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La crise du sucre met la filière betteravière française sous pression

Avec la fin des quotas en 2017, la libéralisation du marché a très vite provoqué une surproduction entraînant une chute du cours du sucre. En France la Coopérative Cristal Union (Daddy) et l’Allemand Südzucker propriétaire de Saint Louis Sucre ont annoncé la fermeture de plusieurs sites.

Le 1er octobre 2017, l’Europe annonçait sa décision de mettre fin aux quotas sucriers mais aussi d’assurer un prix minimum garanti aux agriculteurs. Dans la foulée, industriels et producteurs de betteraves se sont engouffrés dans la brèche, le regard tourné à l’exportation. On allait voir ce qu’on allait voir. Que ce soit Tereos, premier groupe coopératif sucrier français (La Perruche et Béghin say) Cristal Union, numéro 2 Français (Daddy) ou leurs concurrents allemands Südzucker et Nordzucker, l’ensemble des industriels a poussé les producteurs à produire encore plus et à augmenter de 20 % les surfaces cultivées de betteraves. Cette année-là, la récolte fut importante. Mais dans d’autres pays producteurs comme le Brésil, la Thaïlande et surtout l’Inde qui a connu deux années de suite des récoltes exceptionnelles (+60 % en 2017-2018 par rapport à 2016-2017), la production ne s’est pas pour autant arrêtée, bien au contraire. Avec pour conséquence inévitable une surproduction et beaucoup de stock. La conséquence de cette conséquence fut un alignement des cours européens sur les cours mondiaux. Ou autrement dit : un effondrement des prix (-40 % entre octobre 2017 et avril 2019). Fin 2017, la tonne de sucre se vendait entre 600 et 550 euros, deux ans plus tard, elle ne s’échange plus qu’entre 270-300 euros. Avec le prix garanti, la tonne de betteraves sucrières qui se vendait alors pour près de 25 euros, est tombée aujourd’hui à près de 19 euros. Un prix insuffisant pour couvrir les coûts de production.

Une crise européenne et mondiale

Dans un tel contexte de crise non seulement européenne mais mondiale – les prix pourraient ne pas remonter avant la fin de l’année -, les grands sucriers n’ont eu que d’autres choix que de revoir drastiquement la production à la baisse, non sans dommages collatéraux telles que des fermetures d’usines. Comme avec Südzucker qui parce qu’il va baisser sa production de 700 000 tonnes, dont 450 000 en France, a annoncé en février la fermeture à brève échéance de deux sites de production Saint Louis Sucre sur quatre en France, celui de Cagny dans le Calvados (82 salariés) et celui d’Eppeville dans la Somme (126 salariés). Sans oublier le site de conditionnement de Marseille. Ne serait alors maintenue qu’une légère activité, notamment de stockage. Selon les betteraviers ce plan de restructuration pourrait réduire la production française de sucre de 10 %, soit environ 500 000 tonnes et « serait un coup terrible pour 2 500 planteurs » (sur 26 000 en France).

Et si comme cela ne suffisait pas, le 17 avril dernier, la Coopérative Cristal Union (Daddy) annonçait à son tour le projet de fermeture de deux sur ses dix usines : la sucrerie de Bourdon (90 salariés) à Aulnat (Puy-de-Dôme) et la sucrerie de Toury (150 salariés) en Eure-et-Loir. L’usine de conditionnement d’Erstein (Bas-Rhin) sera également impactée avec un plan de suppression de 70 emplois. Quant à Tereos, pourtant fortement endetté, le premier groupe coopératif sucrier français et deuxième mondial (9 usines), il n’y aurait pas de fermetures de sites annoncées. Rappelons toutefois que Tereos a fermé ces vingt dernières années pas moins de 8 sucreries en France. Le groupe est aujourd’hui confronté à une crise de gouvernance qui retarde une ouverture de son capital. Quant au reste de l’Europe, la situation n’est pas plus réjouissante : Nordsucker a fermé une usine en Suède quand Südzucker en fermait deux en Allemagne et une en Pologne. « De 10 à 20 sucreries pourraient fermer dans l’Union européenne ces cinq prochaines années » déclare Alain Commissaire, le directeur général de Cristal Union au JDD.

Des pistes de diversification peu convaincantes

Derrière ces fermetures en France, c’est toute la filière betteravière qui est impactée. Elle l’est d’abord parce que la France interdit un pesticide très utilisé (les néonicotinoïdes) pourtant utilisé dans d’autres pays européens comme la Belgique et la Pologne, ce qui crée forcément une distorsion de concurrence. Ensuite, dans certaines de ces régions touchées, les producteurs qui se trouvent sans débouchés pourraient être amenés à disparaître tout simplement. Ailleurs, les planteurs seraient contraints de trouver ou de se renforcer dans d’autres cultures. Plusieurs pistes de sauvegarde sont envisagées, notamment par la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) qui se mobilise pour « sauvegarder les sites industriels et pérenniser la production de betteraves dans les territoires » : spécialisation de l’usine de Cagny en sucre bio – encore faudrait-il que Südzucker accepte de céder ses usines, ce qu’il se refuse à faire aujourd’hui -, reprise par des betteraviers et diversification vers le bioéthanol, un biocarburant qui peut être produit à base de betterave. Des pistes qui laissent cependant les experts sceptiques. 

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