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Pour une évaluation de la loi Littoral

Par Lionel Causse, Député des Landes et président du groupe d’étude littoral à l’Assemblée nationale

“Des rigidités pensées pour parfois toute une catégorie alors que ça ne correspond pas à la réalité locale ! Des spécificités qui parfois créent d’autres contraintes, cela aussi, nous devons le changer.” C’est en ces termes que le président de la République évoquait la loi Littoral devant les maires de France réunis à l’occasion de leur centième congrès annuel en novembre 2017.

Au-delà de ce discours et des intentions politiques, il est nécessaire de rappeler que la loi Littoral vise à encadrer l’aménagement de la côte pour la protéger des excès de la spéculation immobilière et à permettre le libre accès au public sur les sentiers littoraux date de 1986. Plus de 30 ans après son adoption, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que l’application de la loi Littoral se heurte à des difficultés d’application pour ne pas parler de transgressions pourtant connues de tous.

Cette loi a longtemps été reconnue comme forte car elle fut votée à l’unanimité mais elle était surtout connue pour sa dimension protectrice mais elle s’est affaiblie essuyant critiques, infractions aux règles qu’elle impose et tentatives de « détricotages » parlementaires sous la quasi-totalité des législatures qui se sont succédées depuis son entrée en vigueur.

La responsabilité du politique est lourde et lui impose la protection du littoral. Sur les 22.000 km du littoral français, au moins 22 % des côtes reculent, de 10 cm jusqu’à 8 m par an en moyenne. Aucun département côtier n’est épargné. Ce phénomène occasionne une autre problématique liée à l’érosion, celui de la migration climatique ! Ce sont plusieurs millions de personnes qu’il faudra déplacer à terme. Il est donc de la responsabilité du législateur d’anticiper ce phénomène. L’Assemblée nationale ne cesse de mesurer ce phénomène depuis l’ouverture de la XVème législature. La mission d’information sur la gestion des événements climatiques majeurs dans les zones littorales de l’hexagone et des Outre-mer ou bien le groupe d’étude littoral sont autant de lieux d’étude et de réflexions qui ont procédé à l’audition de scientifiques et d’experts. Les conclusions et la prospective semblent claires : la loi Littoral nécessite d’être évaluée et aménagée.

Les nombreuses jurisprudences concernant cette loi illustrent la difficulté à l’appliquer. Une difficulté dans laquelle se retrouvent plongés résidents, élus du littoral, associations de protection des espaces naturels, exploitants et acteurs économiques... L’évaluation globale de la loi de 1986 doit permettre d’analyser les difficultés pour conforter la loi. Le système actuel n’est pas suffisant, car en réalité il ne protège plus équitablement et les jurisprudences et les arrêts rendus le prouvent. C’est à cela que les élus locaux, les propriétaires, les agriculteurs sont confrontés. Le seul exemple de la Cour administrative d’appel de Nantes est un exemple criant : elle juge le 5 avril 2013 qu’une agglomération est en discontinuité, avant de juger le 26 juin 2015, pour le même permis de construire qu’elle est en continuité… Il faut sortir de cette situation Kafkaïenne et rechercher des solutions réalistes et adaptées.

La solution n’est ni de mettre le littoral sous cloche, ni d’autoriser sa bétonnisation. Nous devons permettre des évolutions et des adaptations conformes à l’esprit de la loi de 1986 afin de lui éviter une crise de la quarantaine !

La loi ELAN permettra des avancées. Les Chambres parlementaires se sont concrètement engagées au moyen d’un travail de concertation transpartisan, impliquant députés, sénateurs, gouvernement et association d’élus qui a été conduit au sein du groupe d’étude littoral de l’Assemblée. Ce travail de fond, qui dépasse les clivages politiques, a abouti à l’adoption d’amendements permettant d’autoriser des constructions, dans des conditions étroitement encadrées, sur les zones dites « dents-creuses » déjà urbanisées et ayant pour finalité de répondre à des problématiques locales en tenant compte de l’évolution des territoires en respectant strictement les principes et les objectifs de la loi « Littoral ».

Désormais, l’application de la loi ELAN est du ressort du Gouvernement qui doit assortir ce dispositif législatif d’une évaluation de la loi Littoral. Les enjeux en présence ici sont ceux liés au recul du trait de côte et aux évènements climatiques majeurs. Il s’agit donc de prévoir et de maîtriser la présence humaine et l’aménagement du territoire sur le littoral. Les stratégies de territoire et d’aménagement ne peuvent plus se concevoir au XXIème siècle comme dans les années 1980. L’apport de la science assortie d’une évaluation de la loi Littoral nous permettra encore mieux qu’hier d’anticiper les évolutions climatiques qui auront, demain encore plus, un impact sur l’aménagement des territoires littoraux ; nous devons nous en saisir pour permettre aux acteurs locaux d’innover et d’imaginer des solutions encore plus locales et encore plus adaptées.