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Relèvement du seuil de revente à perte : jusqu’à 5 milliards d’euros de surcoût pour les consommateurs

Par Alain Bazot, Président de l’UFC – Que Choisir

Il aura fallu attendre 4 mois, et la publication de l’étude d’impact du projet de loi sur les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, pour en avoir le cœur net : l’augmentation du seuil de revente à perte (SRP) sur les produits alimentaires coûtera jusqu’à 5 milliards d’euros aux consommateurs sur les deux ans que durera son expérimentation.

Un scénario qui conforte l’alerte sur ce mauvais coup que l’UFC – Que Choisir avait adressée dès octobre au Président de la République.

L’étude du gouvernement préfère mettre en avant un chiffrage en pourcentages. On comprend ce biais de communication : entre 0,7 % et 2 % d’inflation sur les produits alimentaires, cela parle moins que sa traduction en euros sonnants et trébuchants, à savoir entre 1,74 et 4,98 milliards d’euros de surcoût pour les consommateurs sur deux ans (jusqu’à 177 € par ménage).

Surcoût pour les consommateurs, et en regard, sur-marge pour les grands groupes, distributeurs en tête. Et c’est bien là la totale aberration de cette histoire. Si l’impact inflationniste est désormais officialisé après avoir été longtemps nié, les promoteurs de la mesure, dont la FNSEA, ne sont toujours pas à même de nous expliquer par quel procédé miracle ces sur-marges de la grande distribution «percoleront », c’est leur terme, vers les agriculteurs français sans être captés au passage par la distribution ou les industriels.

On voudrait nous faire croire que permettre à Auchan, Carrefour, Leclerc ou Super U de réaliser davantage de profits sur le dos des consommateurs les rendrait plus enclins à cesser la pression sur leurs fournisseurs. Le déroulement actuel des négociations commerciales en est un cinglant démenti. Et quand bien même les distributeurs achèteraient plus chers les produits alimentaires à leurs fournisseurs industriels, encore faudrait-il que ceux-ci, à nouveau, augmentent d’eux-mêmes leur prix d’achat aux agriculteurs. Par ailleurs le gouvernement peut-il expliquer aux consommateurs en quoi, non seulement encadrer les promotions, mais encore obliger à vendre plus cher le Nutella (dont l’un des principaux ingrédients est l’huile de palme), le jus d’orange, le café, le thé, la poudre de cacao etc. va améliorer le revenu des agriculteurs français qui ne produisent aucune de ces matières premières ?

Et je laisse pour le moment de côté l’autre grande absente du débat qu’est la qualité, notamment nutritionnelle et environnementale. Les premiers plans de filières disponibles ne laissent pas entrevoir la montée en gamme pourtant promise en contrepartie.

On le voit, il y a donc loin de la coupe aux lèvres et le matraquage des prix fera inutilement souffrir le pouvoir d’achat des consommateurs. Lors de la dernière période de relèvement du SRP en France, sous l’égide de la Loi Galland, l’inflation des produits alimentaires avait été 8 points plus élevée en France que dans les autres pays d’Europe de l’Ouest, tandis que les marges de la grande distribution avaient, elles, augmenté de près de 54 % ! C’est pourquoi, devant cette mesure à l’impact négatif certain pour les consommateurs et aux bénéfices improbables pour les producteurs agricoles, l’UFC-Que Choisir appelle les parlementaires à stopper cette dangereuse mascarade, où les difficultés d’une partie des agriculteurs français servent de faux-nez à la grande distribution et à l’industrie agroalimentaire et amènent la FNSEA, en plein fantasme, à se fourvoyer sur le dos des consommateurs. 

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