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La prévention primaire au cœur de la politique de santé au travail

En 2016, le nombre d’accidents du travail (AT) reste stable, à son niveau le plus bas depuis 1946 avec une moyenne de 33,8 AT pour 1000 salariés contre 120 en 1946. La fréquence des accidents du travail dans l’intérim a augmenté de 7,8 %, ce qui peut être signe de reprise économique. Depuis 10 ans, des secteurs traditionnels poursuivent leur baisse, la métallurgie ou le BTP par exemple (-29 % pour le BTP) qui reste tout de même très touché. En revanche de nouveaux secteurs déjà très touchés voient leur sinistralité augmenter, 45 % pour les aides et soins à la personne. Même si cela est aussi dû à une hausse des effectifs. En ce qui concerne les maladies professionnelles (MP), l’Assurance Maladie Risques Professionnels note également une baisse continue depuis 2012 malgré des situations contrastées selon les pathologies. Ainsi, le nombre de MP liées aux troubles musculosquelettiques (TMS) a diminué de 4,1 % entre 2015 et 2016 de même que celles liées à l’amiante (-9,5 %). Mais les cancers professionnels (1400 cas annuels) sont quant à eux en hausse (+10,1 %) car mieux repérés et déclarés. Les maladies psychiques (+40 %) prises en charges comme maladies professionnelles sont aussi en hausse. Mais ce chiffre qui se compte seulement en centaine de cas est aussi impressionnant car les demandes et la reconnaissance du syndrome d’épuisement professionnel comme maladie professionnelle sont en forte hausse. « La France est le pays européen qui reconnaît le plus le syndrome d’épuisement professionnel » (1).

Depuis une vingtaine d’années la sinistralité au travail diminue.

Les risques professionnels peuvent se ranger en plusieurs catégories. Les risques que l’on pourrait qualifier de traditionnels comme le bruit, les vibrations, les produits chimiques dangereux. Mais des risques plus récents sont apparus liés aux conditions de travail qui évoluent : troubles musculosquelettiques (TMS), stress et épuisement professionnel aussi liés à la forte croissance de certains secteurs : les nanomatériaux, le traitement des déchets, le secteur de l’aide à la personne. Ces risques font l’objet d’une prévention accrue dont les effets se font déjà sentir dans le cas des TMS. En ce qui concerne, le risque de burn out, il n’est pour l’heure pas envisagé de l’insérer au tableau des maladies professionnelles.

Si la sinistralité diminue, l’évaluation des risques professionnels devient aussi de plus en plus complexe. Et beaucoup de paramètres modifient l’environnement du travailleur : la population vieillissant, le développement des nouvelles technologies et donc de la robotisation, la forte concurrence ainsi que les nouvelles organisations du travail.

Une politique de santé et de bien-être au travail centrée sur la prévention

Avant la loi du 11 octobre 1946 la prévention était secondaire. Cette loi a donné à la médecine du travail la mission première d’éviter l’altération de la santé des salariés du fait de leur travail. Ainsi, la culture de la prévention et donc les missions des acteurs de santé au travail ont beaucoup évolué. En 2004, la « médecine du travail » a été remplacée par des « services de santé au travail ». De nouveaux acteurs sont venus entourer le médecin du travail. La loi du 20 juillet 2011 a renforcé cette notion d’équipe pluridisciplinaire (médecin du travail, infirmier, intervenant en prévention des risques professionnels, assistant de service de santé au travail) autour du médecin, qui en devient l’animateur. Des équipes globales avec des missions de prévention bien définies ont pu voir le jour : conseil aux entreprises, actions en milieu de travail, suivi individuel des salariés, et participation à la veille sanitaire.

La loi El Khomri a précisé le suivi individuel. Il se partage désormais avec les infirmiers, et se module en fonction des risques (conditions de travail, de santé…) et peut aller d’un suivi annuel à quinquennal. Le médecin du travail est au centre d’une équipe qui a pour mission de répondre à trois niveaux de prévention : éviter toute altération de la santé, dépister puis maintenir au travail. Les partisans de la loi El Khomri affirment qu’elle n’a pas altéré le système de protection mais l’a rendue plus souple en permettant une prévention plus adaptée aux besoins de chacun. Ce raisonnement ne fait pas l’unanimité : ce changement ne serait qu’un faux remède accentuant la baisse préoccupante des effectifs et pire la désaffection pour la médecine du travail en la démédicalisant.

Autre point de débat, les ordonnances Macron en fusionnant les CE et CHSCT au profit d’une instance unique que seront les Comités Sociaux et Economiques (CSE) font craindre certains acteurs de la santé au travail que ces sujets ne soient noyés et que le dialogue social relatif aux questions de santé et de bien-être au travail ne soit affaibli.

Le plan Santé III, lui a contrario, a renforcé l’implication des partenaires sociaux sur ce sujet. Privilégiant la prévention primaire et la culture de prévention, il est aussi fondé sur un changement de paradigme : l’importance de l’amélioration de la qualité de vie au travail, « levier de santé, de maintien en emploi et de performance économique et sociale de l’entreprise ».

Deux missions ont été mises en place pour améliorer la prévention des risques professionnels. Muriel Pénicaud a ainsi confié à Paul Frimat, en novembre 2017, une mission sur l’exposition aux agents chimiques dangereux. Dans le prolongement de la mise en place au 1er octobre du nouveau dispositif de prévention et de réparation de l’exposition aux facteurs de risques professionnels, incluant le risque chimique la mission poursuit trois objectifs : renforcer les mesures de prévention en la matière, à travers un bilan des obligations des employeurs, et des préconisations pour renforcer leur effectivité ; s’assurer des modalités du suivi de l’exposition des salariés aux agents chimiques dangereux ; étudier des modalités adaptées de prise en compte des salariés concernés dans les règles d’indemnisation. Les conclusions de la mission doivent être remises aux ministres du Travail et de la Santé à la fin du mois.

Muriel Pénicaud et Agnès Buzyn ont également confié à Charlotte Lecocq (Députée) ; Henri Forest (CFDT) et Bruno Dupuis (personnalité qualifiée) une mission sur la santé au travail. L’objectif principal de la mission est d’améliorer les services de santé au travail et de trouver des solutions à la démographie préoccupante. « En 10 ans, nous avons perdu 30 % du nombre de médecins du travail et aujourd’hui, 75 % des médecins du travail ont plus de 55 ans. » (2) 


1. Chiffres 2016, Assurance Maladie Risques Professionnels disponibles au lien suivant http://risquesprofessionnels2016.fr/


2. http://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/muriel-penicaud-et-agnes-buzyn-lancent-une-mission-sur-la-sante-au-travail

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