Print this page

Où va le logement social ?

Par André Yché, Président du directoire du groupe Société Nationale Immobilière (SNI)

L’annonce d’une réduction de 1.5 Md€ de l’enveloppe de 8 Md€ affectée aux locataires du secteur HLM, surcompensée par une baisse concomitante des loyers, a plongé le monde du logement social dans la tourmente : les dirigeants des organismes d’abord, mais aussi les élus locaux, souvent présidents d’offices, ainsi que les associations de locataires, inquiètes de l’impact de la mesure sur la maintenance des immeubles ainsi que sur le rythme de construction de nouveaux logements.

En réalité, l’impact potentiel de la mesure est double : elle conduit « dans le rouge » l’exploitation courante d’une centaine d’organismes, par diminution des produits locatifs collectés ; elle opère un prélèvement de l’ordre de 70 % sur l’autofinancement du secteur, c’est-à-dire sur les fonds propres indispensables à l’équilibre des opérations, puisque les loyers sociaux ne permettent pas de financer par la dette plus de 75 % du coût total des constructions nouvelles. Dès lors, c’est le potentiel de développement du secteur HLM ainsi que le plan de charge du BTP qui se trouvent menacés.

Finalement, il est quasiment acquis que le projet du gouvernement sera aménagé pour étaler sur trois années la réforme des APL, mais l’économie budgétaire de 1.5 Md€ sera maintenue dans la LFI pour 2018, de telle sorte qu’en dépit d’une redistribution des efforts entre bailleurs au détriment des plus « riches », l’impact macroéconomique du projet demeurera inchangé. Les mesures d’accompagnement de la réforme devront donc répondre à deux types de préoccupations : préserver la construction et restaurer les équilibres d’exploitation.

S’agissant tout d’abord du potentiel de production à préserver, dont l’enjeu est de l’ordre de 100 000 mises en chantiers annuelles sur un total national de 400 000, la solution a été apportée très tôt sous la forme de prêts dits de « haut de bilan », à amortissement différé, qui sont assimilables à des « quasi-fonds propres », proches d’un instrument financier bien connu, les « titres subordonnés à durée indéterminée ».

L’enveloppe de 6 Md € prévue par le gouvernement devrait compenser exactement les pertes d’autofinancement, sous réserve que les bailleurs disposent de l’ingénierie nécessaire pour les utiliser correctement.

Quant à l’exploitation, son redressement implique une évolution structurelle du secteur, qui prendra quelques années : qu’il s’agisse d’achever la constitution de groupes d’ESH ou de déployer un dispositif de plateformes régionales, dédiées au financement et à la gestion administrative, y compris des marchés de travaux, mais conservant pour les bailleurs la responsabilité de la gestion de proximité, c’est bien de la concentration de ce secteur fortement capitalistique que proviendront les gains de productivité.

Au-delà, il s’agira aussi de mettre enfin en œuvre, après en avoir longtemps parlé, la « nouvelle politique des loyers » prévue par la loi « Egalité et Citoyenneté », fondée sur le taux d’effort et le reste à vivre de chaque locataire.

Avec l’accélération des ventes HLM, c’est-à-dire la rotation des actifs, les nouveaux types de financement prenant en compte, non plus seulement la trésorerie, mais le « haut de bilan » des organismes, le recours accru au financement privé pour le logement intermédiaire institutionnel et, probablement, pour certains logements sociaux du type « PLS », ainsi que la gestion « sur-mesure » des locataires, il est évident que les HLM amorcent une évolution rapide vers un statut de « foncière d’intérêt public », concrétisant ainsi l’idée selon laquelle l’Etat Providence doit reposer sur des mécanismes favorisant l’accès au marché, au moins autant que sur la production d’une offre spécifique par le secteur protégé. 


Groupe SNI – Société Nationale Immobilière - 100-104 avenue de France – 75646 Paris Cedex 13


Tel : 01-55-03-30-00 Fax : 01 55 03 30 46 - www.groupesni.fr


André Yché, ancien pilote militaire diplômé de l’Ecole de l’Air et de l’US Air Force Academy de Colorado Springs, est contrôleur général des armées. Licencié en droit et en administration publique, il est diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises et lauréat de l’IEP de Paris.
Délégué aux restructurations du ministère de la Défense, puis Secrétaire général pour les Affaires régionales d’Aquitaine, il a été directeur adjoint du cabinet civil et militaire d’Alain Richard, ministre de la Défense. Il dirige la SNI, filiale de la Caisse des dépôts en charge du logement social, depuis 1999.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Logement : nouvelle donne (2015).

1886 K2_VIEWS