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Recouvrement des impôts en Outre-mer : une situation “dégradée”

La Cour des comptes s’inquiète du recouvrement des impôts en Outre-mer.

Une situation « pénalisante » pour les finances publiques. Dans son référé sur « L’établissement, le contrôle et le recouvrement de l’impôt Outre-mer », la Cour des comptes se veut catégorique. L’établissement, le contrôle et le recouvrement des impôts par la direction générale des finances publiques (DGFiP), soit 4 Md€ en 2016, et par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), soit 2,7 Md€ en 2016, « ne sont pas assurés dans les mêmes conditions de qualité dans les départements et régions d’Outre-mer (DROM) que dans le reste du pays » constatent sévèrement les magistrats : « acceptable à La Réunion, la gestion de l’impôt peut aujourd’hui être qualifiée de dégradée en Guadeloupe et à la Martinique et de très dégradée en Guyane et à Mayotte ».

Ainsi, pour la Cour, l’établissement des assiettes de l’impôt présente notamment « des faiblesses spécifiques aux DROM » comme une identification imparfaite des contribuables – particuliers et entreprises – et la qualité et l’exhaustivité insuffisantes des données du cadastre et des documents d’urbanisme qui privent la DGFiP « d’outils efficaces » pour lutter contre « l’insuffisant civisme déclaratif constaté Outre-mer » écrivent les magistrats financiers dans leur référé.

Question fiscalité et recouvrement de l’impôt, le fisc n’est pas au bout de ses peines quand il s’agit de se pencher sur l’immobilier Outre-mer, notamment avec l’absence de cadastre dans les DROM. Ainsi, malgré l’obligation qui est faite aux communes de plus de 2 000 habitants de donner un nom aux rues et des numéros aux habitations, une majorité de communes Outre-mer ne respectent pas cette obligation.

Pas de nom de rue

Une identification postale fonctionnelle est pourtant indispensable au lien entre contribuable et administration fiscale. Pour bien comprendre, les magistrats se font alors plus précis dans le référé : « En Guadeloupe, seuls 47 % des habitants et 36 % des bâtiments disposent d’une adresse considérée par la DGFiP comme fiable et normalisée. En Guyane, de nombreuses habitations, souvent illicites, ne se concrétisent que par une seule adresse collective utilisée par un grand nombre de foyers, souvent difficilement exploitable par les services de la direction régionale des finances publiques (DRFiP), ce qui cause des pertes de recettes fiscales. À Mayotte, 50 % des avis de taxes foncières reviennent non distribués en première instance car seules six communes ont pris les délibérations relatives au nom des voies (soit seulement 21 % de la base population INSEE 2012) et Mamoudzou n’en fait pas partie ». En dépit de quelques efforts des collectivités dont c’est la compétence, « le constat reste à ce jour décevant ».

253 158 constructions illégales

Mais ce n’est pas tout. « Le recouvrement des taxes foncières comporte également des irrégularités ». L’absence de titre de propriété immobilière ou un titre de propriété non actualisé est un vrai souci pour la DGFiP dans l’établissement et le recouvrement de la taxe foncière. Il arrive très régulièrement qu’un propriétaire apparent (un occupant informel de bonne ou de mauvaise foi) soit alors taxé, en lieu et place du propriétaire réel de la construction. Outre-mer détaille le référé, peuvent être dénombrées 253 158 constructions illégales sur sol d’autrui, soit 24,6 % de l’ensemble des constructions recensées par la DGFiP. Le taux le plus élevé est constaté en Guadeloupe (45 %) et le plus faible à La Réunion (9 %). « En 2016, pour la seule taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), 177 Me ont ainsi été mis en recouvrement dans des conditions irrégulières » déplorent les magistrats. Une situation très inconfortable aux yeux de la Cour qui indique qu’en cas de contentieux « de masse », l’Etat pourrait être contraint à devoir rembourser plus de 500 Me pour trois années de recouvrement de la taxe foncière.

La Cour s’inquiète enfin de « défauts d’ordre juridique » qu’elle appelle évidement, sans trop y croire « à corriger au plus tôt ». Elle s’étonne par exemple que la taxe à l’essieu ne soit pas perçue par la DGDDI dans les DROM, ce qui représente un manque à gagner pour l’État compris entre 2,6 Me et 3,1 Me par an. Autre source d’étonnement pour les magistrats, le fait qu’à Mayotte, trois taxes nationales (cotisation sur les boissons alcooliques, certaines exonérations d’octroi de mer, redevances sur les navires de commerce) ne soient pas appliquées seulement parce que les textes les régissant n’ont pas été actualisés lors du passage du territoire au statut de département le 1er janvier 2014. 

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