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Le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), un outil de financement au service de la réforme des retraites

Par Yves Chevalier, membre du directoire du FRR

L’originalité et la qualité de la gouvernance du FRR ont permis de mettre en œuvre une politique de placements financiers profitable pour les finances publiques. Un retour sur l’évolution de l’institution et sur son bilan permettra de dessiner quelques perspectives d’avenir.

Une institution innovante dont la mission a profondément évolué

Créé en 1999, le FRR devait capitaliser 150 milliards d’euros à l’horizon 2020 afin de contribuer au financement des retraites entre 2020 et 2040. Pour assurer cette mission, diverses ressources lui ont été octroyées entre 1999 et 2010 pour un montant total de 31.4 milliards d’euros.

D’emblée le FRR s’est affirmé comme un investisseur institutionnel de long terme de référence.

Il dispose d’une gouvernance qui associe toutes les parties prenantes du financement des retraites au sein d’un Conseil de surveillance composé de 20 membres (1). Ce conseil détermine les grandes orientations de la politique de placement et contrôle la gestion et les performances. Un Directoire de 3 membres, présidé par le directeur-général de la Caisse des dépôts, est responsable de la gestion des investissements et de la gestion administrative. Il rend compte de sa gestion au conseil de surveillance.

La gestion des actifs du FRR obéit au principe de la gestion déléguée. En pratique, il organise des appels d’offres publics pour sélectionner ses gérants. L’organisation de ces appels d’offres a représenté une innovation majeure pour la place financière de Paris et a permis, grâce aux volumes investis, de diminuer les coûts de gestion financière. Aujourd’hui, le faible niveau des coûts complets du FRR (coûts de gestion financière et de gestion administrative) contribue à sa performance financière nette dans la durée. Le FRR peut également souscrire des parts d’organismes de placement collectif sans appel d’offre au terme d’un processus de sélection tout aussi exigeant.

Troisième élément d’originalité, le FRR s’appuie sur un cadre prudentiel souple constitué de règles de limitation des risques prises par arrêté interministériel et de limites de risques internes fixées et contrôlées par un comité des risques.

Enfin, le FRR intègre des critères ESG (2) à ses investissements. Membre fondateur des principes de l’investissement responsable de l’ONU en 2005, le FRR est également très engagé dans le mouvement de transition écologique et énergétique en cours.

Dans le contexte de la crise financière, la réforme de 2010 a attribué les ressources du FRR à d’autres acteurs (CADES, FSV, ACOSS) et lui a donné mission de verser 2,1 milliards d’euros par an à la CADES jusqu’en 2024.

Les choix du FRR ont produit des résultats positifs pour les finances publiques

A partir de 2011, l’allocation stratégique a été repensée. Une approche prudente de la gestion financière poursuit désormais deux objectifs : payer le passif et rechercher le meilleur rendement possible à moyen terme. Le FRR, comme tous les investisseurs, a été confronté à la baisse des taux d’intérêt et des rendements obligataires. Pour s’adapter à ce changement radical, il a choisi d’augmenter la part des actions, de mettre en place des stratégies de couverture des taux d’intérêt, de diversifier ses actifs (dette non cotée et capital investissement dédié au financement des entreprises françaises).

Quelques données chiffrées permettent d’illustrer l’apport du FRR.

Au 1er janvier 2011, le FRR détenait 37 milliards d’euros. Au 31 décembre 2017, il en détenait toujours 36,3 milliards après avoir versé 14,7 milliards à la CADES en 7 ans et sans avoir perçu la moindre recette.

La performance annualisée nette du FRR est ainsi de 5.7 % depuis janvier 2011.

Le surplus du FRR, qui représente l’actif résiduel après paiement du passif, est le meilleur indicateur pour définir l’équilibre entre le rendement et les risques du portefeuille. Fin 2017, il s’élevait à 16,5 milliards d’euros (20 milliards espérés en 2024).

Au bout du compte, le FRR a permis de créer de la valeur pour les finances publiques : entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2017, la différence entre la performance du FRR et le coût de la dette publique a permis de créer une valeur de 11 milliards d’euros.

Cette performance n’a rien de magique. Au 1er janvier 2011, le portefeuille comportait 62 % d’obligations. Il n’en comporte plus que 45 % (55 % d’actifs de performance dont 44 points d’actions). Or, entre 2011 et fin 2017, les actifs obligataires de qualité ont enregistré une performance cumulée de 30 % alors que les actifs de performance ont progressé de 70 %. La qualité de la gouvernance et la pertinence des propositions d’ajustement progressif de la politique de placement ont ainsi grandement contribué à la performance du FRR.

Un outil efficace au service de la réforme des retraites

La réforme des retraites vise à répondre à trois séries d’enjeux majeurs dans un contexte économique en évolution rapide : l’équité, la simplification et la soutenabilité financière.

Dans ce cadre, le FRR, reconnu pour ses compétences en matière d’allocation d’actifs, de sélection de gérants et de gestion des risques, pourrait apporter sa pierre à la réforme selon deux axes qui pourraient être complémentaires.

Le premier axe viserait à créer un dispositif d’épargne à long terme obligatoire.

Ce dispositif s’inspirerait de nombreux exemples étrangers et permettrait à nos concitoyens les plus modestes de se constituer une épargne retraite. Dans la mesure où le salaire médian des Français est de 1800 euros nets par mois et la consommation le principal moteur de la croissance, comment favoriser l’émergence de cette épargne ? Une réflexion sur la transformation d’une partie des prélèvements obligatoires perçus par la CADES en une cotisation pour tous les actifs après 2024 pourrait être engagée. Cette épargne retraite obligatoire investie à long terme ne ferait nullement obstacle au développement de l’épargne retraite facultative encouragée fiscalement étant donné le montant relativement modeste des cotisations individuelles.

Les avantages de cette évolution seraient nombreux : épargne gérée à coûts mesurés, atténuation de la baisse du niveau de vie relatif des retraités à moyen terme, investissements significatifs à long terme dans l’économie française et contribution au financement de la transition énergétique.

Le développement de cette épargne de long terme renforcerait le système de retraite par répartition dans la mesure où son financement dépend de la croissance de la productivité qui, elle-même, résulte du volume et de la qualité des investissements dans l’économie.

Le second axe s’inscrirait dans la logique d’un fonds de réserve ou de dotation. Avec un socle de 20 milliards attendu en 2024, une montée en charge progressive à partir des recettes décrites ci-dessus permettrait de constituer une masse critique suffisante pour atténuer les chocs susceptibles de peser sur le financement d’un système de retraite qui verse 310 milliards d’euros chaque année. Ces réserves permettraient d’éviter de reconstituer une dette retraite à long terme. Une alternative, ou un complément, pourrait consister à confier au FRR une mission de long terme telle que la couverture d’une partie des besoins liés à la dépendance.

Quelle que soit la décision politique prise, le FRR est prêt à contribuer à une réforme ambitieuse de notre système de retraite. 


1. 5 représentants des confédérations syndicales de salariés, 3 représentants du MEDEF, 1 représentant de la CPME et 1 représentant de l’UPA, 2 députés, 2 sénateurs, 4 représentants de l’Etat (2 de la direction de la Sécurité sociale, 1 de la direction générale du trésor et 1 de la direction du budget), 2 personnalités qualifiées dont son président.


2.Environnement, social, gouvernance.


3. La CADES aura remboursé la dette sociale en 2024, libérant ainsi 15 milliards d’euros de prélèvements obligatoires par an.

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