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Mettre à l’équilibre les indicateurs de performance économique, avec les indicateurs de performance sociale

Par Charlotte Lecocq, Députée (LREM) du Nord, Membre de la Commission des Affaires Sociales

“Le travail c’est la santé”, un adage qui résume la place sacrée que notre société donne au travail, condition sine qua non d’intégration, de subsistance, et de reconnaissance. Pourtant, depuis de nombreuses années, la santé au travail est identifiée comme un enjeu majeur tant les chiffres de la sinistralité demeurent préoccupants, en particulier pour les ouvriers des secteurs du bâtiment, les manutentionnaires, et les travailleurs des secteurs social et médicosocial.

L’environnement dans lequel évolue l’entreprise, les mutations technologiques, l’intensification de la concurrence, la course aux nouvelles tendances, rejaillissent considérablement sur les situations de travail, intensifiant les exigences qui pèsent sur les actifs. Au-delà des souffrances physiques, auxquelles les innovations techniques parviennent à apporter des solutions efficaces, ce sont les souffrances psychiques qui se développent. Le burn-out, encore peu connu il y a une vingtaine d’années, prend désormais de plus en plus corps, au point qu’il frise la banalité, comme une étape obligée dans toute carrière professionnelle. Nous devons collectivement nous opposer à cela !

Comment alors réduire considérablement les risques ? En matière de santé au travail, la réglementation impose à l’employeur une obligation de résultat. La responsabilité civile, et pénale, mais aussi les coûts de l’insécurité, qui pèsent sur le dirigeant d’entreprise, ont sans doute stimulé sa mobilisation à supprimer, ou a minima à réduire les risques pesant sur les équipes salariées. D’abord orientées vers les solutions de protection offertes par les aménagements techniques, les entreprises ont vu apparaître la nécessité impérieuse de questionner l’organisation du travail, et son management. Questions autrement plus complexes, mais les entreprises peuvent compter sur de nombreux acteurs pour y répondre. A commencer par les Instances Représentatives du Personnel (IRP), aujourd’hui réunies en une entité unique : le Comité Social et Economique. Les compétences de chacune des instances antérieures sont ainsi fusionnées pour permettre de relier plus aisément stratégie d’entreprise, politique de développement des compétences, et politique de sécurité et de bien-être au travail. Le chemin s’ouvre alors vers la performance globale, concept cher aux mouvements d’entrepreneurs responsables, qui met à l’équilibre les indicateurs de performance économique, avec les indicateurs de performance sociale, et les indicateurs de performance sociétale et environnementale, considérant qu’une entreprise ne peut gagner dans un monde qui perd. Mais qui dit performance dit évaluation, et l’évaluation de la santé au travail est aujourd’hui l’une des missions majeures de la médecine du travail, qui voit ses rangs diminuer inexorablement. Cette tendance va s’amplifier avec de nombreux départs en retraite dans les prochaines années. La pénurie annoncée est également liée à un désamour injustifié pour cette spécialité qui offre pourtant aux médecins la possibilité d’agir en prévention, dans des contextes professionnels très variés.

Répondre à cette problématique est l’un des objectifs de la mission qui m’a été confiée, aux côtés d’Henri Forest pour la CFDT, et de Bruno Dupuis, personnalité qualifiée, par la Ministre du Travail, Muriel Pénicaud, et la Ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn. Un autre objectif est celui de la recherche d’amélioration de l’offre d’accompagnement des entreprises dans leurs démarches de prévention, car si les acteurs sont multiples et proposent des appuis opérationnels, ciblés et spécifiques au secteur d’activité, leur visibilité, et surtout la lisibilité de leur rôle et des modalités de recours à leurs services demeurent complexes, en particulier pour les TPE et PME, qui ne disposent pas ou peu d’interlocuteurs spécifiquement dédiés. Dès lors l’enjeu pour notre système de santé au travail est de s’adapter pour mieux répondre aux défis que les entreprises doivent relever pour améliorer significativement les impacts des facteurs de risques pesant sur les situations de travail. 


* Chargée par les ministres du Travail et de la Santé d’une mission sur la santé au travail

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