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Gazprom : Produire de l’hydrogène à faible empreinte carbone pour atteindre les objectifs climatiques

Par Nikias Wagner, Directeur de Relations Publiques et Gouvernementales du groupe « Gazprom Germania GmbH »

KIT / IASS remportent le PRIX DE L’INNOVATION de l’Industrie gazière Allemande, qui vient distinguer une technologie innovante pour un avenir à faible émission de CO2 après 2050.

Sous le patronage de Mme Anja Karliczek, la Ministre fédérale de l’Éducation et de la Recherche, les associations de l’industrie du gaz décernent pour la 20ème fois le PRIX DE L’INNOVATION de l’Industrie gazière allemande. Ce prix récompense des développements et concepts innovants de l’industrie, du commerce et de la science. Cette année, la distinction dans la catégorie « Recherche et développement » est décernée à KIT (l’Institut de technologie de Karlsruhe) et à IAAS de Postdam (l’Institut d’études avancées en développement durable) pour leurs travaux communs consacrés à l’innovation technologique de la décomposition thermique du méthane (« pyrolyse du méthane »).

La thématique de la pyrolyse du méthane a également fait l’objet d’un atelier spécialisé. L’un des sujets abordés a été la manière dont la technologie pourrait être utilisée à l’avenir à l’échelle industrielle.

Quelle place le gaz naturel peut-il occuper dans un avenir énergétique à faibles émissions de CO2 ? Et comment peut-il contribuer à atteindre les objectifs climatiques mondiaux ? De plus en plus d’experts de la politique, de la science et du secteur de l’énergie en viennent à la conclusion qu’une mutation énergétique entièrement placée sous le signe de l’électricité, basée exclusivement sur les énergies renouvelables, n’est viable ni du point de vue technologique ni du point de vue économique. C’est pourquoi l’accent est mis sur des approches ouvertes en matière de technologie. La réduction progressive des émissions de CO2 par l’efficacité énergétique, la substitution des sources d’énergie à forte intensité de CO2 que sont le charbon et le pétrole, ainsi que la conversion progressive aux sources d’énergie à faibles émissions de CO2 en utilisant les infrastructures existantes sont au centre des préoccupations.

La production d’hydrogène à partir de gaz naturel pour compléter les énergies renouvelables

En plus de l’hydrogène issu de l’énergie éolienne, par exemple, les sources d’énergie à faible émission de carbone peuvent également inclure l’hydrogène issu du méthane. Les technologies correspondantes sont actuellement en phase de développement, l’étape suivante étant le développement de systèmes permettant leur utilisation efficace et économique à l’échelle industrielle.

Actuellement, de nombreux experts accordent leur faveur à la pyrolyse du méthane. Ce procédé a été expliqué par le Prof. Thomas Wetzel, du KIT Karlsruhe, dans le cadre d’un atelier spécialisé. Le gaz naturel est scindé en hydrogène et en carbone solide (graphite / noir de carbone), sans production d’émissions nocives. Alors que l’hydrogène peut être utilisé comme source d’énergie propre dans un système énergétique décarbonisé, le sous-produit de la pyrolyse, le carbone élémentaire noir solide, peut être utilisé comme matière première industrielle pour la production d’acier, de fibres de carbone et d’un grand nombre de structures et matériaux carbonés. Ce processus contribue donc potentiellement aussi à la réduction des émissions dans d’autres secteurs.

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Les deux produits du procédé de cracking peuvent être utilisés intégralement

Si l’on compare l’ensemble du cycle de vie des deux technologies, les émissions lors de la « pyrolyse du méthane » à l’intérieur d’un réacteur à métal liquide sont nettement inférieures à celles provenant de l’électrolyse de l’eau avec de l’électricité renouvelable, selon le Dr Alberto Abánades de l’Université polytechnique de Madrid (UPM Madrid).

En ce qui concerne la rentabilité ou le potentiel commercial de la technologie, il n’est actuellement possible d’estimer uniquement les recettes et coûts escomptés, étant donné qu’ils sont soumis à de nombreux impondérables tels que les fluctuations des prix du gaz et du CO2. Cependant, en général, l’hydrogène et le carbone peuvent être produits à des coûts de production compétitifs par rapport à d’autres procédés, en tenant compte d’un prix du CO2 de 50 euros par tonne.

Toutefois, une analyse coûts/bénéfice plus précise dépend aussi de la manière dont les marchés des matières premières carbone et hydrogène se développeront à l’avenir. Il existe des potentiels de marché considérables pour les deux produits. En ce qui concerne l’hydrogène, son utilisation dans les piles à combustible, pour la production d’électricité, dans les véhicules fonctionnant à l’hydrogène ainsi que l’application comme matière première pour la production d’ammoniac est possible. Dans le cas du carbone notamment la production d’acier, de fibres de carbone ou encore de béton, sont des exemples d’application envisageables. Même si le marché du carbone élémentaire de haute qualité est encore restreint à l’heure actuelle, le potentiel du matériau est important, en particulier en Europe. En conséquence, 70 % du carbone actuellement produit provient de la Chine. L’Europe ne contribue qu’à la hauteur de 1 %, mais consomme 10 % du volume total.

Intégration à long terme dans les systèmes énergétiques afin d’atteindre les objectifs climatiques

GAZPROM a également présenté des modèles économiques possibles pour l’utilisation future de l’hydrogène produit à partir de gaz naturel afin de réduire les émissions de CO2. Compte tenu des objectifs climatiques nationaux et internationaux, cette source d’énergie pourrait jouer un rôle important dans la réduction de l’empreinte carbone si elle est progressivement intégrée dans le système énergétique.

L’étape décisive consiste à remplacer progressivement le gaz naturel pur par un mélange de gaz naturel et d’hydrogène (« hythane »), et à créer ainsi un nouveau gaz naturel produisant peu de CO2. Dans un premier temps, le passage du charbon et du pétrole au gaz naturel dans le secteur de l’énergie et des transports, par exemple par le biais des centrales électriques au gaz naturel, de la production combinée de chaleur et d’électricité et de véhicules au gaz naturel, pourrait déjà permettre d’économiser 13 à 18 % des émissions totales de CO2 dans l’Union européenne par rapport à 2016 (soit 35 à 39 % par rapport à 1990, année de référence). Si, lors d’une prochaine étape, des mélanges méthane-hydrogène sont utilisés dans ces domaines, les objectifs climatiques de l’UE pourraient être atteints en 2030 sans modifier les systèmes de distribution, ce qui permettrait une réduction globale de 25 à 35 % des émissions de CO2 par rapport à 2016 (soit 45 à 51 % par rapport à 1990). Et enfin, en convertissant les systèmes énergétiques à l’hydrogène obtenu à partir du méthane comme principale source d’énergie d’ici à 2050, une réduction de 80 % des émissions de CO2 pourrait être réalisée dans l’Union européenne.

Cette évaluation est conforme aux résultats de l’étude principale « Mutation énergétique intégrée » présentée par l’Agence allemande de l’énergie (DENA) en 2017. Dans ce scénario, la demande en hydrogène (aussi pauvre en CO2 que possible) augmentera dans les décennies à venir, passant d’environ 30 térawattheures (TWh) en 2030 à plus de 150 TWh en 2050. Il s’agit là d’hypothèses plutôt prudentes qui supposent une utilisation prioritaire dans le secteur de l’industrie et de la mobilité. Si l’utilisation de l’hydrogène et des gaz de synthèse renouvelables progresse également dans le secteur de l’énergie, la demande pourrait même atteindre plus de 900 TWh.

L’industrie du gaz naturel fait déjà des progrès dans ce domaine, en utilisant des mélanges hydrogène-méthane pour faire fonctionner des compresseurs lors du transport du gaz. Selon de premières analyses, cela permettra de réduire les émissions de CO2 d’environ 30 %. Pour le secteur de la mobilité, GAZPROM a fait état, entre autres, du développement de moteurs à combustion novateurs qui permettent également l’utilisation de mélanges méthane-hydrogène comme carburant. Par rapport aux moteurs conventionnels, ces moteurs réduisent les émissions de CO2 de 15 à 20 %, tout en réduisant la consommation d’environ 20 %.

Bilan

Au final, la technologie de la décomposition thermique du méthane (pyrolyse) est très prometteuse : l’hydrogène produit à partir de gaz naturel se présente comme une opportunité très pertinente non seulement pour réduire l’empreinte carbone du secteur de l’énergie, mais aussi pour apporter une contribution importante à la réalisation des objectifs 2050 de l’Union européenne. 

Informations complémentaires
Dans le procédé présenté dans le cadre de l’atelier, un réacteur basé sur la technologie des métaux liquides est utilisé pour la pyrolyse.
De petites bulles de méthane y sont introduites, par le bas, dans une colonne remplie d’étain fondu. La réaction de décomposition thermique intervient lors de l’ascension des bulles de méthane dans le métal liquide.
Le carbone est déposé à la surface des petites bulles et sédimenté sous forme de poudre (carbone élémentaire noir solide) à l’extrémité supérieure du réacteur lorsque les petites bulles se décomposent.
En configuration de laboratoire, le réacteur a fonctionné sans interruption pendant deux semaines et a produit de l’hydrogène avec un taux de conversion pouvant aller jusqu’à 78 % à des températures d’environ 1200°C. Le fonctionnement continu testé avec succès est la condition préalable décisive pour de futurs types de réacteurs comparables à l’échelle industrielle. Les technologies numériques modernes peuvent contribuer à faire une utilisation particulièrement rentable du procédé. La baisse des prix de la technologie des capteurs et des microcontrôleurs entraîne des avantages substantiels en termes de coûts. La technologie des capteurs intelligents et les méthodes d’analyse du big data peuvent être utilisées, par exemple, dans le domaine de la maintenance préventive automatisée.
Des procédés alternatifs de décomposition thermique du méthane sont ceux utilisant l’arc de plasma ou les catalyseurs à base de minerai de fer. Selon les experts, ceux-ci sont déjà plus avancés que le procédé du réacteur à métal liquide, bien que ce dernier soit supérieur aux autres procédés en termes d’intrants et de coûts de matières, de consommation énergétique et de sécurité.
GAZPROM, par exemple, développe également d’autres procédés adaptés à des applications à plus petite échelle et caractérisés par une consommation d’énergie spécifique plus faible par mètre cube d’hydrogène produit.

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