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Le patrimoine des Armées n’a pas vocation à financer le logement social

Par Dominique de Legge, Sénateur d’Ille et Vilaine, Rapporteur du Budget de la Défense

La loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite loi Duflot, initie un mécanisme qui permet aux collectivités territoriales de faire l’acquisition de biens immobiliers vendus par l’État avec une décote pouvant atteindre 100 % de la valeur vénale du bien, dès lors que celui-ci est affecté à la construction de logements sociaux.

On comprend aisément l’objectif recherché : inciter les communes à construire des logements sociaux en atténuant le coût du foncier.

Le problème est que l’Etat invite ses administrations à se défaire de biens dont elles n’auraient plus besoin, afin de financer des opérations d’investissements ou tout simplement de limiter le déficit public à la faveur de recettes exceptionnelles.

On ne peut financer deux politiques avec une même ligne budgétaire. C’est pourtant ce qui a été fait, la loi de programmation militaire précédente inscrivant au budget des Armées une somme de 6,12 milliards d’euros sur la période 2014-2019 au titre de recettes exceptionnelles, dont 610 millions d’euros au titre des cessions immobilières, pour financer le budget du ministère.

S’agissant précisément de l’îlot Saint-Germain à Paris, les armées ne recevront que 29 millions d’euros pour une valeur réelle estimée à environ 85 millions d’euros. Elles bénéficieront toutefois d’une réservation de 50 logements. Rapportée au manque à gagner de plus de 56 millions d’euros, la réservation revient à plus d’un million d’euros par appartement.

Le Sénat n’a eu de cesse de dénoncer cette pratique qui participe de l’insincérité et de l’opacité budgétaire. Un amendement à la loi de programmation militaire 2019-2025, introduit à l’initiative du Sénat, apporte le début d’une réponse pour les armées puisque dorénavant, dans les zones tendues et, en particulier, en Île-de-France et en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, « jusqu’au 31 décembre 2025, la décote n’est applicable aux cessions de terrains occupés par le ministère des Armées que lorsque ces terrains, bâtis ou non, sont destinés à la réalisation de programmes de logements sociaux réservés au maximum aux trois quarts aux agents de ce ministère, à la demande de ce dernier ».

La question de l’opportunité de certaines cessions immobilières des armées va à nouveau se poser avec le Val-de-Grâce.

Le ministère souhaite en vendre sa partie hospitalière. Un choix contestable compte tenu du fait que les armées doivent trouver des solutions d’hébergements pour les militaires affectés à l’opération Sentinelle à Paris. Jusqu’en septembre ceux-ci étaient casernés en partie à l’îlot Saint-Germain, mais du fait de la vente de ce bien, ils ont été transférés vers le Val-de-Grâce. L’hébergement de ces militaires dans des anciennes casernes de la banlieue est inadapté : temps et moyens de transports, environnement immédiat des sites limitant les possibilités de sortie dans le cadre des temps de repos etc…. C’est pourquoi la Commission des Finances du Sénat propose que ce dernier bien des armées dans la capitale reste dans son patrimoine afin d’assurer au travers d’un casernement, une présence militaire.

Au moment où la ministre des Armées développe un plan famille qui a pour ambition d’améliorer les conditions de vie de nos militaires il est fâcheux que le ministère se défasse de biens qui pourraient contribuer à cet objectif. 

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