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Des Territoires combatifs

Régions, départements, communes étaient reçus au Sénat par Gérard Larcher à l’occasion des vœux de « Territoires Unis », ce mouvement fédérateur lancé en septembre dernier à Marseille. Le ton était volontaire. Tous ensemble déterminés à faire entendre leurs voix et à plaider pour une « nouvelle étape » de la décentralisation.

“Les collectivités ne sont pas un simple instrument dans la main de l’Etat ! Elles doivent être de véritables partenaires” a lancé le président de la « Maison des collectivités », le Sénat, Gérard Larcher devant une poignée d’élus réunis… et ravis, aux vœux de Territoires Unis. Dans les salons feutrés du Palais du Luxembourg, Gérard Larcher et les présidents des trois principales associations d’élus, présidées par Hervé Morin (Régions de France), Dominique Bussereau (ADF) et François Baroin (AMF) ont une posture offensive. Le ton est ferme et déterminé. Il va falloir compter avec eux. Plus question de se laisser marcher sur les pieds. La crise des gilets jaunes est passée par là et a rebattu les cartes. « Les maires, après avoir été ’balancés’, voilà qu’on s’accroche à eux » ironise Gérard Larcher dans son discours. « J’ose dire, enfin ! » s’empresse-t-il d’ajouter tout sourire. Dans la salle, les élus opinent du chef.

Une verticalisation du pouvoir et une concentration des pouvoirs dénoncées

Gérard Larcher forme le vœu qu’après une année 2018 qui s’est achevée dans un « climat de contestation, de mise en cause de l’exécutif », la nouvelle année qui s’annonce et notamment grâce au Grand débat permette de revoir les relations entre l’exécutif et les territoires. Le président du Sénat feint cependant de s’étonner qu’en quelques jours face à la violence, le Président de la République et le Gouvernement aient aussi rapidement concédé « plus de 10 milliards d’euros, soit quasiment autant que l’effort financier demandé aux collectivités territoriales d’ici 2022 ». Pour l’élu de Rambouillet tout cela est de nature à remettre très nettement en cause les contrats financiers de « Cahors » mis en place par le Gouvernement en vue de contrôler les dépenses des collectivités, en leur imposant de ne pas dépasser 1,2 % de croissance annuelle. Pourtant l’alerte ne date pas d’hier. Si la crise s’est cristallisée ces dernières semaines autour des 80 km/h et de « l’inflexibilité » sur la hausse des taxes sur les carburants, « le style de gouvernance, la méthode de l’exécutif ont été un accélérateur de l’éruption de cette France », qualifiée par Gérard Larcher « d’à-côté » qui enfonce le clou : « Certains territoires ont le sentiment d’être en bout de table ». « La volonté de tout diriger d’en haut, c’est la cause principale de la crise » enchérit Dominique Bussereau. C’est également l’avis d’Hervé Morin qui voit dans la crise des « gilets jaunes », la conséquence d’« une verticalisation et une concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme et d’un bureau ». L’exécutif est non seulement visé par le Centriste mais également l’Assemblée composée de députés « qui doivent tout au Chef de l’Etat ». Hervé Morin a d’ailleurs plaidé pour une réforme du calendrier pour permettre à l’Assemblée de réellement représenter les Français : « la première question qu’il faut se poser est de redonner au parlement sa légitimité démocratique propre, sur un rythme différent de celui de l’élection présidentielle » a-t-il suggéré. Bref, « aujourd’hui, c’est l’ensemble de la gouvernance de notre pays qui est interpellée, et cela nous concerne tous » a embrayé Gérard Larcher. Fallait-il donc que le Chef de l’Etat « souffle le chaud et le froid dans sa lettre aux Français » quand il aborde la question de la suppression de niveaux de collectivités et quand il évoque l’idée de réduction du nombre d’élus. « Est-ce le sujet aujourd’hui » s’interroge même franchement le président du Sénat. Ne parlons pas du non-cumul des mandats qui a « sans doute été une fausse bonne idée. Elle porte en germe le risque de déconnection entre le Parlement et les territoires, et donc les citoyens ». « Nous en reparlerons » a fini par lancer comme un avertissement Gérard Larcher.

Face à une fatigue démocratique, il faut une véritable décentralisation

Face à « la fatigue démocratique » actuelle, le président du Sénat, entouré d’Hervé Morin, de Dominique Bussereau et de François Baroin insiste sur l’enjeu de demain, « pour nos collectivités, pour notre pays » qui est celui de « construire une nouvelle étape de décentralisation ». Une nouvelle étape de décentralisation, « fondée sur les libertés locales, sur le respect et la reconnaissance des élus, sur la proximité, la subsidiarité et la responsabilité, sur la différenciation territoriale, l’expérimentation dans le respect de l’unité de la République, et enfin sur l’autonomie financière et fiscale ». Autant de sujets, que le président du Sénat a promis de défendre lors de l’examen du projet de révision constitutionnelle, puisque le Chef de l’Etat lui a confirmé qu’il se poursuivrait. 

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