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Comme une nécessité, portons notre attention sur l’abstention des électeurs et la résignation des élus

Par Vincent Aubelle, Professeur des universités associé, Université Paris-Est - Marne-la-Vallée

L’impossibilité pour de nombreuses communes d’exercer l’étendue de leurs compétences a justifié l’ensemble des différents projets de fusions de communes mis en œuvre depuis 1790. Leur caractère autoritaire n’a pas permis d’y aboutir.

Afin de remédier à cette situation, la coopération intercommunale fut mise en œuvre ; depuis 2010, elle s’accompagne d’importants transferts de compétences qui évident le champ des délibérations communales.

Au-delà des outils, acceptons de satisfaire au principe de réalité.

Trois éléments le caractérise : le caractère non sécable du fonctionnement et de l’investissement d’une compétence intercommunale interdit d’agir avec une réactivité optimale ; par ailleurs, l’élargissement des périmètres intercommunaux aboutit à la constitution d’assemblées pléthoriques qui réduisent la portée de la délibération. Enfin, les élus qui ne siègent pas au sein du conseil communautaire, s’interrogent sur l’utilité de l’engagement qui peut être le leur.

Magnifier l’échelon communal et les élus municipaux comme socle de la République n’éteint pas les interrogations issues de cette construction. La progression constante de l’abstention aux élections municipales depuis 1983 (de 21,6 % au premier tour des élections de 1983 ce taux est égal à 38,4 % en 2014) n’est pas sans faire écho au titre d’une chronique d’Octave Mirbeau parue en 1888 et intitulée, « La grève des électeurs ». De même, en se fondant sur les résultats issus du baromètre de la confiance du Cevipof, le taux de confiance accordée au maire est passé de 65 % en décembre 2009 à 55 % en décembre 2017.

La commune nouvelle autorise, pour les seuls élus qui le souhaitent, à rompre avec cette logique : 560 communes nouvelles existent au 1er janvier 2018 ; elles regroupent près de 1 8623 communes fondatrices.

Ce succès découle de trois facteurs. Le premier se fonde sur la liberté de s’inscrire dans cette démarche : la commune nouvelle est la seule disposition législative, depuis l’introduction de la décentralisation, pour laquelle il n’existe aucune obligation.

Le second tient à l’absence de modèle. La loi fixe un cadre à l’intérieur duquel il existe une multiplicité de choix.

Enfin, troisième élément, la commune nouvelle est le fruit d’une législation où la souplesse du droit est érigée : les rares corrections apportées n’ont eu d’autres buts que de résoudre certaines des difficultés rencontrées depuis 2010.

Plusieurs éléments méritent aujourd’hui d’être complétés. Tel est le sens de la proposition qui émane de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité. Les articles qui la composent visent, à titre principal, à résoudre deux difficultés essentielles. La première concerne les communes nouvelles qui comportent un nombre important de communes fondatrices et pour lesquelles la population est faible : 27 se trouvent actuellement dans cette situation. A l’occasion du premier renouvellement du conseil municipal, la baisse drastique du nombre de conseillers municipaux interdira que puisse être envisagée la possibilité de former des conseils dans chacune des communes déléguées. La correction de cet écueil n’a d’autre visée que de conforter l’ancrage de la commune déléguée et de la proximité. Le second concerne le lien entre la commune nouvelle et l’étendue des compétences transférées aux structures intercommunales à fiscalité propre qui n’a jamais été abordé. Continuer de l’occulter relève d’une forme de déni.

D’aucun pourrait penser que la commune nouvelle est une anecdote de l’histoire alors même que jamais le tissu communal n’a autant été recomposé et ce, nous ne le soulignerons jamais assez, de façon volontaire. Cette politique mérite d’être encouragée au risque de conférer une valeur prémonitoire aux propos que le député Bonnet tenait à l’Assemblée nationale le 4 juillet 1930 : « Plus près que vous des populations près desquelles ils vivent, c’est à eux qu’on adresse les critiques et les reproches pour toutes les augmentations de centimes qui, en réalité, leur sont imposées. Ils en ont assez - et ils nous le disent - de jouer le rôle peu enviable de bouc émissaire. ».

Il serait confondant, qu’en assimilant les outils (commune et structure intercommunale) avec leurs finalités (positionnement adéquat des compétences communales), l’abstention des électeurs se double d’un abandon des écharpes. 

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