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La Mercerie : “Le Petit Versailles charentais”

Un mirage, une curiosité architecturale ? On ne sait pas trop quoi penser et dire à la découverte de la « folie Réthoré », ce château inachevé niché au cœur de la campagne charentaise. Fruit de l'imagination de deux frères, Alphonse et Raymond Réthoré au XXème siècle, l'édifice longtemps laissé à l'abandon renaît peu à peu de ses cendres grâce aux efforts et à l'enthousiasme de bénévoles.

Quand notre regard se pose pour la première fois sur le château de La Mercerie, à Magnac-Lavalette-Villars, petit village charentais de moins de 500 habitants, on se frotte les yeux. Nous voilà face à un édifice qui surprend par sa longue façade de style néo-classique qui s'ouvre pour une grande part sur du vide, sans bâti derrière. Quel est donc ce château - Maison noble - dont l'histoire remonte au XVIème siècle et qui se poursuit aujourd'hui encore ? En 1924, les frères Réthoré acquièrent La Mercerie pour la coquette somme de 80 000 francs. Le lot comprend le château, divers bâtiments mais aussi 40 hectares « de bois, prés, vignes et terres labourables ». Alphonse et Raymond agrandiront le domaine jusqu'à posséder près de 370 hectares. Installés en Charente parce qu'en politique il y avait « des places à prendre » avait signalé Edouard Herriot au beau-père des frères Réthoré, Raymond choisit le journalisme avant d'embrasser la carrière politique – il sera longtemps député, d'abord Radical socialiste puis Gaulliste (il est battu en 1978 par le maire d'Angoulême, Jean-Michel Boucheron) -, et Alphonse, médecine… mais pas longtemps, il se rêve architecte. Un rêve qui prend forme au début des années 30 quand les deux frères, passionnés d'art, se lancent dans ce qui sera l'entreprise de leur vie, l'agrandissement et l'embellissement de La Mercerie avec l'idée d'en faire un château-musée. Autodidacte, Alphonse dresse les plans qui mélangent les styles baroque, néo-classique, empire, Renaissance, dirige les très nombreux ouvriers locaux formés sur le tard. Les frères Réthoré voient grand et beau. Ils en appellent même à un peintre et à un sculpteur italiens. Le chantier bat son plein. En parallèle, pour meubler La Mercerie, Raymond achète sans discontinuer, en France et à l'étranger, peintures, sculptures, objets, livres. L'une des curiosités de ce château-musée, sans équivalent en France, est la très riche collection d'Azzulejos (32 panneaux). Mais dans les années 70, l'argent vient à manquer. Le chantier est définitivement arrêté en 1975. Et le château reste inachevé. Alphonse meurt en 1983, Raymond en 1986 (ils reposent tous deux dans un pilier du château). Suit une longue et complexe succession. Raymond qui aurait voulu céder La Mercerie à l'Assemblée nationale puis à la ville d'Angoulême s'est à chaque fois vu opposer une fin de non-recevoir. Le château passe entre différentes mains. Pour payer la succession et rembourser les dettes, les œuvres d'art amassées par les Réthoré sont vendues aux enchères. Après diverses péripéties, La Mercerie, à l'abandon, finit par échoir à la Foncière Volta qui signe en 2011 avec Didier Jobit, maire de Magnac-Lavalette-Villars un bail emphytéotique de 75 ans. L'édile qui voit dans le château « l'atout majeur de la commune » veut qu'il « revive ». Il se démène alors et lance des travaux de sauvegarde. Des bénévoles nombreux et enthousiastes, avec le soutien de PME et de collectivités locales, l'accompagnent dans cette belle entreprise de résurrection. Les projets culturels et touristiques ne manquent pas. Le château, inscrit à l'inventaire des monuments historiques en 2012 est ouvert aux visites. Cahin-caha, une nouvelle ère s'ouvre. Mais une question reste pourtant en suspens. Faut-il achever l'oeuvre des frères Réthoré ou la laisser en l'état ?

A chacun, sa réponse. 


Pour aller plus loin : www.chateaudelamercerie.fr


« La Mercerie, une folie charentaise » de Thierry Groensteen (2013) - Les Impressions nouvelles


160 pages

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