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Filières djihadistes : les propositions du Sénat

La commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de lutte contre les réseaux djihadistes fait 110 propositions pour « prévenir la radicalisation » et lutter contre les réseaux en France et en Europe. 

 

Présidée par Nathalie Goulet (UDI-UC, Orne) et André Reichard (UMP, Bas- Rhin), la Commission d’enquête a rendu un rapport de 440 pages après avoir auditionné depuis le mois d’octobre une cinquantaine d’experts. Le constat est alarmant. Au printemps 2015, les services de renseignement ont recensé près de 1500 ressortissants français partis vers les zones de combat syro-irakiennes. Si un tel phénomène a pu exister par le passé (Bosnie, Afghanistan, Somalie, etc.), « son ampleur est, en revanche, inédite » décrit le rapporteur Jean-Pierre Sueur (Soc. Loiret). Le nombre de Français partis faire le djihad en Syrie et en Irak a augmenté de 84% par rapport à janvier 2014, faisant de la France l'un des principaux pourvoyeurs de combattants étrangers en Syrie ou en Irak (1). Au total, au 9 mars 2015, 1 432 ressortissants français étaient recensés. 413 d'entre eux se trouveraient en zone de combats, dont 119 femmes (parmi lesquelles une proportion non négligeable de mineures), 295 seraient en transit, et 376 se prépareraient à s'y rendre. 261 personnes auraient quitté le territoire syro-irakien, dont 200 pour regagner la France. 85 seraient présumés morts et 2 seraient emprisonnés en Syrie. Sans négliger le phénomène des « repentis », la méfiance reste de mise. Le rapport note que « les djihadistes étrangers de retour dans leur pays d'origine, radicalisés et entraînés par les forces de Daech, présentent une dangerosité élevée et constituent une menace réelle et directe pour les États concernés ». « La situation est grave, il faut multiplier les efforts. La réponse doit être globale et sans faiblesse » avertit alors le rapporteur, la mine grave.

Pour lutter contre la radicalisation, la réponse ne doit pas seulement être sécuritaire, « il est indispensable d’intervenir le plus tôt possible en amont du passage à l’acte » (2). Le rapport entend « améliorer la détection de la radicalisation à destination de tous les acteurs de terrain » (enseignants, conseillers d’éducation, magistrats, etc.). Il est également demandé le renforcement des moyens du Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) afin qu’il puisse fonctionner 24h/24 mais aussi de « tripler dans un délai rapide les effectifs du bureau de renseignement pénitentiaire » avec la création d’au moins 100 postes. Pour le rapporteur, il est tout aussi urgent de contrer le « djihad médiatique » en imposant, par exemple, aux acteurs d’Internet de permettre aux internautes de « signaler des messages contraires à la loi en un seul clic ». Autres priorités : tarir le financement du terrorisme (développer une culture du renseignement financier au sein de la communauté du renseignement et systématiser le transfert à Tracfin des cibles suivies) et mieux contrôler les frontières de l’Union européenne (augmentation des effectifs de la PAF et la création d’un signalement de « combattant étranger » dans le système d’information Schengen, formation d’un corps de gardefrontières européen, …). Enfin, le rapport préconise « d’adapter la réponse pénale et carcérale », notamment sur la question des aumôniers pénitentiaires (délivrance d’un agrément, formation diplômante, …) mais aussi avec la mise en place d’un programme de suivi des condamnés pour terrorisme « débutant six mois avant la sortie de prison et s’étendant au moins durant deux ans après l’incarcération ». Si Jean-Pierre Sueur admet que « ce sont des dépenses supplémentaires pour l’Etat, nous sommes persuadés que le mal est là et que si l’on ne retient pas nos propositions au final, cela coûtera plus cher et pas seulement en termes financiers ».

1. Plus de 15 000 combattants étrangers auraient ainsi rejoint la Syrie dont 3 000 seraient issus de pays membres de l'UE, parmi lesquels 450 Allemands, plus de 200 Belges et environ 300 Britanniques. L'Italie apparaît comme le pays le moins touché.
2. Fin mars ont été recensés 3 246 signalements par la plateforme d’appel mise à la disposition des familles contre 1608 fin 2014 (+116%)

 

 

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