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Evolution du modèle alimentaire français

Par Antoine Herth, Député du Bas-Rhin, Membre de la Commission des Affaires économiques

Traverser notre pays pendant les vacances est une occasion merveilleuse pour s’étonner et se régaler de l’extraordinaire diversité de la table française. Chaque région a ses spécialités culinaires : les fromages de nos plaines et de nos montagnes, les viandes savoureuses des zones herbagères, les poissons et les fruits de mer de nos littoraux, les bières dans le Nord et plus au Sud les vins, sans oublier les fruits fabuleux des Outre-Mers… et la choucroute d’Alsace !

A première vue, la richesse et la diversité du patrimoine gastronomique national sont assurées pour longtemps.

Il suffit pourtant de se promener dans un centre-ville pour remarquer que les restaurants traditionnels cèdent peu-à-peu la place à des établissements de restauration rapide de tout type. En réalité, nos habitudes de consommation sont en train de suivre un mouvement de globalisation avec ses effets de mode. Notre modèle alimentaire est-il condamné ?

Les goûts et les couleurs

La loi « EGALIM » aborde cette question en tentant d’imposer à la restauration collective de s’approvisionnent davantage en produits de proximité et de préférence respectueux de l’environnement. Si ce choix répond indéniablement à un souci croissant de qualité et d’authenticité de nos concitoyens, je reste cependant sceptique sur la neutralité économique de l’opération. Comment faire entrer en quantité significative des produits sous signe officiel de qualité, dont le coût de production est plus élevé, dans l’équation étriquée des budgets de nos cantines ? Autrement dit : qui paiera l’addition ? La collectivité ? Les familles ?

S’il s’agit de faire de la cantine un véritable outil pédagogique en prolongement de la salle de classe, et j’y suis favorable, alors il faut s’en donner les moyens. Permettre à notre jeunesse de découvrir des légumes qui ont de la couleur et des saveurs a un prix et ce n’est pas aux producteurs d’en supporter la charge.

« Je veux du bio ! »

En flânant sur un marché, vous remarquerez comme moi à quel point le bio est devenu la référence absolue en matière de qualité alimentaire et, corollaire logique, un argument de vente.

L’écart entre cette attente du consommateur et les volumes de production français en matière d’agriculture biologique reste cependant important. Si certains secteurs comme la viticulture ont fortement progressé, la production céréalière reste en retrait. Or, sans blé bio pas de pain bio, pas d’œuf bio, pas de porc bio… Au-delà du débat sur les aides publiques, il me semble important de remettre le couvert sous la forme d’un plan bio qui s’attaque aux blocages techniques : rigidité des cahiers de charge, solutions pour la protection de la santé des plantes et des animaux, organisation des filières de collecte et de commercialisation… Sortons d’une vision idyllique où l’agriculture biologique permettrait de surmonter « naturellement » tous les problèmes du monde paysan. Elle est tout autant soumise au stress du changement climatique, à l’apparition de nouveaux ravageurs et au diktat de l’offre et de la demande.

Du conventionnel, oui, mais sans pesticides !

L’agriculture conventionnelle reste le premier fournisseur en volume de ce que nous consommons. La loi tente, une fois de plus, de réguler les relations houleuses entre producteurs et distributeurs. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de redonner une juste rémunération aux producteurs dont la valeur ajoutée est captée par les transformateurs et les grandes surfaces sans profiter au consommateur.

Souhaitons que ce pari réussisse. Mais cette loi crée aussi des charges nouvelles en renforçant les contraintes en matière de bien-être animal et de recours aux pesticides. Dans ce domaine, la parole gouvernementale est à géométrie variable entre un ancien ministre de l’écologie qui voulait « bannir les pesticides » et un ministre de l’agriculture plus modéré car trop conscient que si nos paysans veulent rester compétitifs face à leurs concurrents, ils doivent jouer à armes égales. A l’heure où la future politique agricole commune va se négocier, il n’est pas inutile de redécouvrir l’intérêt d’avoir les mêmes règles de production pour tous les agriculteurs l’Union européenne. Cela constituera au final une garantie appréciable pour le consommateur. 

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