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La loi mobilités, une réponse aux fractures de notre pays

Par Elisabeth Borne, Ministre chargée des Transports

La crise que traverse notre pays nous rappelle à un constat, celui d’une mobilité en panne, qui contribue aux fractures sociales et territoriales. Elle dessine le portrait d’une France à deux vitesses : pendant qu’on a construit pendant des décennies des TGV pour les métropoles, une large partie de notre territoire a été abandonnée au tout voiture, une dépendance qui génère de l’exclusion, nourrit un sentiment d’abandon et pèse sur le pouvoir d’achat.

Ce constat, nous l’avons fait dès le début du quinquennat, en posant une rupture forte et en fixant un objectif clair : donner maintenant la priorité aux déplacements du quotidien, en apportant des réponses à tous et partout.

Le projet de loi d’orientation des mobilités constitue une réponse structurelle pour atteindre cette ambition. Pensé comme une « boite à outils », il est le fruit d’un dialogue intense avec les collectivités, les associations, les entreprises pour apporter des solutions concrètes et efficaces à nos concitoyens. Le rôle de l’Etat est en effet de fixer le cap, de faciliter et d’accompagner, mais ce sont bien les territoires qui devront s’emparer de ce texte pour faire vivre des solutions adaptées à leur situation.

Car le premier défi que relève ce texte est probablement le plus structurant : aujourd’hui, 80 % du territoire ne dispose pas d’une autorité organisatrice « dédiée » à la mobilité. C’est pourquoi la loi a pour objectif prioritaire de simplifier l’exercice de la compétence mobilité par les collectivités, afin qu’elles puissent mettre en place des solutions simples et adaptées aux besoins. La loi renforcera dans le même esprit la coordination entre autorités organisatrices et acteurs des mobilités, et permettra que les usagers et les employeurs soient étroitement associés à la définition des offres au travers des comités des partenaires. L’enjeu est bien de réussir une mobilisation collective au service de la mobilité. Répondre au plus près des besoins, c’est aussi se donner les moyens d’apporter des réponses spécifiques à nos concitoyens les plus fragiles, ce que ce projet de loi permettra.

Pour exercer cette compétence, les autorités organisatrices ont besoin de ressources. Le versement transport deviendra à cet effet versement mobilité et pourra être levé par les autorités organisant un service de transport régulier sur leur territoire, ou adhérant à un syndicat mixte. Il existe aussi le cas d’une autorité organisatrice qui ne souhaite pas mettre en œuvre que des services réguliers : aussi le Gouvernement s’assurera qu’elle disposera d’une ressource adaptée à ces situations.

L’enjeu est donc que les collectivités et les territoires s’emparent des avancées proposées par ce projet de loi. C’est particulièrement vrai dans le domaine de l’innovation, qui constitue le deuxième grand défi que nous voulons relever.

Les innovations en matière de services, de pratiques, d’usages doivent en effet profiter à tous et partout. Ce n’est bien sûr pas la loi seule qui permettra cela. Celle-ci donnera un cadre et des outils adaptés, avec notamment l’ouverture des données en temps réel des offres de mobilité pour voir émerger de nouveaux services de porte à porte, ou encore les outils pour accompagner le développement du covoiturage, de l’autopartage, du transport à la demande ou encore des véhicules autonomes.

Tout l’enjeu, c’est que ces innovations, puissent se déployer, grâce à la prise de compétence mobilité, sur tout le territoire. Pour cela, un accompagnement concret est indispensable. C’est tout l’objet de notre démarche France Mobilités, qui vise à permettre le développement et la diffusion de solutions innovantes. Nous avons ainsi choisi d’accompagner les territoires, sans attendre la loi, pour faire ce qui est déjà possible et anticiper ce qui le sera demain. Plus de 50 territoires essentiellement ruraux, ont déjà été sélectionnés. La diversité des projets retenus illustre parfaitement la créativité et l’ingéniosité dans nos territoires : que ce soit des expérimentations d’autopartage ou de véhicules autonomes dans le monde rural, ce sont autant de réponses possibles aux problèmes de mobilité du quotidien de nos concitoyens.

Le troisième enjeu de ce projet de loi, c’est évidemment l’urgence écologique qui appelle à changer nos comportements. Il s’inscrit dans l’agenda ambitieux que la France s’est fixée dans l’Accord de Paris puis dans le Plan climat. Surtout, il retranscrit les principes que je considère comme clés pour réussir cette transition : des objectifs clairs, progressifs, partagés, qui permettent à tous d’anticiper, d’être acteurs de la transition ; et des mesures d’accompagnement.

Cela passe en particulier par une série de dispositifs puissants pour soutenir les usages vertueux, avec par exemple la création d’un forfait mobilité durable pour inciter aux déplacements domicile-travail en covoiturage et en vélo par exemple, la prime à la conversion ou le soutien au déploiement des infrastructures de recharges pour accompagner la conversion du parc automobile.

Améliorer la mobilité quotidienne de nos concitoyens passe aussi par une nouvelle vision de notre politique d’infrastructures. C’est le quatrième enjeu du projet de loi. Pour la première fois, un Gouvernement fait le choix d’une programmation de sa politique d’infrastructures, s’appuyant très largement sur les travaux du Conseil d’orientation des infrastructures. Pour construire cette programmation, il a fallu faire des choix, des choix difficiles après des décennies d’une politique du tout-TGV et de promesses non financées.

Cette programmation repose sur une forte augmentation des investissements de l’État, avec 13,4 Mde de crédits sur cinq ans, soit 40 % de plus qu’au cours du dernier quinquennat. Elle consacre la priorité donnée aux transports du quotidien avec 5 grands programmes prioritaires : l’entretien des réseaux existants ; la désaturation des grands nœuds ferroviaires ; l’accélération du désenclavement routier des villes moyennes et des territoires ruraux ; le développement de l’usage des mobilités propres, partagées et actives ; et le renforcement de l’efficacité et du report modal dans le transport de marchandises. Enfin, s’agissant des grands projets, il s’agit de commencer en priorité par les opérations concourant d’abord à l’amélioration des déplacements du quotidien.

Il s’agit là d’une démarche inédite et courageuse mais pourtant indispensable : prioriser les projets afin de construire une programmation des infrastructures enfin sincère et répondant aux besoins. Cette programmation repose par ailleurs sur une ressource de 500 millions d’euros par an à partir de 2020. Les propositions en la matière issues du Grand débat national pourront être traduites dans la prochaine loi de finances.

Construit dans la concertation, le projet de loi d’orientation des mobilités a été pensé pour et avec les territoires, pour répondre aux grands enjeux de la mobilité d’aujourd’hui et de demain, au service de tous et partout. Il va constituer une réponse forte du gouvernement aux fractures qui minent depuis trop longtemps notre pays. 

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