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Loi ALUR : le changement des pratiques locales prend du temps

Un rapport d’information de l’Assemblée publié en octobre 2016 (1) a apporté un premier regard sur l’application de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) deux ans et demi après sa promulgation en mars 2014.

La loi ALUR traite à la fois des rapports locatifs, du fonctionnement des copropriétés, de la lutte contre l’habitat indigne, de la gestion de la demande de logement social et de l’urbanisme. Le rapport évalue certaines des dispositions de la loi relatives aux politiques publiques du logement et à la modernisation des documents d’urbanisme (2).

Cet article traitera ici uniquement de l’évaluation de l’application du Titre III sur la réforme du logement social. Ce titre de la loi ALUR avait pour ambition de rendre plus équitables, transparentes et efficaces les procédures de gestion de la demande de logement social. Pour une meilleure information à l’endroit des demandeurs, par une responsabilisation des intercommunalités et par de nouveaux outils mis à la disposition des organismes HLM.

Il est ressorti des travaux des rapporteurs que si l’application de cette loi qui impliquait une forte mobilisation des acteurs locaux « n’est pas encore complète car le changement des pratiques locales prend du temps. Les progrès sont toutefois indéniables. ».

« L’article 97 de la loi ALUR a procédé à une réforme profonde de la gestion de la demande de logement social, selon deux axes : une simplification des démarches et une meilleure information des demandeurs, d’une part, et une meilleure coordination entre tous les acteurs locaux intervenant dans le traitement des dossiers et l’attribution des logements sociaux, d’autre part. »

Simplification et information

Pour simplifier les démarches, l’article 97 de la loi ALUR ouvrait la possibilité aux demandeurs de déposer leur demande directement en ligne sur le site internet du Système national d’enregistrement (SNE). Cette fonctionnalité est devenue un succès et particulièrement pour les jeunes. « Cette nouvelle modalité de dépôt n’a pas eu de conséquences sur le stock de nouvelles demandes de logement mais a, en revanche, augmenté le nombre de demandes de mutations au sein du parc HLM ». Car c’est une façon de contourner certains bailleurs qui s’y opposeraient selon les associations de locataires. Ainsi, cette nouvelle pratique a permis de réduire « les risques de mauvaises pratiques de guichet » et d’améliorer l’information des demandeurs car « les demandeurs ont ainsi une vision plus claire du parc de logements sociaux existants dans chaque commune et du délai d’attente moyen ».

C’est la généralisation du dossier unique qui s’est heurtée à quelques blocages : car en octobre 2016 « la moitié des bailleurs ne dispose pas des équipement nécessaires à la numérisation ». Pour y remédier « le GIP du SNE a contracté avec un prestataire national chez qui, depuis septembre 2016, tous les bailleurs peuvent envoyer les documents à scanner et à verser dans le SNE ». Pour faire entrer davantage la numérisation dans les pratiques, les auteurs recommandent d’associer davantage les acteurs du secteur, et en premier lieu les associations de locataires, aux décisions sur l’évolution du SNE. Et notamment par la réunion du Comité d’Orientation du SNE. Ce comité est « composé de représentants de l’État, des établissements publics de coopération intercommunale, des bailleurs sociaux, des réservataires de logements et de représentants des associations de locataires. » En octobre 2016, les rapporteurs écrivent : « Or, si ce comité d’orientation a bien été créé par le décret du 29 décembre 2014, il n’a jamais été réuni depuis. »

La décentralisation de la politique du logement

La loi confiait aux EPCI compétents en matière d’habitat un rôle central dans l’organisation de la gestion de la demande de logement social et d’information aux demandeurs. « Cette mission se concrétise dans l’élaboration d’un plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs »6. Tous les plans doivent entre autre contenir : les modalités d’enregistrement ; la répartition territoriale des guichets ; et pour la réception, son délai maximal et ses responsables.

Ce qui a été fructueux pour faire avancer cette réforme fut l’action des clubs créés par le ministère, regroupant des acteurs locaux, pour créer des fiches thématiques utiles. Cela a permis de diffuser des préconisations opérationnelles et des exemples de bonnes pratiques très utiles pour les acteurs locaux. A l’heure de la publication du rapport 72 % des 383 EPCI dotés d’un PLH ont engagé l’élaboration d’un plan partenarial et 126 conférences intercommunales du logement ont été créées avec une nette accélération début 2016. Les rapporteurs soulignent ensuite que la compréhension des dispositifs, leur adaptation à chaque contexte local et la coopération entre les très nombreux acteurs locaux prend du temps. Les députés préviennent donc contre de nouvelles modifications législatives dans ce domaine.

Les rapporteurs notent aussi que les EPCI ne sont pas saisis de nouvelles possibilités de délégation de compétences de l’Etat : mise en œuvre du DALO, procédure de réquisition avec attributaire, gestion de la veille sociale, de l’accueil, de l’hébergement et de l’accompagnement du logement des sans domicile fixe.

La modernisation du logement social

La création de l’Agence Nationale de Contrôle du Logement Social, (ANCOLS), fruit de la fusion l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction (ANPEEC) et la mission Interministérielle d’inspection du logement social (MIILOS) a été réalisée dans de bonnes conditions. Les procédures de contrôle ont été améliorées pour plusieurs raisons et notamment l’instauration d’un principe de collégialité dans les contrôles, d’un droit de réponse des organismes contrôlés, et d’une visibilité accrue de ces contrôles grâce à la publication des rapports sur le site. Enfin, une meilleure maitrise de la suite des contrôles auparavant à la charge du préfet. « L’ANCOLS peut directement mettre en demeure l’organisme contrôlé de procéder à la rectification des irrégularités constatées et assortir cette mise en demeure d’une astreinte. » En ce qui concerne l’activité d’évaluation, elle reste « contestée par une partie du monde HLM ».

Le mouvement de transfert des OPH communaux vers les EPCI compétents en matière d’habitat se passe globalement bien à l’heure de la publication du rapport. Bien que la loi NOTRe et la publication tardive du décret aient retardé les choses. Certaines communes contournent tout de même la loi en essayant surtout en Ile-de-France de transformer leur OPH en SEM. Mais les préfets ont mis en place un contrôle étroit.

Le Fonds de soutien à l’innnovation

Enfin sur les nouvelles compétences accordées aux organismes : la « VEFA » inversée, le développement de l’usufruit locatif social dans le parc existant, la possibilité pour les OPH d’être syndics de copropriété et prestataires de services pour le compte d’un syndicat de copropriété HLM, elles n’ont pas été vraiment utilisées. Pour cette dernière elle n’est pas applicable en octobre 2016. L’alignement de la législation des SEM sur celle des OPH nécessitant deux décrets a été retardé. Le décret définissant les conditions d’agrément des SEM n’ayant été publié qu’en juin 2016 tandis qu’un autre décret relatif à la participation, avec voix délibérative, des représentants des locataires aux conseils d’administration des SEM n’avait toujours pas été publié en octobre 2016.

Par contre les premiers appels à projets du fonds de soutien à l’innovation des bailleurs sociaux sont un succès porté par la Caisse de Garantie du Logement Locatif Social (CGLLS). « Entre le mois de septembre 2014 et le mois de mars 2016, le fonds de soutien à l’innovation (FSI) a financé 138 projets pour un montant total de 7,8 millions d’euros. En 2016, comme en 2015, le budget du FSI est de 7 millions d’euros. » Les projets financés relèvent de trois grandes thématiques : innovations en matière de transition énergétique, d’intervention sur l’amiante, d’habitat participatif ou d’accompagnement des locataires ; actions de modernisation et de professionnalisation des bailleurs sociaux ; appel à projet « 10 000 logements accompagnés ». Les rapporteurs s’interrogent sur la pérennité du financement du programme relatif au logement accompagné qui devrait être à terme porté par le Fonds national des aides à la pierre (FNAP) car le FSI doit se concentrer sur les innovations.

Enfin les rapporteurs concluent cette partie en appelant le gouvernement à clarifier les modalités de la réforme de la gouvernance de la CGLLS pour qu’elle puisse mieux prendre en compte les spécificités des organismes de maitrise d’ouvrage d’insertion. 


1. Le rapport d’information n° 4156, « Avancées de la loi ALUR : le changement des pratiques locales prend du temps » disponible au lien suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4156.asp a été co écrit par les députés Eric Straumann et Audrey Linkenheld. Le mandat de cette dernière s’étant clôt en juin 2017


2. Ses titres III et IV

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