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Le monde a basculé vers l’Asie : quid de notre diplomatie ?

Par Anne Genetet, Députée de la 11ème circonscription des Français établis hors de France

La visite du Président Xi Jinping en Europe nous a permis de mettre l’accent sur un fait désormais établi : le basculement du monde vers l’Asie. Clairement, l’Empire du milieu avec son agenda à 2049 s’impose comme la superpuissance du XXIème siècle ! Des chercheurs ont même développé le concept de sino-mondialisation (1). Dans ce contexte, il y a trois erreurs à éviter : être obnubilé par la Chine, se résigner, ne rien changer à notre modèle diplomatique.

L’Asie est plus vaste que la Chine

Si le Céleste-Empire est évidemment incontournable, nous aurions tort de consacrer tous nos efforts dans la Région à son seul profit. Par exemple, l’évolution économique et sociale des pays du Sud-Est asiatique est source d’opportunités majeures pour notre pays. Avec un PIB cumulé de 2800 Mds USD en 2017, l’ASEAN est le « 5ème bloc économique mondial », derrière l’UE, les États-Unis, la Chine et le Japon. Elle rassemble 9 % de la population mondiale, soit 645 millions d’habitants. Sa croissance supérieure à 5 % depuis 2011 laisse présager de belles réussites pour notre pays. Nos produits, notre ingénierie, notre savoir-faire, notre offre touristique doivent trouver un marché à fort potentiel chez les populations locales dont la classe moyenne est en train d’exploser. En outre, de nombreux projets structurants comme le « Eastern Economic Corridor » en Thaïlande devraient être parmi les priorités de notre écosystème international pour les années à venir.

Un nouveau modèle diplomatique

Pour répondre aux défis contemporains, nous avons besoin d’un nouveau modèle diplomatique. Cette analyse se nourrit aussi de la nécessaire rationalisation budgétaire. Celle-ci nous oblige à faire des choix. Le Quai d’Orsay est à l’os ! Il est donc impératif de réactualiser ses priorités et ses missions. Parallèlement, il faut clarifier le rôle de la diplomatie européenne. Il y a indéniablement un partage des rôles à opérer et des économies d’échelles à réaliser. Dans ce contexte, je plaide pour faire de la diplomatie économique et de l’internationalisation de nos entreprises, la pierre angulaire d’un redéploiement à l’international. Je défends également l’idée que nous pourrions renforcer notre présence diplomatique sur deux régions d’avenir : l’Afrique francophone et l’ASEAN. L’universalité de notre réseau diplomatique est un avantage mais c’est aussi un poids qui interroge quant à notre efficacité. En plus d’être favorable pour nos emplois, ces deux régions ont une importance stratégique pour répondre aux enjeux du désordre écologique, de l’immigration, de l’instabilité en Mer de Chine ou de la « Belt and Road Initative ».

Du décollage à l’atterrissage

Faire réussir nos entreprises dans la compétition mondiale, c’est faire réussir la France ! C’est créer des emplois et de la valeur dans l’hexagone. C’est aussi renforcer notre influence et la paix dans le monde. Bref, c’est nécessaire et indispensable d’autant plus au regard de notre balance commerciale structurellement déficitaire depuis 2003. En février 2018, le Premier ministre avait présenté 19 mesures pour dynamiser notre commerce extérieur et transformer le modèle d’accompagnement des PME à l’export. Ces mesures vont dans le bon sens mais tous les acteurs de terrain vous le diront : « il faut aller plus loin ». Ces mesures s’attèlent à clarifier la question du décollage des entreprises françaises avec la mise en œuvre du guichet unique. C’est une bonne chose car nos entrepreneurs ont besoin de mieux préparer leur internationalisation. Cependant, le sujet de l’atterrissage est également crucial car à l’étranger, il s’agit de « chasser en meute ». Or le millefeuille de notre développement économique international est illisible pour les étrangers, insuffisamment performant pour nos entrepreneurs et guère agile. La coordination des différentes entités sous l’ombrelle « Team France » est imparfaite et est en décalage avec un monde qui va très vite. Par ailleurs, il faut à la « Team France », un chef de meute bien identifié et décisionnaire en la personne de nos ambassadeurs. Enfin, il faut des résultats. Nous devons évaluer l’ensemble du dispositif annuellement et réajuster les moyens mis en œuvre. Être performant est essentiel pour être crédible auprès des entrepreneurs, des investisseurs étrangers mais aussi des contribuables.

Faire émerger une Europe puissance pour une compétition positive

Pendant la visite d’État du Président Chinois, tous les éditorialistes se sont interrogés : faut-il avoir peur de la Chine ? Il n’y a pas de « péril jaune » si nous nous adaptons à cette nouvelle réalité. Cela nous oblige à repenser notre système diplomatique et faire monter en puissance la diplomatie européenne. L’Union européenne est l’interlocuteur crédible pour équilibrer les débats face à la superpuissance chinoise. Le président de la République ne s’y est pas trompé en invitant Jean-Claude Junker et Angela Merkel à Paris pour rencontrer Xi Jinping en vue d’une compétition positive. Relevons la tête ! La France a de nombreux atouts dans la compétition mondiale. L’Union européenne en est un à faire fructifier. Encore faut-il que les peuples européens et leurs dirigeants reprennent confiance en notre destin commun et ne se laissent pas aller à la résignation du repli sur soi, aveu de faiblesse face au bouleversement des équilibres internationaux. 


1. La Chine e(s)t le monde : Essai sur la sino-mondialisation de Sophie Boisseau et Emmanuel Dubois aux Éditions Jacob

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