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Légaliser le cannabis, une vraie mauvaise idée

Par le Professeur Jean Costentin, Professeur émérite de la faculté de Médecine & Pharmacie de Rouen, Président du centre national de prévention, d’études et de recherches sur les toxicomanies*

Une coalition hétéroclite s’applique à abattre la loi de 1970 prohibant le cannabis ; elle peut punir les contrevenants d’un an de prison ou de 3 500 e d’amende.

Cette loi s’inspirait des méfaits déjà très perceptibles de cette drogue. Les 50 années qui suivirent, non seulement les ont confirmés mais ont même allongé leur liste, en raison de la multiplication par 8 de la concentration de THC dans les produits en circulation et de la diffusion quasi pandémique de la drogue, consommée maintenant dès le collège.

La pertinence de cette loi demeure, mais on déplore : l’omission délibérée de sa justification ; l’absence de pédagogie ; son application caricaturée par l’institution judiciaire, qui élude délibérément la peine maximale et applique presque systématiquement le classement sans suite, ignorant les possibles graduations entre ces extrêmes.

Le maintien de cette loi, éventuellement revisitée, mais sans en affaiblir le caractère dissuasif, est totalement justifiée par les méfaits sanitaires et sociaux du cannabis. Il faut en prémunir notre société ; sa santé précaire ne supporterait pas l’aggravation de cette intoxication.

Sa toxicité physique est supérieure à celle du tabac, qu’on est incapable de gérer, avec les 13 millions de fumeurs qui sont à l’origine de 79 000 décès annuels. La combustion du cannabis produit 7 fois plus de goudrons cancérigènes et d’oxyde de carbone que celle du tabac. Alors que la nicotine stimule la volonté, ce qui devrait faciliter le fait de s’en séparer, le cannabis, par son THC, l’abolit. La puissance addictive du THC s’exprime par ses 1 300 000 usagers réguliers ; chiffre considérable s’agissant d’une drogue illicite, qui laisse attendre, en cas de légalisation, une explosion du nombre des consommateurs et une encore plus grande précocité de ses premiers usages. Sa toxicité cardio-vasculaire concerne les vaisseaux (artérites, accidents vasculaires cérébraux, plus précoces qu’avec le tabac) et le cœur (angine de poitrine, 3ème cause de déclenchement d’un infarctus). Il est cancérogène pour la sphère O.R.L. et broncho-pulmonaire. Il affecte le déroulement de la grossesse. Les enfants qui naîtront auront des risques accrus : de mort subite inexpliquée ; de retard du développement psychomoteur ; de survenue d’une hyperactivité avec déficit de l’attention. Les personnes en âge de procréer, qui exposent leurs gamètes au THC, confèreront à leurs enfants, par un mécanisme épigénétique, une vulnérabilité accrue aux drogues, qui s’exprimera dès l’adolescence.

La toxicité psychique du THC, qui n’est pas une « drogue douce », mais une drogue très lente, est liée à son accumulation, pendant des semaines, dans l’organisme (en particulier dans le cerveau). Ses effets ébriants se traduisent par des accidents routiers et professionnels, majorés par l’alcool, souvent associé. Ses effets désinhibiteurs conduisent à des prises de risque diverses : auto - ou hétéro-agressivité, relations sexuelles non consenties et/ou non protégées... C’est un grand perturbateur de la capacité d’apprendre (« drogue de la crétinisation »). Son envahissement de l’espace éducatif explique, pour une part significative, notre rang pitoyable au classement PISA. Il induit une perte de motivations, des troubles anxieux et dépressifs (avec en embuscade des tentations suicidaires). Il induit de novo, décompense ou aggrave cette affection psychiatrique majeure qu’est la schizophrénie. Il incite au passage à des drogues encore plus addictives (cocaïne, amphétamines, morphinique, dont la redoutable héroïne).

Les Français sont les premiers consommateurs de cannabis de l’Union européenne. Ses méfaits s’abattent sur nos jeunes à l’heure de leur maturation cérébrale perturbant les activités éducatives et leur santé mentale.

Il serait aberrant et même criminel de légaliser cette drogue, aggravant cette situation déjà dramatique. 


* Également Membre titulaire des académies nationales de Médecine et de Pharmacie ; Président de l’Académie des Sciences, belles lettres et Arts de Rouen. A publié : « Le désastre des toxicomanies en France » Ed. Docis (2018).

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