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Relevons les défis de la mer et des littoraux

Par Sophie Panonacle, Députée de la Gironde*

“La mer fait rêver. C’est bien. Mais il est peut-être temps qu’elle nous fouette aussi un peu le visage. Qu’elle nous fasse réagir. Et agir”.

Ces mots sont ceux du Premier ministre, Edouard Philippe, prononcés à l’occasion des Assises de l’Economie de la Mer en novembre 2017 au Havre. Ce sont précisément eux qui m’ont décidé définitivement à m’embarquer dans le maritime.

J’ai, d’abord, plongé dans l’économie de la mer en qualité de rapporteure d’une mission sur l’évaluation de la loi pour l’économie bleue. 36 propositions clôturent le document et servent encore aujourd’hui de références à mes actions législatives.

J’ai créé à l’Assemblée nationale la Team maritime, un équipage de députés, pour travailler à la mise en œuvre de la politique maritime de la France.

Notre feuille de route est claire : accélérer la maritimisation vertueuse de notre pays, en interaction constante avec les acteurs du secteur, public comme privé.

Transformation des ports, transition écologique dans les transports, énergies marines renouvelables, pêche et aquaculture, recherche océanographique, métiers de la mer, filière navale et nautique : tels sont les domaines d’activités que nous avons retenus pour structurer les actions de la Team maritime.

Je suis convaincue qu’il faut agir collectif

En une année, lors des « Mercredis de la Team », nous avons organisé plus d’une trentaine de rendez-vous. 3 tables rondes sur le gaz naturel liquéfié auront permis l’adoption d’un amendement mettant en place une mesure de suramortissement fiscal. Elle permet d’accompagner les armateurs dans le passage d’une propulsion au fioul lourd à une propulsion au GNL, plus écologique. C’est une première étape vers la décarbonation du transport maritime.

En effet, le GNL constitue une vraie avancée. Il permet de réduire de 25 % les émissions de CO2, de 90 % celles d’oxyde d’azote, et presque intégralement les émissions de dioxyde de soufre et de particules fines.

Pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 prévue par le Plan Climat, le transport maritime ne pourra pas faire exception.

Dans le cadre de la Loi d’Orientation des Mobilités, avec mes collègues, nous portons une série d’amendements sur la réduction de la vitesse des navires, sur le développement du report modal de la route vers le fleuve, sur l’installation de bornes électriques à quai.

Un autre sujet qui nous intéresse : la perte des conteneurs en mer. Le naufrage du Grande America au large de la côte Atlantique a mis une nouvelle fois en évidence la nécessité de mieux connaître la nature des marchandises transportées dans les conteneurs et aussi d’améliorer leur traçabilité.

Les ports sont l’avenir du maritime

L’ambition du maritime passe par la compétitivité des ports. Nous sommes tous d’accord sur le principe qu’il ne peut y avoir de puissance maritime sans ports puissants.

Comment concrètement rendre les ports compétitifs ? Une première liste de mesures pour répondre au défi : réformer le droit à la domanialité portuaire y compris sur la question de la fiscalité foncière, fixer les règles pour les conventions de terminal, améliorer la gouvernance des ports et garantir le financement pérenne du dragage par l’Etat. Députée de la Gironde, je suis particulièrement attentive à l’évolution économique du Grand Port Maritime de Bordeaux.

Les femmes ne sont pas condamnées à rester à quai

Nous avons en tête cette image d’Épinal de la femme attendant le retour de son mari pêcheur sur le quai. Ce cliché est bien ancré dans nos mémoires. Heureusement, les temps changent et abolissent peu à peu les stéréotypes. Aussi, j’ai l’espoir que nous ouvrions une autre voie. Celle de l’égalité, celle des métiers ouverts à toutes, celle de l’ambition des femmes.

Les femmes quels que soient la filière, le métier, le poste doivent prendre leur place dans notre économie, dans notre société. J’ai la conviction, que la mixité professionnelle permet à l’entreprise de gagner en attractivité, en créativité, en motivation. Il faut convaincre les jeunes filles de notre pays, les collégiennes, les lycéennes que toutes les formations leurs sont accessibles. Il suffit qu’elles le souhaitent. Leurs compétences et leur motivation sont attendues.

Urbanisation du littoral et érosion côtière ne font pas bon ménage

Loin de moi l’idée de sanctuariser nos littoraux. Je pense qu’il est possible et souhaitable de recomposer les territoires littoraux. Les activités liées au tourisme, à la pêche, à l’aquaculture, à l’ostréiculture doivent bien évidemment perdurer. Par contre, à l’évidence, il faudra qu’elles s’adaptent aux conséquences du réchauffement climatique. Des stratégies locales devront se mettre en place.

En qualité de responsable à l’Assemblée nationale du Groupe de travail Littoral j’ai été destinataire du rapport, rédigé par CGEDD, IGF et IGA, sur le financement de la recomposition spatiale des territoires littoraux concernés par le recul du trait de côte. Ce document particulièrement attendu va me permettre de poursuivre le travail législatif que j’ai entrepris depuis un an.

Osons la mer !

Pôle emploi estime à 1 million le nombre d’emplois dans les métiers de la mer d’ici à 2030, soit le double en 10 ans. Il y a là un formidable levier pour l’économie de notre pays. Nous l’avons trop longtemps négligé. L’ambition que je porte, en matière maritime, ne peut se concevoir sans une filière de formation attractive, ouverte et tournée vers l’avenir, dans laquelle les lycées professionnels maritimes et les lycées de la mer ont un rôle majeur.

Nous connaissons les difficultés de recrutement auxquelles les employeurs sont confrontés. Aussi, l’attractivité des métiers de la mer doit être considérée comme une priorité pour la politique maritime française. Nous devons donner plus de visibilité aux carrières maritimes. Les formations doivent s’ajuster aux besoins et aux attentes des futurs professionnels et s’adapter à l’évolution des référentiels internationaux et aux enjeux du 21ème siècle, en particulier au défi de la transition écologique qui offre de réelles perspectives. Les filières professionnelles sont appelées à jouer pleinement leur rôle en s’impliquant pour valoriser leur métier.

Les Français naissent de « mer inconnue »

Les Français tournent, trop souvent, le dos à la mer. Cet élément qu’ils redoutent et qui en même temps les fascine. La mer les nourrit, la mer les soigne, la mer les effraie aussi. L’idée de la création de la Fête de la mer et des littoraux est née d’un constat largement partagé : qui ne connaît pas, n’aime pas, ne respecte pas. L’objectif de cet événement, qui se tiendra du 28 au 30 juin sur l’hexagone et les Outre-Mer, est de sensibiliser les Françaises et les Français aux problématiques de la mer et des littoraux en adoptant une démarche pédagogique. La volonté est, chaque année, de rassembler nos concitoyens autour d’une grande fête populaire porteuse de sens.

La mobilisation de toutes et tous est indispensable. Elus et citoyens, acteurs publics et acteurs privés, ONG et institutions, nous devons nous embarquer sans hésiter dans ce formidable défi du 21ème siècle : sauver la mer et les littoraux.

Il existe depuis longtemps deux journées emblématiques : la fête de la musique et les journées du patrimoine. Mon souhait en créant la Fête de la mer et des littoraux est de valoriser et de rendre populaire le maritime. Ma volonté est qu’aux côtés des sauveteurs en mer nous devenions des sauveteurs de la mer et des littoraux.

Le 21ème siècle sera maritime !

La formule revient à Jean-Louis Borloo, ancien Ministre de l’Ecologie et de la Mer. Dans la préface du Livre Bleue rédigée à l’occasion du Grenelle de la Mer, il y a dix ans, il était déjà question de la protection de la « planète mer ». Le cadre était posé : ne reproduisons pas sur mer les erreurs commises sur terre au cours du siècle précédent. Il s’agit de regarder la mer en face pour ce qu’elle a de meilleur et aussi pour ce qu’elle porte d’espoirs.

Les océans sont parfois vus exclusivement comme le nouvel Eldorado. La communauté maritime partage l’idée qu’il nous faut préserver la vie qu’abritent les océans, source de richesse pour nos sociétés. Nous avons une communauté d’origine avec les océans qui nous oblige. Nous avons, aussi, une communauté de destin avec les océans qui nous unit. 


* Sophie Panonacle est députée de la 8ème circonscription de la Gironde qui regroupe 12 communes du Bassin d’Arcachon. Elle est à l’origine du rapport d’information de l’application de la loi sur l’économie bleue. Elle anime les groupes de travail « Team maritime » et littoral à l’Assemblée Nationale et prépare une proposition de loi sur le recul du trait de côte. Elle est membre du Conseil National de la Mer et des Littoraux et du Conseil Maritime de la Façade Sud-Atlantique.