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Encore un café, s’il vous plaît !

Les cafés des villages sont en voie de disparition. Près de 7000 ferment chaque année. Pourtant, pour 77 % des Français, le café est le lieu principal du lien social. Loin de voir la désertification des territoires comme une fatalité, France Boissons* dans son Livre blanc «Les cafés, une chance pour nos territoires » fait plusieurs propositions pour redynamiser les cafés et les territoires.

Aujourd’hui près de 26 000 communes françaises n’ont plus de café ! De 200 000 établissements en 1960, on est tombé à 36 178 en 2015 et 34 669 en 2016, regroupés dans un peu plus de 10 000 communes (1). 10 régions sur 13 voient baisser le nombre de cafés. Pourtant, si de nouveaux cafés ouvrent tous les jours - on en compte 10 % de plus qu’il y a six ans – cela n’est valable qu’en Île-de-France. Dans les territoires ruraux et périurbains, la crise frappe durement le secteur Cafés-Hôtels-Restaurants (CHF) avec une moyenne de 7000 fermetures par an ces dernières années. Pour Pascale Hébel, Directrice du pôle consommation et entreprise au CRÉDOC, la fragilisation des cafés est structurelle. «Ils étaient, dans tous les villages, un lieu de sociabilité très prisé des ouvriers. Avec la tertiarisation de la société, cette clientèle a fortement diminué » alors que paradoxalement, le café demeure, bien souvent, le dernier commerce de proximité du centre-bourg ou du village. A cela s’ajoutent les messages de santé publique et de prévention qui n’ont cessé de se multiplier afin de réduire la consommation d’alcool qui se fait aujourd’hui beaucoup plus à demeure. A l’inverse, le restaurant se développe «car, explique-t-elle, la distance domicile-travail s’allonge et l’acte alimentaire s’externalise. C’est une délégation du fait alimentaire car les femmes travaillent et ne sont plus à la maison pour préparer les repas ».

Le Café traditionnel n’a pas su évoluer

Enfin, autre explication, si en matière de pouvoir d’achat, les cafés et les loisirs sont loin d’être remisés, les jeunes générations ont tendance à mettre en priorité leur argent dans la téléphonie que dans un café. Le lien social étant assuré en partie par les réseaux sociaux ou dans des lieux autres que les cafés comme les centres commerciaux, les restaurants. Or, si la demande de lien social est extrêmement présente, il est clair, pour Pascale Hébel, que «le café traditionnel n’a pas su évoluer en fonction des attentes des nouvelles générations ». Ceci peut expliquer cela. Cette forte demande de lien social pourrait alors être «un formidable moteur pour les cafés qui sauront se réinventer » estime la chercheuse. Car, tout le monde s’accorde là-dessus, «le café est un lieu de brassage, un point de rencontres qui incarne le vivre ensemble. Il ravive l’écosystème qu’est le village et marque son effervescence » explique Cédric Szabo, Directeur de l’Association des Maires Ruraux de France. «Oui, le café est un symbole fort du lien social ; il est un des endroits dans lequel se retrouvent les habitants et autour duquel s’articulent les autres commerces de proximité » complète Loïc Latour, Président de France Boissons. Aussi, dans un contexte où un maire sur trois, dans les zones rurales, a connu la fermeture du dernier café de sa commune, «il est important d’enrayer le phénomène de disparition et de fragilisation des commerces » juge Loïc Latour qui, en compagnie de ces partenaires, a cherché des solutions au problème. Parmi les pistes avancées, celle du financement et la volonté de voir le prêt restauration de la BPI et le prêt brasseur pérennisés et étendus. Sans oublier la nouvelle tendance du financement participatif avec le développement de plateformes qui accompagnent des projets de cafés innovants ou solidaires.

L’autre grande piste à emprunter pour les cafés est bien évidemment, celle de la diversification. En zone rurale, le débit de boissons centré autour d’une clientèle de buveurs et de fumeurs sans offre de produits ou de services additionnels est «menacé ». Le café doit se réinventer et être en phase avec les défis de la société d’aujourd’hui : vieillissement, télétravail, digital, recherche de proximité, disparition des services publics… «C’est grâce à une réelle diversification de l’offre de produits et de services que le café dans les territoires pourra capter de nouvelles clientèles hétérogènes et redevenir le lieu pivot de la vie locale. À l’heure des réseaux sociaux, le café doit redevenir le premier réseau social de proximité » insiste Loïc Latour.

Chercher une réelle diversification de l’offre de produits et de services

Acteurs privés et publics se mobilisent déjà pour redynamiser les cafés. «Des collectivités ont par exemple choisi d’acheter les murs d’établissements pour les louer à des repreneurs, d’autres ont encouragé les points multiservices ou l’accueil de services publics de proximité ». Le café peut aussi devenir des lieux de conseil à l’image de l’initiative «le conseil du coin » lancé par les notaires. L’avenir des cafés passe aussi par une plus grande professionnalisation du secteur autour de l’accueil, du confort, de la propreté, de la qualité des produits et de la citoyenneté. France boissons s’y attèle, les pouvoirs publics aussi avec la création de certification comme «Maître restaurateur » ou «Qualité tourisme ».

Alléger normes et fiscalité

Particulièrement touché par la hausse de la fiscalité, et notamment de la fiscalité locale le secteur qui acquitte nombre de taxes spécifiques comme la taxe sur les enseignes, la taxe sur les terrasses, la taxe sur les ordures ménagères dont le montant est décidé par les collectivités locales demande une simplification administrative et fiscale. Des premières mesures d’allègement ont d’ores et déjà été prises comme la réforme de la licence IV facilitant notamment son transfert hors de la commune. Précédemment, rappelle France Boissons, le dernier débit de boissons de 4ème catégorie d’une commune ne pouvait être transféré hors de la commune, ce qui conduisait à l’extinction de la licence en cas de fermeture de l’établissement. «La réforme devrait ainsi contribuer à freiner la disparition progressive des licences IV qui sont passées de 200 000 dans les années 1960 à moins de 35 000 aujourd’hui ».

Plus globalement, le secteur veut que l’on instaure un moratoire sur les normes et la fiscalité pesant sur les CHR mais aussi intégrer systématiquement les acteurs de la distribution de proximité et les CHR dans des instances de concertation locale pour les sujets concernant l’accès, le stationnement et l’aménagement des centres villes.

Enfin, France Boissons soutient l’inscription des cafés français au patrimoine mondial de l’Unesco. 


* En partenariat avec l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF), l’Association des Petites Villes de France (APVF) et eTerritoire : plateforme web de promotion des territoires.


(1) Baromètre France Boissons/Credoc, comprendre et répondre à la fragilisation de la filière Cafés-Hôtels-Restaurants.

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