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L’homme est un omnivore : une réalité incontournable !

Par le Docteur Laurent Chevallier, Médecin nutritionniste, Praticien attaché au CHU de Montpellier et en cliniques*

Pourquoi l’homme est un omnivore ? Le débat est devenu agressif entre les végans qui refusent toute consommation de produits d’origine animale (et refusent même de se vêtir avec des composants d’origine animale comme le cuir) et les carnivores, plutôt les omnivores. Mais a-t-on biologiquement besoin de manger de la viande ?

Nos lointains descendants, les australopithèques, n’étaient-ils pas végétariens comme le montrent leurs molaires ? Pourquoi l’évolution a transformé progressivement l’homme en omnivore ? La consommation de produits animaliers, va au-delà de la simple viande, et comprend des Å“ufs et plus tardivement des produits laitiers (au mésolithique au moment du développement de l’élevage, soit environ 10 000 ans avant JC). Il est tout à fait légitime de se demander pourquoi y a-t-il eu une telle évolution dans le régime alimentaire des hommes. Deux explications principales peuvent être avancées. La première est liée au fait que devenir un omnivore est un facteur adaptatif sur terre. Les Inuits du nord du Canada trouvent peu de végétaux dans leur milieu naturel et consomment beaucoup de protéines animales sous forme de poissons et d’autres animaux marins, à l’inverse, les Touaregs du désert ont une alimentation riche en végétaux notamment en dattes, légumes secs… Dans les pays tempérés, comme la France métropolitaine, les choix alimentaires sont beaucoup plus vastes ! Le deuxième aspect, probablement essentiel, est lié à l’évolution humaine et au développement de son cerveau. A un moment de l’histoire de l’homme tout a été mis en Å“uvre pour bien, mieux, nourrir son cerveau : 2 % du poids corporel nécessite 20 % des apports énergétiques. L’optimisation des dépenses énergétiques se met alors en place. Des économies peuvent être faites sur le plan digestif. La consommation de végétaux fibreux nécessite beaucoup de dépenses d’énergie sous forme de calories - dépense inutile - avec un intestin très long tel qu’on l’observe encore de nos jours chez les singes herbivores. L’apport en viande et d’un peu de gras est une solution pour fournir de l’énergie à bon compte, parallèlement cela permet aux intestins de se réduire en taille. L’économie d’énergie se fait aussi par la bipédie permanente, les animaux à 4 pattes dépensant proportionnellement plus d’énergie pour se mouvoir. Mais là, on peut estimer que l’évolution s’est faite trop rapidement, l’homme n’était pas encore adapté sur le plan vertébral à être debout de façon permanente. Il en résulte tous les problèmes de dos qu’ont les hommes (dorsalgies, lombalgies, hernies discales…) et l’envie perpétuelle de s’asseoir !

Le malentendu historique et social

Si l’homme ne peut pas s’affranchir de consommer des aliments d’origine animale (même les végétariens en consomment - Å“ufs par exemple - contrairement aux végétaliens et végans), la viande participe au bon équilibre alimentaire. Elle n’est pas non plus indispensable s’il existe un apport suffisant en Å“ufs, fromages et autres produits laitiers, voire en poissons. Le problème de la viande, et surtout de la viande rouge, est lié à sa surconsommation depuis quelques décennies. Ceci s’explique par le fait qu’il s’agissait d’un marqueur social. Plus vous étiez riches plus vous pouviez acheter de la viande, désormais devenue plus accessible, des excès de consommation ont été observés bien au-delà des besoins nutritionnels. A partir d’un certain stade un risque accru de développement de certains cancers existe (Organisation Mondiale de la Santé, OMS). Ceci est en partie dû, paradoxalement, à la présence de fer dit « héminique Â» bien absorbé par l’organisme. S’il ne faut pas manquer de fer, des apports trop importants peuvent avoir des effets délétères notamment au niveau des intestins. Le gras de la viande concentre par ailleurs des polluants dits lipophiles (dioxines, PCB…), également potentiellement cancérogènes, des perturbateurs endocriniens modifiant le métabolisme et les acides gras saturés présents favorisent les maladies cardio-vasculaires. Pour autant consommer de la viande peu grasse en petite quantité fait partie de l’histoire des hommes et ne doit pas entraîner de culpabilité.

Les besoins selon les agences de santé

L’intérêt de la viande est son apport en protéines de bonne valeur biologique, qui donne au corps les matériaux de construction dont il a besoin. Décomposés en divers acides aminés ils assurent la fabrication des cellules des muscles, le renouvellement de celles de la peau, des cheveux et des ongles, des différentes cellules des organes… La vitamine B12, présente est indispensable à la synthèse des globules rouges de l’organisme. L’idéal de consommation est défini par l’Agence de Sécurité Alimentaire (ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Selon elle, la dose quotidienne de protéine nécessaire à un adulte en bonne santé est de 0,83 g par kilogramme de masse corporelle. Soit 50 g pour un individu pesant 60 kg. L’apport conseillé est légèrement plus élevé pour la personne âgée (1 gramme) et pour la femme enceinte et allaitante (1,2 grammes) tout comme pour le sportif (1,8 g). 100 grammes de steak haché contient 23 grammes de protéines (jusqu’à 30 grammes pour le poulet). On considère qu’un apport de 500 grammes de viande (hors volaille) par semaine convient.

Le danger : le développement de la viande industrielle et de la « viande in vitro Â»

Aujourd’hui le danger réside dans le risque de tuer l’élevage, le vrai, celui qui respectait l’animal et fournissait de la bonne viande savoureuse. Tout cela au profit d’une production industrielle de viande, soit avec du bétail transformé en usine à fabriquer des protéines, soit avec de la « viande in vitro Â». De nos jours, il est en effet tout à fait possible de créer en laboratoire des fibres musculaires et de les faire se contracter en « steak Â», pour les proposer ensuite à la consommation. Ce qui peut paraître anecdotique est en fait particulièrement inquiétant. Se profile à l’horizon une nouvelle façon de se nourrir, présentée comme plus écologique (moins de dépense d’eau) et meilleure pour la santé (sans utilisation de pesticides), alors que dans la réalité la dépendance exclusive à l’agrobusiness international s’organise. Elle seule est capable d’installer cette technologie très prochainement, de la généraliser et la protéger avec des brevets. L’agrobusiness international n’est-il pas ainsi en train de programmer la fin des exploitations agricoles ? Plus besoin d’éleveurs, la casse sociale étant à la charge des collectivités nationales. Tout en laissant marginalement aux vrais amateurs de viande quelques centres de productions. En tout cas, tout est mis en Å“uvre pour que l’opinion publique s’y prépare progressivement, par de subtiles manipulations. Plusieurs leviers sont utilisés. Le premier est de surexploiter les études négatives sur la viande, qui pourtant ne concerne que l’excès de consommation. En parallèle, est mis en avant les problèmes environnementaux : émissions de gaz à effet de serre, sur-exploitation de l’eau…. La subtilité est aussi, pour l’agrobusiness international, de ne pas apparaître directement, mais d’amplifier par exemple le phénomène du véganisme et de la défense du droit animal (tout à fait légitime), pour mieux faire accepter à terme des produits de substitution élaborés en laboratoire : protéinés, vitaminés, aromatisés… des pièges sournois qui se mettent en place, un sursaut est indispensable. â– 


* Livres : « Alors on mange quoi, le guide du bon sans toxique Â» - Ed Fayard 2016, Dr Laurent Chevallier, Claude Aubert. « L’indulgence dans l’assiette Â» - Ed Fayard 2018, Dr Laurent Chevallier


Le pic de consommation de viande en France par an et par habitant s’est produit en 1998 et a atteint 94 kg, depuis la consommation de viande baisse de 500 grammes par an et par habitant.


Les viandes, toutes confondues, les plus consommées dans le trio de tête : la viande de porc avec 32 kilos par an, la volaille dont la consommation augmente avec 26 kilos par an. Quant à la viande bovine, la plus chère, elle est à 24 kilos par an (France Agrimer 2015).

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