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Projet de loi Ecole : la copie corrigée du Sénat, recorrigée en CMP

Le Projet de loi « pour une école de la confiance » a été déposé le 5 décembre 2018 à l’Assemblée nationale. La procédure accélérée ayant été demandée sur ce texte par le Gouvernement, après l’Assemblée le 19 février, le Sénat s’est prononcé le 21 mai dernier. Le projet de loi a été profondément remanié par la majorité de droite. Sur un texte de 25 articles adoptés par l’Assemblée en février, seuls douze sont restés inchangés. Députés et sénateurs ont fini par se mettre d’accord sur ce texte.

A la différence de l’Assemblée, si les débats autour du projet de loi « pour une école de la confiance » ont été apaisés, il n’en reste pas moins que la majorité sénatoriale de droite a largement corrigé la copie du Gouvernement des députés. Le texte a été adopté par 213 voix (LR, Centristes Indépendants) contre 95 (PS, Communistes, Ecologistes) et 38 abstentions (LREM, RDSE).

En présentant son texte « profondément social », le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer avait bien spécifié que l’abaissement à trois ans, dès la rentrée scolaire, de l’âge de l’instruction obligatoire était « l’article le plus important de la loi ». Il a visiblement été entendu par les sénateurs qui ont adopté à l’unanimité cet article en y apportant cependant leur touche personnelle. Les sénateurs ont notamment voté pour un élargissement de la compensation des dépenses des communes. Ils ont aussi adopté un amendement visant à préciser que la possibilité d’inscrire les enfants de trois à six ans, au titre de l’instruction obligatoire dans les « jardins d’enfants » est limitée à ceux qui sont ouverts à la date d’entrée en vigueur de la loi. A également été acté un assouplissement de l’obligation d’assiduité en petite section. Le Sénat a encore adopté le principe de formation de 16 à 18 ans.

L’accent mis sur l’école inclusive

D’autres articles ont été plus débattus comme celui concernant le devoir d’exemplarité des enseignants. Une mesure largement dénoncée par les syndicats qui y ont vu là un geste de défiance du Ministère à leur égard. Les sénateurs ont tenu à ajouter que « l’exemplarité nourrit le respect qui est dû à l’autorité » de l’enseignant. Par l’introduction d’un autre article, les professeurs des écoles ont été placés sous l’autorité du directeur qui pourra les évaluer. Une nouveauté importante, le directeur n’étant aujourd’hui qu’un enseignant parmi les autres, un simple collègue. Côté professeurs toujours, le texte adopté par les sénateurs inscrit dans le code de l’éducation la formation des futurs enseignants à la maîtrise des outils et des ressources numériques, à leur usage pédagogique ainsi qu’à la connaissance et à la compréhension des enjeux liés à l’écosystème numérique ainsi que la formation des élèves à l’éducation à l’environnement et au développement durable dès l’école primaire.

L’école inclusive a aussi fait l’objet de toute l’attention des sénateurs qui ont alors adopté une série de mesures visant à favoriser l’intégration des élèves handicapés. Au-delà de la seule mesure visant à prendre en compte dans le calcul des effectifs d’une école les élèves en situation de handicap, les sénateurs ont souhaité renforcer la professionnalisation des accompagnants de ces élèves en situation de handicap en fixant leur formation professionnelle continue conformément à un référentiel national et en l’adaptant à la diversité des situations des élèves accueillis dans les écoles et établissements d’enseignement. Ils ont aussi permis le recrutement conjoint d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) par l’Etat et les collectivités. Ils ont encore ouvert la possibilité aux parents d’un élève handicapé de déposer un recours si l’accompagnement mutualisé ne leur donnait pas entière satisfaction.

Le Sénat a voulu aussi imposer l’intégration d’un critère de mixité sociale reposant sur le revenu médian des foyers fiscaux auxquels sont rattachés les élèves de l’établissement lors de toute nouvelle modification de la carte scolaire.

Drapeaux, carte de la France et devise républicaine

A été adopté un amendement permettant de préciser dans le code de l’éducation, qu’aucun élève « ne doit subir, de la part d’autres élèves, des faits de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions d’apprentissage susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale ».

Subrepticement, les sénateurs de droite ont glissé dans le texte plusieurs mesures controversées. Et la première a été de supprimer en commission les mentions « parents 1 » et « parent 2 » dans les formulaires scolaires pour les remplacer par père et mère. Ceci fait, les sénateurs ont précisé la présence obligatoire dans les salles de classe d’affichages présentant le drapeau tricolore, le drapeau européen et les paroles de l’hymne national en y ajoutant la devise de la République. Ils ont rétabli la rédaction de l’article 1er bis B issu de l’examen à l’Assemblée nationale mais supprimé par la Commission de la culture du Sénat la mention : « Toute carte de la France affichée dans une salle de classe d’établissement du premier et second degrés doit représenter les territoires français d’outre-mer ».

« De vieux serpents de mer de la droite »

Qualifiées par la gauche « d’obsessions » droitières et même « de vieux serpents de mer de la droite », les sénateurs ont adopté des amendements ayant pour effet de lutter d’une part contre l’absentéisme scolaire, en prévoyant notamment la possibilité d’effectuer une retenue sur les allocations familiales versées aux parents d’élèves de moins de 16 ans – entre 2010 et 2013, la loi Ciotti permettait cela - ; et d’autre part contre le prosélytisme. Il en est ainsi avec la mesure permettant d’étendre « aux sorties scolaires organisées par les établissements et aux personnes concourant au service public de l’éducation, l’interdiction actuellement faite aux élèves de porter des signes ou tenues par lesquels se manifeste ostensiblement une appartenance religieuse ». Ils proposent encore que le texte prévoit que les « propos et agissements visant à exercer une influence sur les croyances ou l’absence de croyances des élèves sont interdits dans les écoles, collèges et lycées publics, ainsi qu’aux abords immédiats de ces établissement lors des entrées ou sorties des élèves ou dans un temps voisin de celles-ci et lors des sorties scolaires organisées par ces établissements ». Ce sujet est particulièrement sensible. Il avait fait l’objet d’une décision du Conseil d’Etat en 2013 qui avait estimé à l’époque que les accompagnants, à la différence des enseignants, n’étaient pas soumis au devoir de neutralité. Le sénateur LREM, Antoine Karam a lors de l’examen exprimé son mécontentement jugeant que cela allait placer les enseignants « dans des situations inextricables ». A l’annonce de ce choix, le Secrétaire d’Etat à la Jeunesse, Gabriel Attal s’est dit opposé à la mesure indiquant que le Gouvernement proposerait aux députés LREM « de retirer cette proposition » (Voir ci-dessous).

Enfin, et sans doute au regard de certaines expériences récentes, les sénateurs ont souhaité vouloir renforcer les possibilités de sanctions « lorsque les conditions de fonctionnement des établissements d’enseignement privés hors contrat présentent un risque pour l’ordre public ».

Car comme l’a rappelé Claude Malhuret (Les Indépendants, Allier) : « L’école est sujette à des dérives communautaristes. Il n’y a pas de place pour les tentatives d’endoctrinement ».

Entrée en vigueur de la loi à la rentrée prochaine

Ils ont aussi supprimé l’article 17 du projet de loi qui prévoyait d’autoriser le Gouvernement à prendre un certain nombre d’ordonnances. Supprimé aussi l’article 6 du projet de loi créant les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux permettant le regroupement des classes d’un collège et d’une ou plusieurs écoles qui avait soulevé l’interrogation des élus locaux, des parents d’élèves et du corps enseignant provoquant même des grèves dans le primaire récemment.

A l’issue du vote solennel, Jean-Michel Blanquer a pris acte du vote tout en indiquant qu’il avait « des réserves à émettre » et qu’il le ferait « en temps et en heure ».

Mi-juin, la Commission mixte paritaire réunira députés et sénateurs qui tenteront de trouver un accord sur un texte commun, faute de quoi une seconde lecture sera organisée. Une hypothèse que veut à tout prix éviter le Gouvernement qui entend voir sa loi entrer en vigueur à la prochaine rentrée. 

Dernière minute. Le projet de loi sur l’école de la confiance a été adopté le 13 juin après accord entre députés et sénateurs réunis en Commission mixte paritaire (CMP). Les mesures les plus polémiques ont fini par être abandonnées. Le Ministre de l’Education nationale a notamment renoncé à la disposition concernant les établissements publics des savoirs fondamentaux. L’article porté par les sénateurs prévoyant une autorité hiérarchique du directeur d’école sur les enseignants a également été retiré tout comme l’interdiction pour les « mamans accompagnatrices » du port de signes religieux lors des sorties scolaires. Retiré enfin la possibilité d’une retenue sur les allocations familiales versées aux parents d’élèves de moins de 16 ans pour lutter contre l’absentéisme scolaire, introduite par le Sénat.

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