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Regard extérieur : La France un an après…

Par Philippe Maze-Sencier, Managing Director, McLarty Europe

Vu de Berlin, de Bruxelles ou de Washington, la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle de 2017 a surpris, interrogé mais aussi enthousiasmé, offrant une réponse ferme à un populisme mondial que personne ne semblait pouvoir endiguer ainsi qu’une vision positive du changement à un pays considéré sclérosé et à un continent déboussolé. Il est vrai qu’après avoir inquiété nos partenaires et alliés, les quinquennats de MM. Sarkozy et Hollande avaient fini par faire désespérer de la France : un pays manquant à ses engagements, s’affranchissant de la règle commune, incapable de se réformer et de s’adapter à un monde en pleine mutation. Hormis son action résolue au Sahel, la voix de Paris avait fini non seulement par ne plus être audible, mais surtout par ne plus être crédible.

Un an plus tard, force est de constater que « France is back », en tout cas en termes de perception. Mais si la voix de Paris se fait à nouveau entendre et est aujourd’hui écoutée, le bilan européen et international de cette première année laisse sur sa faim, et les résultats concrets se font attendre. La « diplomatie tactile » déployée à l’égard du Président Trump a montré ses limites, incapable d’empêcher le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien, voire de peser sur les différents commerciaux euro-américains. Si Emmanuel Macron peut s’enorgueillir de véritables succès (comme le retour au Liban du Premier ministre Saad Hariri ou l’accord électoral en Libye) et s’il offre une vision claire, structurée et potentiellement fédératrice à une Europe qui doit si elle veut exister et défendre ses intérêts légitimes retrouver une certaine autonomie stratégique, il lui faut aussi composer avec des réalités qui sont autant de freins à toute refonte en profondeur du projet européen. La contre-performance électorale d’Angela Merkel et l’accouchement au forceps de la coalition gouvernementale l’ont laissé profondément affaiblie et incapable d’être aujourd’hui la partenaire attendue pour l’aider à réformer l’Union et répondre aux attentes des peuples européens et aux défis d’un monde mené par les géants américains, chinois ou indiens. L’Europe et sa capacité à contrôler sa destinée alors que Washington renie sa parole, Moscou redevient une menace, Beijing cherche à affirmer sa prééminence, que le pourtour méditerranéen ressemble à une cocotte prête à exploser et que l’économie mondiale semble se désintéresser du vieux continent, voilà l’aune véritable à laquelle la présidence Macron sera jugée à l’international.

Cependant, la capacité de leadership de la France reste étroitement liée à la force de son économie. Si Emmanuel Macron a incontestablement réussi à améliorer l’image du pays auprès des décideurs économiques mondiaux, nombreux sont ceux qui demandent encore à voir. S’ils donnent quitus au président sur le nombre et le rythme des réformes engagées pour rendre attractivité et compétitivité à l’économie française, ils s’interrogent encore sur le manque de réformes structurelles pour consolider les finances publiques : la baisse des déficits n’est due qu’au surplus de croissance. Si le président Macron s’est engagé à lancer ces réformes de fonds à compter de l’été, les économistes s’inquiètent de l’impact possible d’une guerre commerciale américano-européenne ou d’un retournement de cycle économique qui viendrait faire dérailler la mise en œuvre de celles-ci.

Vu de l’étranger, la perception d’un retour de la France est indéniable et la mise en œuvre du programme de réformes d’Emmanuel Macron continue à susciter intérêt et attentes. Il n’en reste pas moins que le côté lyrique, virevoltant, pressé du Président français désarçonne et que la France est attendue sur ses résultats économiques et politiques, la crédibilité de sa parole et non sur ses promesses. 

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