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Liste noire : “Le compte n’y est pas”

Par Éric Vernier, Directeur de l’IRSI, Chercheur associé à l’IRIS*

La liste noire européenne des paradis fiscaux, tant attendue, a été publiée le 5 décembre 2017. Les scandales des Panama Papers puis des Paradise Papers, ont poussé l’Europe à proposer une liste plus complète et plus crédible que les précédentes (GAFI, OCDE, …). Malheureusement, et conformément aux craintes, le résultat est extrêmement critiquable.

La liste noire européenne du 5 décembre 2017

La liste dressée par la Commission européenne grâce au travail du « Code de conduite (fiscalité des entreprises) », dit le « Code », comporte 17 pays : Bahreïn, la Barbade, la Corée du Sud, les Émirats arabes unis, Grenade, Guam, les Îles Marshall, Macao, la Mongolie, la Namibie, les Palaos, le Panama, Samoa, les Samoa américaines, Sainte Lucie, Trinidad et Tobago, la Tunisie. Pour ainsi dire rien, car d’une part le nombre total de territoires retenus est faible, d’autre part ces territoires ne sont pas les plus suspects.

Un nombre officiel de paradis fiscaux très faible

Le compte n’y est donc pas. Le premier problème provient de la volonté de la Commission de laisser à l’écart les pays européens pour la simple raison qu’ils sont censés respecter par défaut les 3 critères de bonne conduite : se conformer aux standards d’échange automatique de données de l’OCDE, restreindre l’implantation de sociétés offshore et s’engager à mettre en place les mesures anti-planification fiscale agressive. Il n’y aurait en effet aucun paradis fiscal à l’intérieur de l’Union européenne comme l’affirmait Pierre Moscovici le jour de la publication. Cependant, au regard des critères, nous savons que les Pays-Bas comme le Luxembourg ou l’Irlande auraient dû y figurer.

Le second souci apparaît clairement avec l’absence, principalement pour des raisons géopolitiques, de nombreux pays hors Europe qui répondent pourtant nettement aux critères : la Chine ou le Delaware par exemple. La puissance des États concernés ou les alliances internationales expliquent cette situation.

Enfin l’Europe a confirmé sa volonté de ne pas lister les pays en voie de développement. Cette décision procède d’une bonne intention, mais limite la portée d’une telle liste.

Des pays retenus qui posent peu de problèmes

Lorsque nous regardons la liste de plus près, nous nous apercevons qu’en outre, les territoires concernés ne sont pas les plus répréhensibles, voire ne sont pas réellement des paradis fiscaux. Ainsi, pourquoi trouver Macao et pas Hong-Kong, autrement plus problématique compte tenu de son secteur bancaire parmi les plus actifs au monde. De la même manière, la Suisse ou les Îles Caïmans valent-elles mieux que la Tunisie ? La Tunisie qui n’a été retenue que pour des raisons d’équité fiscale, les multinationales étrangères étant exonérées d’impôts et taxes. Or cette situation se retrouve dans des dizaines d’autres pays.

Une liste grise qui sera rapidement vide

Heureusement, l’Europe a prévu une liste grise complémentaire d’une quarantaine de juridictions qui ont pris des engagements forts à changer leurs pratiques dans les mois à venir. Malheureusement, cette liste sera très rapidement vidée de sa substance, car les prémisses d’actions allant dans le bon sens suffiront à les placer sur liste blanche. On y trouve par exemple le Pérou et le Groenland.

Enfin, une dernière liste de huit noms a été validée, la liste « hurricane » (ouragan) qui comprend les petites îles en développement de la zone Caraïbes touchées par les derniers ouragans : Anguilla, Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Dominique, Îles Turques-et-Caïques, Îles Vierges américaines, Îles Vierges britanniques, Saint-Kitts-et-Nevis. Les changements doivent y intervenir avant février 2018.

Pour conclure, l’absence de sanctions à l’encontre des pays de la liste finit par décrédibiliser totalement l’initiative censée répondre aux attentes toujours plus fortes de l’opinion publique, lassée par les scandales à répétition. 


*Auteur de « Fraude fiscale et Paradis fiscaux », Dunod.

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