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Vers une reconnaissance des cryptomonnaies par l’usage…

Par Antoine Chéron, Avocat associé*

Depuis bientôt 8 ans que le Bitcoin connaît une ascension fulgurante, son succès ne s’est pas démenti. Pourtant, depuis quelques jours, la nouvelle n’a échappé à personne : conséquence d’une croissance inhabituelle et particulièrement rapide, le Bitcoin a vu son cours s’effondrer au mois de décembre dernier, inquiétant les investisseurs du monde entier.

Cette monnaie virtuelle, ou cryptomonnaie, se présente depuis 2009 comme une alternative aux monnaies étatiques en circulation dans les pays du monde entier. Au départ circonscrite à des cercles restreints d’investisseurs et d’informaticiens, elle s’est progressivement répandue pour intéresser aujourd’hui le plus grand nombre et servir à la fois de moyen de paiement parallèle et de placement financier.

Si le Bitcoin est l’exemple le plus marquant de ce phénomène, il existe un grand nombre de devises concurrentes du même type, tels Ripple, Ethereum ou Monero.

Concernant l’encadrement de la cryptomonnaie, il convient en premier lieu de remarquer que le droit français ne prévoit aucun statut juridique, et que la législation ne la reconnaît pas au titre d’un moyen de paiement. N’entrant dans aucune catégorie juridique préexistante, les monnaies virtuelles ne sont considérées, en France, ni comme monnaies électroniques, ni comme moyens de paiement, mais alternativement comme une mesure financière, voire, parfois, comme un simple bien meuble incorporel valorisable, pouvant ainsi faire l’objet de transactions.

Les plus-values sur les Bitcoins sont ainsi taxables en France depuis le 11 juillet 2014 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) et doivent être déclarés au titre de l’impôt de solidarité (ISF) selon l’article 885 E du code général des impôts (CGI).

A contrario de la position de la France, la Cour de Justice de l’Union européenne considère, depuis une décision du 22 octobre 2015, que le Bitcoin est véritablement un moyen de paiement et qu’à ce titre il peut bénéficier des exonérations de TVA prévues pour les opérations financières, rendant ainsi caduque la position de la France concernant sa nature.

Mais l’impulsion de la Cour luxembourgeoise n’a pas d’effet immédiat sur la législation française, et face aux dangers d’une monnaie erratique, l’Autorité des Marchés Financiers avait rectifié sa stratégie en publiant le 4 décembre dernier un communiqué mettant en garde les plus téméraires et soulignant les risques associés à un investissement sur ces actifs spéculatifs, rappelant notamment qu’une correction à la baisse s’accompagnait d’une absence de garantie et de protection du capital.

Si ce communiqué arrive vraisemblablement trop tard, l’on peut s’avancer en affirmant que le législateur devra, dans les mois à venir, réfléchir à l’élaboration d’un cadre juridique offrant une sécurité aux utilisateurs et des réponses à ce phénomène d’ampleur.

Enfin, outre le danger lié à l’inflation de la cryptomonnaie et les risques de perte totale des valeurs, d’autres inconvénients non négligeables sont recensés, au premier rang desquels le financement d’activités interdites comme le trafic de drogue, l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent ou le terrorisme.

Dans un contexte déjà installé de suspicion des autorités françaises à l’égard des cryptomonnaies, un autre risque soulevé par certains commentateurs serait que la volonté d’encadrement se transforme en une véritable interdiction, car en l’absence de régime juridique, le choix par les autorités nationales et/ou européennes de faire obstacle à l’utilisation de monnaies non encadrées par les banques centrales n’est pas à exclure totalement.

Fin décembre, le Ministre de l’Economie Bruno Le Maire s’est quant à lui dit prêt à agir pour encadrer la cryptomonnaie, et demandera à ses homologue du G20 d’envisager la mise au point d’un cadre juridique commun pour appréhender les risques liés à son inflation. Cette position a été partagée par le Ministre des Finances allemand qui s’est prononcé en faveur d’une régulation internationale. 


*www.acbm-avocats.com