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“Certaines entreprises continuent de s’affranchir du délit d’obsolescence programmée”

Par Laetitia Vasseur, Fondatrice de l’association HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée) et Déléguée Générale

Qui a dit que les parlementaires n’avaient pas de poids sous la Vème République ? Grâce au travail persistant des sénateurs et députés, nous avons pu observer ces dernières années l’ascension d’un nouveau problème public : celui de l’obsolescence programmée. Notion inconnue ou méprisée il y a encore 5 ans, elle a connu une ascension fulgurante. Elle désigne les stratégies visant le renouvellement des produits de manière accélérée, pour en renouveler l’achat. Imaginée dans les années 30, développée dans les années 90, reconnue comme délit en 2015, l’obsolescence programmée constitue un objet politique particulier.

L’obsolescence programmée était peu interrogée jusqu’alors, tant elle représentait une solution parfaite au renouvellement infinie de la croissance. Cependant, on ignorait encore l’importance des conséquences environnementales de l’accroissement des déchets issues de la consommation de masse et l’empreinte écologique indélébile du sur-productivisme. Ainsi, si les parlementaires ont décidé de s’emparer du problème dès 2013, avec une première proposition de loi et un débat parlementaire inédit, ce n’est pas seulement parce que le phénomène porte atteinte au pouvoir d’achat de leurs électeurs. Les progrès majeurs sont apparus en 2015 à l’occasion de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. A l’occasion des débats parlementaires, les amendements proposant de sanctionner l’obsolescence programmée en la définissant juridiquement, ont finalement été approuvés par la Ministre en charge, Ségolène Royal.

Cette définition inédite en Europe n’a pas tardé à rencontrer des répercussions concrètes. En l’espace de deux ans, la notion s’est largement démocratisée grâce au travail de sensibilisation des associations et des médias. Un mouvement citoyen de fond est désormais lancé sur la base de revendications pour une consommation saine et durable, des produits plus robustes, modulaires et réparables. La demande des consommateurs, alliée aux signaux législatifs, ont été entendus et compris par des acteurs économiques, qui multiplient les initiatives visant la transition de leurs modèles économiques, l’amélioration de la compétitivité hors prix, la réputation, la satisfaction client, l’éco-conception, le réemploi ou l’économie de fonctionnalité. Les avancées législatives en faveur de l’allongement de la durée de vie des produits a également inspiré le Parlement européen, qui a voté en juillet 2017, à une large majorité, le premier rapport recommandant une série de propositions pour garantir aux consommateurs des produits plus durables et réparables.

Toutefois, certaines entreprises continuent de s’affranchir du fameux délit d’obsolescence programmée. C’est sans compter sur le travail des associations et citoyens qui s’organisaient en silence pour recenser et analyser les cas délictueux. En septembre 2015, la première plainte a été déposée par l’association HOP (Halte à l’obsolescence programmée) au tribunal de Nanterre, suite à la parution de son rapport d’enquête « Imprimantes : cas d’école de l’obsolescence programmée ? ». Ainsi les plus grandes marques d’imprimantes et cartouches sont mis, pour la première fois, sur le banc des accusés, donnant lieu à un retentissement international au délit voté dans la loi française, pionnière en la matière. Le problème se situerait au niveau des cartouches, signalées vides (et bloquées) par la machine à cause d’une puce qui comptabiliserait le nombre de pages, alors qu’elles contiendraient encore une quantité d’encre disproportionnée. Sachant que le litre d’encre coûte en moyen 2000 euros, soit plus cher qu’un litre de parfum de luxe, les consommateurs sont particulièrement insatisfaits. De plus la plainte dénonce le problème des tampons absorbeurs : une sorte d’éponge dont la fonction est d’absorber l’excédent d’encre, qui est détecté plein par la machine alors qu’il ne le serait pas et qu’il n’est, par ailleurs, pas du tout conçu pour être changé ou réparé. Tout semble organisé pour limiter la durée de vie de l’appareil et ses consommables en vue de dynamiser les ventes.

Dans l’attente d’une première jurisprudence, nous pouvons nous réjouir de l’impact du travail initié par les parlementaires quant à la prise de conscience de l’enjeu de la durée de vie des produits, qui relayé par une coalition de citoyens et d’entrepreneurs, se traduit par un réel volontarisme en matière d’amélioration des droits des consommateurs, d’économie circulaire et, à terme, d’empreinte écologique. 

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