Print this page

Projet de loi énergie-climat : le plan et les espoirs du Gouvernement

La présentation en Conseil des ministres du projet de loi énergie-climat initialement annoncée en mars dernier a d’abord été repoussée pour pouvoir rendre un texte « plus ambitieux » assurait le Gouvernement avant d’être finalement faite fin avril. Il a fallu concilier différents objectifs pas tous concordants, « préciser certains aspects, certaines dispositions » et prendre en compte un climat social tendu. En dépit de ces aménagements, le texte suscite encore de nombreuses interrogations. Les discussions au Parlement devraient venir le compléter.

Très tôt, le Gouvernement a fait de l’enjeu du changement climatique une priorité de l’action du quinquennat. Dès le 6 juillet 2017, à la demande du Chef de l’Etat, le Plan climat était présenté par le Ministre de l’époque Nicolas Hulot. Il vise à faire de l’Accord de Paris « une réalité pour les Français » et à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 (voir ci-dessous). C’est en tout cas l’ambition affichée par l’exécutif. Pour atteindre cet objectif, la France a mis en place une « Stratégie française pour l’énergie et le climat » qui s’appuie sur la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui date de fin 2018 (voir encadrés). Une Stratégie qui entrera pleinement en vigueur qu’après l’adoption par le Parlement du projet de loi énergie-climat. Un texte rendu nécessaire par la décision du Gouvernement de repousser à l’horizon 2035 la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique (75 % aujourd’hui). A l’origine, la date butoir était 2015. Mais ce texte a connu un retard à l’allumage puisqu’initialement annoncé fin mars - il a été repoussé pour diverses raisons : climat social, précisions à apporter et au final avoir « un texte plus ambitieux » -, a été finalement présenté en Conseil des Ministres par François de Rugy, le Ministre de la Transition écologique et solidaire fin avril. Mais il ne fait aucun doute au Ministre que ce texte va permettre de « rehausser l’ambition de la France sur le climat ». « Face à l’urgence climatique, nous inscrivons dans le marbre de la loi nos objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Alors que la loi de transition énergétique prévoyait une division par 4 des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, la Gouvernement va plus loin avec l’objectif zéro émission nette à l’horizon 2050, standard le plus élevé au monde en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Cela fait de la France le premier pays d’Europe à inscrire l’objectif de neutralité carbone dans la loi, et ce sera désormais la boussole de toutes nos politique climatiques » a assuré François de Rugy à l’issue du Conseil des Ministres. Le projet de loi qui ne compte pourtant que huit articles fixe une « trajectoire ambitieuse et crédible » pour ces quinze prochaines années avec comme objectif de diversifier notre mix énergétique et de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre.

« Une trajectoire ambitieuse et crédible »

Au premier rang de cette ambition, l’objectif de neutralité carbone fixé à l’horizon 2050. Un objectif plus ambitieux que le « facteur 4 » aujourd’hui présent dans la loi estime le Ministère. « Il sera atteint, précise le Gouvernement, par une division des émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à 6 par rapport à 1990 ». Un optimisme peu partagé par les défenseurs de l’environnement. Greenpeace France voit dans cette « neutralité carbone », « un objectif trop vague et trop éloigné qui ouvre grand la porte aux fausses solutions comme les agrocarburants ou les procédés industriels de stockage de carbone ». Justement sur cette question de stockage, le texte veille à renforcer les puits de carbone (forêts, prairies, sols agricoles, zones humides…) ou via des techniques industrielles de séquestration de CO2 dont pour le moment on ignore tout ou presque. Ensuite, pour décarboner notre mix énergétique, le texte entend encore faire porter l’essentiel des efforts sur une baisse de l’utilisation des énergies fossiles. « Les mesures qui seront prises dans le cadre de la PPE et de la SNBC, essentiellement dans les secteurs du bâtiment (lutte contre les passoires thermiques d’ici 10 ans, dispositif de soutien aux Français qui engagent des travaux de rénovation – crédit d’impôt et prêt à taux zéro -, ndlr) et des transports, en lien avec le projet de loi d’orientation des mobilités (conversion des véhicules, bonus écologique, soutien au covoiturage, mobilités douces, ndlr), permettront de réduire nos consommations d’énergies fossiles de 40 % d’ici à 2030, au lieu de 30 % visés jusqu’ici » annonce le projet de loi. Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement cite plusieurs exemples « d’actions résolues pour se détourner des énergies fossiles », notamment l’arrêt des centrales à charbon annoncée d’ici à, 2022 et la prime à la conversion des chaudières au fioul et au gaz initiée début 2019. Pour les salariés et sous-traitants de la filière charbon, le texte a pris soin de prévoir des mesures d’accompagnement spécifiques. Pour autant rien n’a été encore réellement décidé pour les quatre dernières centrales à charbon françaises : Cordemais (Loire-Atlantique), le Havre (Seine-Maritime), Gardanne (Bouches-du-Rhône) et Saint-Avold (Moselle). Si le Chef de l’Etat a évoqué l’échéance de 2022 pour leur fermeture, RTE a fait part de son inquiétude face à un risque de rupture de l’approvisionnement d’électricité « en cas de conditions particulièrement dégradées ». RTE vise notamment la centrale de Cordemais qui devra être maintenue en veille tant que « l’EPR n’est pas mis en service ».

Le retard de Flamanville

Or, le chantier de Flamanville dans la Manche n’avance pas au rythme attendu en raison notamment de problèmes de soudures qui vont immanquablement entraîner de nouveaux retards. Sans le crier sur les toits, le Ministère pourrait proposer de maintenir en activité « quelque dizaines d’heures par an », la centrale de Cordemais au-delà de 2022. Le projet de loi prévoit qu’à compter du 1er janvier 2022, l’autorité administrative définira un plafond d’émissions de CO2 pour « les installations de production électrique à partir de combustibles fossiles situés en métropole ». Avec un plafond fixé, les centrales à charbon, puisque ce sont elles les premières visées devraient voir leur durée de vie divisée par sept. Les centrales pourraient n’avoir plus que très peu d’intérêt économique à continuer à fonctionner, les contraignant finalement à fermer. Et c’est bien là-dessus que le Gouvernement compte pour éviter une décision administrative de fermeture avec la mise en place d’une longue et coûteuse procédure d’indemnisation.

Côté nucléaire, la loi prévoit actuellement de réduire à 50 % la part de nucléaire à l’horizon 2025, mais souligne le gouvernement, « cet objectif aurait nécessité de construire de nouvelles centrales thermiques, en contradiction avec nos objectifs climatiques (hausse des émissions de gaz à effet de serre) ». Du coup, il est proposé de porter ce délai à 2035, ce qui correspond à la fermeture de 14 réacteurs sur la période, « dont 2 à 4 d’ici 2028, en plus de ceux de Fessenheim ».

Un Haut conseil pour le climat

Annoncé le 27 novembre dernier par le Chef de l’Etat, le Haut conseil pour le climat est désormais inscrit dans le texte. Indépendant, doté de moyens spécifiques et rattaché au Premier ministre, ce haut conseil doit venir renforcer la gouvernance de l’Etat sur les sujets climatiques. « Composé de scientifiques et d’experts, il devra évaluer sur la SNBC de la France est suffisante, alerter si elle n’est pas mise en oeuvre ou si les décisions qui sont prises par l’Etat ne sont pas cohérentes avec les objectifs que la France s’est fixée, et recommander des actions pour redresser la trajectoire ». Il devra également s’assurer que les politiques sectorielles et les financements sont cohérents avec les objectifs et que la SNBC se décline dans les territoires. Le Haut conseil rendra son premier rapport d’ici fin juin. Le Gouvernement a par ailleurs tenu à rappeler que ce Haut conseil viendra aussi « alimenter les travaux de la Convention composée de 150 citoyens tirés au sort et dont la première saisine portera sur la transition écologique ». Mais la seule annonce de création de ce Haut conseil avait suscité de vives critiques mettant en doute son utilité. « Le climat n’a pas besoin d’un énième comité mais de mesures fortes pour mettre en place les solutions déjà connues » twittait Jean-François Julliard, le président de Greenpeace France. « Il existe déjà en nombre des instances pour accompagner la transition énergétique, on se demande bien quel pourra être l’utilité de cette structure supplémentaire » ajoutait à l’époque Chloé Vlassopoulou, du centre universitaire de recherche sur l’action publique et le politique.

Lutte contre la fraude aux certificats d’économie d’énergie

Pour « accélérer et accompagner la transition énergétique », le projet de loi met en œuvre toute une série de mesures et dispositions comme la « consolidation du dispositif d’évaluation environnementale ». Il s’agit par ce biais d’accélérer les différentes phases des procédures applicables notamment aux projets éoliens, « tout en maintenant un haut niveau d’exigence sur l’évaluation des incidences sur l’environnement des projets ».

Pour lutter contre la fraude aux certificats d’économie d’énergie, le projet de loi en renforce la lutte contre en accélérant les procédures de contrôle tout en facilitant les échanges entre les différents services de l’Etat. L’idée est de préserver l’efficacité de ce dispositif « qui permet de diriger d’importants moyens financiers vers des opérations de réduction de nos consommations d’énergie » tient cependant à souligner le Gouvernement.

Le texte de loi habilite enfin le Gouvernement à transposer l’ensemble des textes européens du paquet « Une énergie propre pour tous les Européens » et dont les objectifs « sont cohérents avec notre politique énergétique » assure le Ministère.

Le projet de loi énergie-climat qui sera présenté en procédure accélérée doit être discuté fin juin à l’Assemblée puis examiné au début de l’été au Sénat pour une adoption à l’automne. 

La neutralité carbone
Il s’agit de viser l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre (GES) et ce que notre territoire est capable d’absorber via les écosystèmes gérés par l’être humain (forêts, prairies, sols agricoles, zones humides…). Cela correspond à diviser par 6 (facteur 6) les émissions de gaz à effet de serre d’ici le milieu du siècle. La France est le premier pays à inscrire cet objectif dans la loi.

La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE)
La PPE fixe pour la prochaine décennie les priorités d’actions pour la politique énergétique qui permettront à la France d’atteindre la neutralité carbone en 2050, une nécessité pour répondre au défi climatique. Elle prévoit notamment de :
• faire baisser la consommation d’énergie en améliorant l’efficacité énergétique dans tous les secteurs (habitat, transport, industrie…) ;
• réduire l’utilisation des énergies fossiles ;
• diversifier le mix énergétique en atteignant 32 % de la consommation d’énergie d’origine renouvelable en 2030.

La Stratégie nationale bas-carbone
La SNBC est la feuille de route pour atteindre la neutralité carbone et pour réduire l’empreinte carbone. Elle décrit les actions de la France pour conduire la politique d’atténuation du changement climatique en définissant des objectifs de réduction des émissions de GES à court et moyen termes. Elle formule plus de 40 recommandations couvrant tous les secteurs d’activité : transports, bâtiments, agriculture, industrie, production d’énergie et déchets, mais aussi l’éducation, l’emploi ou l’aménagement du territoire.

4167 K2_VIEWS