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Le logement social face au défi de l’accès des publics modestes et défavorisés

C’est le titre du rapport de la Cour des Comptes publié en février 2017(1). Un rapport d’évaluation de la politique publique du logement social qui fait une série de recommandations pour remédier aux problématiques qui se posent aujourd’hui : le difficile accès des plus modestes au logement social ; le manque de rotation du parc social ; le manque de correspondance entre l’offre et la demande ; les disparités dans les taux d’effort des locataires. Résumé et rappel.

Au terme d’un bref retour historique sur l’évolution de la politique du logement social, le rapport se pose plusieurs questions pour évaluer la pertinence du modèle au regard de l’objectif principal qui lui est assigné : accueillir les plus modestes. Le dernier chapitre propose évaluations et recommandations.

Les trois premiers chapitres établissent un diagnostic : Qui bénéficie du logement social ? Comment sont attribués les logements ? Les logements proposés correspondent-ils à la demande ? Les trois questions suivantes donnent des éléments de réponse pour des choix politiques à effectuer : Faut-il construire toujours plus ? Comment amplifier la rotation dans le logement social ? Comment sont fixés les loyers ? Enfin deux questions plus générales de société et de gouvernance constituent les deux avant derniers chapitres : Comment le logement social peut-il contribuer à la mixité sociale ? Qui doit piloter le logement social ?

Un décalage entre l’offre et la demande

Le rapport chiffre un certain décalage entre l’offre et la demande. L’inertie du patrimoine immobilier empêchant le logement social de s’adapter rapidement aux déplacements de l’emploi et de la population. Ainsi, les zones tendues disposent de 53 % de l’offre globale quand elles reçoivent 73 % des demandes. La part des ménages pauvres parmi les demandeurs est en augmentation puisqu’elle est passée de 43 % à 52 % entre 2006 et 2013. Cependant l’offre de logements à bas loyers est localisée à 61 % en zone détendue, où ne s’exerce que 27 % de la demande. En réponse à une vraie orientation politique, le logement social accueille tout de même une part croissante de ménages défavorisés, « dans la mesure où la proportion des ménages qui ont emménagé depuis moins d’un an et qui sont situés sous le seuil de pauvreté, a progressé de 42,6 % à 49,9 % entre 2006 et 2013 ». Mais ceci jusqu’à une certaine limite de solvabilité. Car les ménages dont les ressources sont inférieures à 30 % du revenu médian national (2), 1 demandeur sur 6, n’y sont pas accueillis et nécessitent le recours aux dispositifs du logement d’insertion.

Un déficit de rotation du parc

Pour les ménages sous le seuil de pauvreté mais ayant assez de revenus pour intégrer le parc social, la Cour souligne qu’il serait possible d’en accueillir davantage. Car « les logements du parc social n’accueillent que la moitié des ménages locataires situés sous le seuil de pauvreté, alors que sa capacité excède de plus d’un million leur effectif total » (3). Cela n’est pas qu’une question d’offre nouvelle. En fait plus généralement cela pose la question « du maintien dans les lieux de locataires dont la situation a pu s’améliorer ». On en revient à la question majeure de la rotation dans le parc social. C’est ainsi que les auteurs du rapport analysent qu’ « une progression d’un point de la mobilité des locataires représenterait l’équivalent de près de 50 000 constructions par an, sans coût significatif pour la collectivité. Une gestion plus active du parc serait donc de nature à améliorer immédiatement la situation » (4). Cela pourrait aussi permettre de mieux adapter les objectifs de construction neuve aux besoins de chaque territoire et particulièrement dans les zones détendues. La Cour évoque quelques pistes pour augmenter le nombre de sorties du parc social vers le parc privé mais d’abord celle de faire mieux appliquer les « dispositifs devant inciter les locataires dépassant le plafond de ressources à quitter le parc social (supplément de loyer de solidarité, perte du droit au maintien dans les lieux) » qui n’ont aujourd’hui qu’un impact limité sur la mobilité. Mais cela suppose aussi et surtout « que le marché local propose des logements abordables pour les locataires concernés ce qui nécessite de mobiliser l’ensemble des outils de la politique du logement ». C’est un des arguments avancés par la Cour qui a sans doute provoqué la proposition du Gouvernement de déclencher dans le PLF 2018 le SLS au premier euro. Mais cela a été supprimé par les députés et notamment pour la raison suivante : le maintien des ménages plus favorisés dans le parc social favorise la mixité sociale. Il y a aussi la raison suivante qui entre en ligne de compte : les surloyers permettent aux bailleurs des recettes plus importantes.

Une politique des loyers méritant d’être revue

La politique des loyers épouse imparfaitement la capacité d’effort des locataires pour plusieurs raisons. En voici une qui a fait l’objet d’une mesure du Gouvernement : l’APL et le SLS ne régulent le taux d’effort que pour une partie des locataires : « Les aides personnelles au logement – pour les revenus les plus faibles – et le supplément de loyer de solidarité – pour les revenus les plus élevés – font varier la quittance en fonction du revenu pour une moitié des locataires. L’autre moitié acquitte le même loyer pour le même logement, alors que le revenu varie du simple au double ».

Sur ce graphique on voit que les revenus compris entre 1800 et 3600 euros qui varient donc du simple au double paient pourtant le même loyer.

Une politique qui doit être davantage territorialisée

Un autre point essentiel de l’analyse de la Cour est que l’évaluation de la politique du logement social ne peut être globale tant les réalités territoriales sont diverses. Ainsi, pour plus d’efficacité, doit s’opérer un meilleur ciblage de la construction neuve dans les zones tendues et le recours à de nouvelles procédures dans les zones détendues pour améliorer les sorties du parc : abaissement des plafonds de ressources, de la durée des baux ou des incitations à la mobilité. Pour adopter une approche territoriale, la politique de l’habitat et donc du logement social, « historiquement éclatée entre l’État, les différentes collectivités locales et les opérateurs doit trouver son unité de conception et d’action au niveau intercommunal ». Ce que d’ailleurs les acteurs attendent. Même si la loi l’a déjà instauré, leur coordination et leurs moyens de collaboration au niveau des bassins de vie et d’emploi doivent être renforcés.

Quelques recommandations de la Cour

La Cour formule 13 recommandations pour faire entrer davantage de ménages défavorisés dans des logements sociaux sans les concentrer tous dans les mêmes quartiers. La Cour incite à « baisser les plafonds de ressources en zone tendue et de façon différenciée selon la situation des territoires et la nécessité de promouvoir la mixité sociale » à « renforcer l’articulation entre les objectifs de construction de logements sociaux affichés à l’appui de la loi de finances et les objectifs d’accueil en logement d’insertion incluant l’accompagnement social, dans une approche globale des publics défavorisés » et « à augmenter la part des publics les plus modestes dans les logements sociaux situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville, en combinant incitation à la mobilité, politique des loyers et procédures d’attribution ».

Toujours dans la même optique, pour favoriser la rotation la Cour recommande d’inciter les bailleurs à l’améliorer en y consacrant une part de la mutualisation des ressources entre organismes HLM ; à « faire du supplément de loyer de solidarité un instrument de mobilité, en abaissant son seuil de déclenchement, en limitant les exemptions et en affichant clairement le niveau de ressources pour lequel le coût global du logement social atteint le niveau du marché » et à « introduire dans les zones tendues des baux à durée limitée, en subordonnant leur renouvellement à un réexamen de la situation des ménages ».

Pour plus d’égalité dans l’effort consenti par les locataires la Cour recommande d’appliquer le plafond de ressources Prêt Locatif Aidé d’Intégration (PLAI) aux logements dont le loyer effectif est inférieur au loyer maximum de cette catégorie, quel que soit le financement d’origine du logement. Enfin pour ne pas construire sans réelle efficacité la Cour recommande de « fixer l’objectif de construction neuve à partir d’une approche territorialisée des besoins » et d’ « accentuer le ciblage de l’effort de production, en réduisant fortement la production de PLS (Prêt locatif social) et en se concentrant davantage sur les zones tendues et les logements PLAI ».

Enfin la Cour propose aussi des recommandations pour améliorer la transparence des attributions comme celle de « rendre obligatoire la formalisation et la publication des critères de sélection et d’attribution par les bailleurs »


(1) www.ccomptes.fr/fr/publications/le-logement-social-face-au-defi-de-lacces-des-publics-modestes-et-defavorises


(2) Soit dont les ressources sont inférieures à 500 euros par mois par unité de consommation,


(3) Conclusion générale du Rapport p 141


(4) Rapport p 141. Sachant que pour compléter « la durée médiane d’occupation des logements du parc social est de neuf ans – et même de douze ans en Île-de-France – contre quatre ans dans le parc locatif privé ».

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