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La baisse de la dépense publique, mère de toutes les réformes

Par Jean-Louis Thiériot, Député (LR, Seine-et-Marne)

S’il est un domaine au moins où la France est championne, c’est celui de la dépense publique : 56,5 % du PIB contre 45,8 % en Europe et 44 % en Allemagne. Alors qu’Emmanuel Macron avait été élu sur la promesse de la réduire de 3 points d’ici 2022, force est de constater qu’il en est bien loin. Comme l’a noté le rapporteur général du budget, Joël Giraud, depuis l’élection présidentielle de 2017 les dépenses publiques ont augmenté de 51 milliards, soit 36 % de plus que sous le mandat de François Hollande à pareille époque.

Avant d’examiner les pistes de réforme, un préalable doit être posé. La baisse de la dépense publique n’est pas un objectif en soi. Elle ne vise pas à satisfaire à un dogme ou même à de quelconques objectifs internationaux, fussent-il les fameux 3 % de Maastricht. Elle répond à une double finalité sociale et économique.

Sociale d’abord. La souffrance profonde qui jaillit du pays, dont la crise des gilets jaunes n’est qu’une manifestation, est d’abord une exigence de hausse du pouvoir d’achat pour que « le travail paye ». Pour la satisfaire, il n’est qu’un moyen : baisser les impôts, baisser les charges ; en clair, convertir davantage de salaire brut en salaire net. C’est la baisse des prélèvements, donc de la dépense qui seule peut répondre à cette demande. Dès lors, la baisse de la dépense publique est d’abord une mesure sociale.

Macro-économique ensuite. Au-delà d’un certain seuil, la dépense publique par habitant plombe la croissance. Si l’on compare le taux de dépense publique par habitant entre la France et l’Allemagne, on constate que jusqu’aux années 2000, elle était assez similaire. Ensuite les courbes ont divergé et atteignent 12,3 %. L’écart de PIB par habitant s’est creusé parallèlement atteignant 12 ,7 %. La part des exportations a également commencé a décroché dans les années 2000. Dès lors, la finalité de la baisse de la dépense publique est de réduire ce différentiel pour doper la croissance. Alors, seulement, la France pourra concourir à armes égales sur le champ de bataille de la concurrence européenne. C’est la mère de toutes les réformes.

Y parvenir suppose quelques principes de méthode. La plus importante est sans doute d’avoir une vision d’ensemble, globale et cohérente sans se focaliser sur des économies de détail. Comme l’avait fort bien écrit en son temps le maréchal Montgomery « on pourrait inscrire sur les tombes de beaucoup d’hommes politiques chargés de fonctions gouvernementales élevées : ci-gît un homme mort d’épuisement pour s’être préoccupé de détails. Il n’a jamais eu le temps de penser parce qu’il lisait toujours des papiers. Il voyait chaque arbre mais jamais toute la forêt ». De ce point de vue, la baisse des APL ou le concours Lépine actuel de l’inventivité fiscale sont de magnifiques exemples. Ils ne traitent pas le mal à la racine mais mettent sous pression des catégories entières de citoyens.

Ensuite, trois axes doivent guider la réflexion : s’interroger à frais nouveau sur le périmètre de l’action publique, ne pas se focaliser sur les fusions de structures sans en mesurer les conséquences, ne jamais réformer sans offrir à la population des contreparties tangibles.

L’examen du périmètre de l’action publique impose de distinguer ce que la puissance publique – Etat, collectivités, organismes sociaux - doit continuer de faire, (le régalien, la défense, la police, la justice, la diplomatie, ….), ce qu’il doit faire en se réformant (réorganisation,) ce qui peut être abandonné et ce qui doit être maintenu mais en en déléguant la gestion à des acteurs privées. La méthode du Benchmark internationale est la seule possible. Elle doit être systématisée pour mener à bien une grande revue des politiques publiques.

L’illusion des fusions de structures comme unique solution doit être énergiquement combattu. La lutte contre le millefeuille administratif est devenue le mantra de la réforme des territoires. Pourtant force est de constater qu’après la loi NOTRe et la fusion des régions, l’échec est patent. Il résulte à la fois de l’absence de réflexion sur le périmètre optimum d’action et surtout de l’absence de volonté de réformer en même temps le statut de la fonction publique qui impose des transferts de personnels et donc prive de tout effet une réorganisation structurelle.

Enfin la notion d’acceptabilité sociale est essentielle. Pour être accepté, un big bang de la dépense publique suppose des contreparties immédiates, en espèces sonnantes et trébuchantes. Il n’est pas possible de promettre uniquement du « sang, de la sueur et des larmes » sans proposer une perspective optimiste. C’est un chemin ardu et au long cours, car une partie des économies réalisées devra être redistribuée. Mais c’est indispensable pour que les Français adhèrent et comprennent que c’est une réforme pour la prochaine génération, pas pour la prochaine élection.

Ces principes étant posés, l’objectif est clair. La dépense publique annuelle (toutes catégories confondues) étant d’environ 1260 milliards, si l’objectif était d’atteindre le niveau de l’Allemagne, elle devrait être de 1124 milliard. Pour revenir simplement à la moyenne européenne, en rythme de croisière annuel, la France devrait dépenser environ 100 milliards de moins. L’ampleur de la tâche est telle que la méthode des coups de rabots brutaux serait inefficace. Seules doivent être ciblées les pistes d’économie principales.

La santé étant déjà très tendue, ce sont les dépenses sociales et les retraites qui peuvent ouvrir les perspectives les plus intéressantes. Alors que la pyramide des âges est plus défavorable en Allemagne, les retraites représentent 4 points de PIB de de moins qu’en France, soit à population comparable, un montant d’environ 80 milliards. Il n’est évidemment pas possible de baisser les retraites qui, en France réduisent nombre de nos compatriotes à une situation difficile. Dès lors, au-delà de l’indispensable suppression des régimes spéciaux, il convient de réfléchir à une augmentation immédiate de l’âge du départ à la retraite, parfaitement acceptable dès lors que croit l’espérance de vie. Cette mesure supposerait des mesures d’accompagnement pour maintenir le taux d’emploi des seniors et des exceptions personnalisées en cas de problèmes de santé liés à la pénibilité du travail. De plus, le tabou, répartition, capitalisation devra nécessairement être levé pour trouver la solution la plus équilibrée pour optimiser le coût des retraites

La réduction du maquis des aides sociales (38 aides CAF) remplacé par une allocation sociale unique (hors handicap) devrait permettre d’économiser environ cinq milliards en frais de gestion (l’IFRAP) et autant en aides inefficaces non distribuées. Quelques milliards pourraient être trouvés avec une nouvelle organisation de l’assurance chômage mêlant, contrôle accru, socle de base et assurance privée pour le complément.

Enfin en optimisant son fonctionnement, en prenant par exemple à bras le corps la question des agences gouvernementales que l’IGF estimait à 1244 en 2012 pour un budget de près de 50 milliards d’euros, l’Etat central devrait pouvoir trouver de quoi donner l’exemple en matière d’économies.

Ces pistes brièvement esquissées supposent un immense travail de réflexion. C’est pourquoi, avec mon collègue Nicolas Forissier, nous avons créé un think-tank les Hussards, France 2050, pour mettre en musique un projet cohérent, politiquement acceptable dont le benchmarking international constituerait la base méthodologique. Ses conclusions seront à la disposition de quiconque voudra s’en inspirer. L’enjeu en vaut la chandelle car l’excès de dépense publique freine la croissance, crée le déficit et finalement la dette. Elle remet en cause le pacte national entre les générations en faisant payer aux fils les dépenses des pères. C’est distribuer « des droits non gagnés » pour reprendre la belle expression de Jacques Rueff. La tâche est titanesque. Mais les Canadiens, les Suédois, les Allemands y sont parvenus. La France du Général de Gaulle aussi. Alors pourquoi pas la France du XXIème siècle ! Impossible n’est pas Français. Aux hommes politiques de ce temps d’en apporter courageusement la preuve !