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Dépenses européennes : comment les optimiser ?

Par Agnès Verdier-Molinié, Directeur de la Fondation iFRAP*

Dans son projet de cadre financier pluriannuel 2021-2027 présenté en mai 2018, la Commission prévoit de dépenser 1 279 milliards d’euros courants sur toute la période, soit un peu plus de 180 milliards par an.

La sortie du Royaume-Uni de l’UE devrait engendrer un manque à gagner de 5 à 9 milliards d’euros par an. Ce coût risque de peser sur les Etats membres… à moins qu’il ne soit gagé par des économies : la Fondation iFRAP estime qu’il est possible d’économiser jusqu’à 30 milliards d’euros d’ici 2027 en réformant les fonds structurels, le réseau diplomatique de l’UE, les versement d’aides à la pré-adhésion et les dépenses administratives. La suppression du Parlement de Strasbourg permettrait une économie supplémentaire de 114 millions d’euros.

Concernant les fonds structurels : ils représentent une enveloppe de 480 milliards (40 % du budget européen) mais chaque année, 35,5 milliards de fonds européens, soit la moitié des fonds distribués qui transitent par le budget européen… reviennent aux Etats membres. Ainsi, l’Espagne a financé ces fonds pour 6,1 milliards d’euros pour en recevoir 5,9 milliards. La proposition est de ne plus faire transiter ces sommes, ce qui allégerait de 20 à 25 % la contribution globale des pays membres et, en même temps, leur rendrait la pleine maîtrise de l’utilisation de cet argent. Concrètement, en 2018, en appliquant cette solution, la France aurait vu diminuer de près de 4,2 milliards d’euros sa contribution au budget de l’Union. De la même façon, l’Italie aurait vu sa contribution diminuer de près de 6,9 milliards d’euros et donc, n’aurait pas besoin de l’Europe pour financer des myriades de projets tels que 600 heures de cours de coiffure dans le Piémont ou l’achat de 10 autocars dans les Pouilles.

Au niveau de l’action internationale de l’Europe, ces dépenses représentent 9,79 milliards d’euros en 2017 et environ 10 % des dépenses du budget européen. Leur poids dans le budget a doublé au cours des trente dernières années. Entre autres, le réseau diplomatique européen dispose d’une administration opérationnelle depuis 2011 : le service européen pour l’action extérieure (SEAE) constitué d’un siège à Bruxelles et d’un réseau diplomatique mondial de 140 délégations, soit des ambassades de l’Union européenne. Cette représentation internationale permanente, qui peut se superposer avec celles des États membres, coûte aujourd’hui 9 % du budget administratif de l’Union, soit 0,9 milliard d’euros en 2011 pour 3 400 agents dont 1 500 au siège et 1 900 dans les délégations. En parallèle, le programme « aide de préadhésion » pose également question, notamment en ce qui concerne les crédits pour la Turquie dont l’adhésion est au point mort depuis de nombreuses années. Or, le pays a touché près de 40 % de ce programme pour la période 2014-2020, soit environ 4,5 milliards d’euros… une politique reconduite pour 2021-2027. L’impact des suppressions du SEAE, des aides européennes d’appui budgétaire et de l’aide de pré-adhésion à la Turquie représenterait déjà plus de 21 % des dépenses budgétaires actuelles d’actions internationales. Soit, des économies de près de 3 milliards d’euros par an.

En outre, ces simplifications du système devraient entraîner une diminution significative des frais administratifs et du nombre des agents publics de l’Union ou de ses agences : l’objectif de baisse de 5 % de ces effectifs pourrait donc être aisément atteint. Aujourd’hui, concernant les dépenses administratives, 85 milliards d’euros sont planifiés sur la période 2021-2027. Brexit ou pas, le projet de budget 2021-2027 prévoit d’augmenter les dépenses administratives de +23 %. Pourtant, en 2013, le Conseil européen avait invoqué la nécessité d’« une réduction, appliquée à l’ensemble des institutions, organes et agences de l’UE et leurs administrations, de 5 % de leurs effectifs au cours de la période 2013-2017 ». Une annonce aux effets mitigés : si, depuis 2014, le nombre total d’employés de l’UE s’est stabilisé autour de 40 000 après une période de forte croissance, entre 2000 et 2013, la contribution du budget de l’UE aux agences a été multipliée par plus de huit et leurs effectifs ont quadruplé. Pourtant, avec le Brexit à l’horizon, respecter les objectifs de baisse des effectifs et de stabilisation des dépenses administratives de l’Union devrait être une priorité. 


* avec l’équipe de la Fondation iFRAP

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