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Redonnons du sens à la détention

Par Yaël Braun-Pivet (LREM, Yvelines), Présidente de la Commission des Lois

En novembre dernier, la commission des Lois de l’Assemblée nationale a décidé de remettre la question carcérale à l’agenda : les députés membres de la commission ont visité des prisons sur tout le territoire français, afin d’appréhender la réalité carcérale dans sa diversité et sa complexité.

Faire de la lutte contre la récidive une priorité

Surpopulation, parc pénitentiaire mal adapté, parfois vétuste, surveillants souffrant de conditions de travail difficiles, victimes se sentant peu ou mal protégées à cause de peines qui tardent à être exécutées, conditions de détention dégradées avec peu d’encellulement individuel, peu d’activités et de formation : de nombreux facteurs créent un cercle vicieux criminogène. 63 % des détenus en sortie sèche sont ainsi condamnés à nouveau dans les cinq années suivant la sortie.

Nous touchons là à la question cruciale du sens à donner à la détention. La prison doit avoir une double vocation : sanctionner et favoriser la réinsertion. Les détenus d’aujourd’hui sont nos voisins de demain. Pour protéger la société, il faut les préparer à la sortie.

Après un échange de vues entre commissaires aux lois et des auditions, le bureau de la commission, tous groupes politiques confondus, a décidé de poursuivre ses travaux sur quatre problématiques spécifiques : prise en charge psychiatrique des détenus, activité en détention, lien avec le tissu économique local, et établissements à sécurité différenciée, dont ceux dits «ouverts ou allégés ». Il s’agit de formuler des recommandations concrètes, consensuelles et applicables rapidement en vue des réformes de la justice.

Prisons «ouvertes » : une piste intéressante

Le travail exploratoire nous a ainsi conduit à Horserod au Danemark, où 8 des 13 centres pénitentiaires sont ouverts, et à Casabianda en Corse. Il s’agit de centres sans miradors ni mur d’enceinte, où les détenus exercent une activité obligatoire. A Horserod, ils travaillent dans des ateliers, suivent des cours et prennent en charge leur vie quotidienne. A Casabianda, dès le premier appel de 6h45, ils se consacrent au travail, agricole principalement. Dans le modèle danois, les peines de prison prononcées sont systématiquement et rapidement exécutées : la justice est lisible pour tous. Ces établissements favorisent la réinsertion en resocialisant les détenus : ils y apprennent le respect des règles, acquièrent des compétences. Le résultat est positif : le taux de récidive pour les prisons ouvertes au Danemark n’est que de 24 %. Le coût journalier est moindre : au Danemark, il est de 179 € par détenu en prison ouverte, contre 254 € en prison fermée. La sécurité des personnels est enfin mieux assurée : à Horserod et à Casabianda, aucun incident entre surveillant et détenu n’est à déplorer. Responsabilisation, offre de travail, transfert vers un établissement fermé en cas de manquement aux règles suffisent à minimiser les risques.

Vers un modèle français : les Centres Pénitentiaires d’Insertion

Définir un modèle français, adapté à nos spécificités, est tout l’objet de notre travail. Ces centres à sécurité allégée, que l’on pourrait dénommer «Centres Pénitentiaires d’Insertion » pourraient utilement s’inscrire dans notre palette d’établissements pénitentiaires. Ils seraient principalement axés sur la réinsertion du condamné et pourraient être destinés à l’exécution de certaines courtes peines ainsi qu’à des fins de peines. Sur l’ensemble du territoire, nous disposerions ainsi d’établissements à sécurité différenciée, du plus allégé au plus sécurisé.

Missionné sur le sujet en 2010 par Jean-Marie Bockel, alors Secrétaire d’Etat à la Justice, Paul-Roger Gontard concluait son rapport en estimant que Casabianda, seul établissement ouvert sur notre territoire, ne devait plus être vu comme une expérience. Huit ans plus tard, la commission des Lois reprend son propos : il est temps d’aller plus loin. Le 21 mars prochain, nous rendrons nos conclusions. Première étape vers une mise en œuvre effective... 

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