services publics de mieux détecter les cas de radicalisation qui existent en leur sein mais aussi chez leurs usagers et, enfin, permettre de mieux sanctionner les personnes radicalisées de manière à ce qu’elles ne constituent plus une menace pour la société.

Les services publics sont un fondement essentiel de notre société. C’est la raison pour laquelle ils sont particulièrement visés par les acteurs de la radicalisation dans leur politique de déstabilisation de la République car, au-delà du combat idéologique se joue un combat stratégique en ce que les services publics sont le pan de notre administration le plus en lien avec les citoyens.

Le but est donc de renforcer la culture républicaine de nos services publics, afin de mieux les imperméabiliser à la menace de la radicalisation.

Pour cela, les préconisations n°1 et 36 du rapport préconisent la mise en place d’une culture commune en matière de prévention de la radicalisation par des formations à destination des agents publics axées sur les notions de laïcité et de neutralité du service public. En effet, la notion de laïcité est particulièrement floue et peut être utilisée de diverses manières dans les différentes administrations, en raison d’une compréhension à géométrie variable qui en est faite par les agents.

Il s’agit d’uniformiser la notion de laïcité et l’action de nos services publics entre les agents, mais aussi dans leurs relations avec les usagers. L’objectif est de mettre l’accent sur l’exigence neutralité du service public, afin de faire comprendre que la laïcité protège la pratique religieuse, tant que cette dernière réside dans un cadre privé, et de mieux mobiliser l’ensemble des agents dans la lutte contre la radicalisation.

Ces formations permettront non seulement de mieux prévenir les cas de radicalisation, mais aussi de mieux les détecter.

Détecter les cas de radicalisation passe aussi nécessairement par un renforcement des moyens humains et financiers du SNEAS (proposition n°2), afin de lui permettre d’assumer les nouvelles missions qui seraient les siennes.

Il est ainsi proposé de soumettre au criblage du SNEAS l’ensemble des surveillants pénitentiaires, les sapeurs-pompiers, les agents occupant des postes sensibles, les personnels en contact avec les mineurs et les publics sensibles, ou encore les éducateurs sportifs (propositions n°9, 12, 14, 17, 30 et 33).

Enfin, une fois les cas de radicalisation détectés, il est nécessaire de prendre des mesures garantissant une sanction effective.

Le rapport préconise notamment, pour limiter les effets d’une jurisprudence défavorable, d’adapter le principe du contradictoire en procédure administrative voire civile pour les cas de licenciements pour incompatibilité liée à la radicalisation, afin de mieux garantir la confidentialité et la sécurité du travail des services de renseignement, qui sont aujourd’hui obligés de remettre des notes blanches éludées aux magistrats dans le but de ne pas compromettre leurs sources (proposition n°7).

Il est enfin proposé de permettre le licenciement d’un personnel protégé suite à un avis d’incompatibilité du SNEAS sans passer nécessairement par l’accord de l’inspection du travail, afin d’éviter que les personnels radicalisés ne se réfugient dans le syndicalisme pour continuer impunément leurs actions relevant notamment du prosélytisme (proposition n°27).

Si les attentats de 2015 et 2016 ont permis une prise de conscience, l’adaptation de notre société n’est pas terminée. Il est nécessaire d’en mobiliser tous les acteurs, en premier lieu ses services publics, pour mieux prévenir, détecter et sanctionner les cas de radicalisation qui veulent mettre à bas notre modèle républicain. â– 

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