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Robustesse ferroviaire : peut mieux faire !

Par Yves Crozet, Professeur à l'Université de Lyon (IEP), Laboratoire Aménagement Economie Transports

Le 29 juin dernier, la SNCF présentait un bilan flatteur de ses activités au premier semestre 2017 : progression sensible des trafics TGV (+8 %) et TER (+4 %) par rapport à la même période de 2016. Trois jours plus tard, étaient lancés les premiers services sur deux nouvelles LGV (SEA vers Bordeaux et BPL vers la Bretagne et les Pays de Loire). Les médias rivalisaient d'optimisme sur les retombées de la grande vitesse. La gare Montparnasse se trouvait au cœur d'une nouvelle dynamique ferroviaire. Mais l'euphorie fut de courte durée. Le 30 juillet, un défaut de signalisation obligeait à interrompre totalement le trafic dans cette gare. Les équipes techniques eurent beaucoup de mal à identifier puis à réparer la panne et le retour à la normale s'étala sur plusieurs jours. Au point que les interrogations sur les capacités de l'opérateur ferroviaire à remplir ses missions ont très vite supplanté dans les médias les odes à la grande vitesse.

Ce changement de pied médiatique fut d'autant plus aisé que la question de la robustesse ferroviaire était arrivée sur le devant de la scène le 7 juillet 2017 avec la publication d'un rapport (1) demandé à un groupe d'experts par les dirigeants de la SNCF. Ces derniers cherchaient à répondre aux récriminations des présidents de Région, en charge des TER, et aux constats de l'Autorité pour la Qualité des Services de Transport (AQST). Car le bug de la gare Montparnasse n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Après l'accident de Brétigny (2012) et celui de la rame d'essai du TGV-Est (2015) c'est un dysfonctionnement de plus pour une entreprise dont les services ont perdu en fiabilité. Ainsi au second trimestre 2017, près de 19 % des TGV étaient en retard à l'arrivée et leur retard moyen dépassait 40 minutes.

Si nous nous référons au rapport sur la robustesse, qui la définit comme « la capacité effective à réaliser les services promis aux clients », il y a bel et bien un problème et sa lecture révèle quelques surprises. Il rappelle d'abord que la SNCF promet des choses qu'elle sait ne pas pouvoir tenir notamment du fait d'un manque de communications entre les services. Comme pour renforcer ce diagnostic de fonctionnement en silos, les experts ont été surpris de constater que de multiples plans d'action avaient déjà été lancés, ils en mentionnent 13, pour améliorer la qualité de service, des TER ou des TGV entre autres. Mais qui trop embrasse mal étreint. Sans aller jusqu'à parler de crise, ils constatent certaines insuffisances, notamment sur le manque d'approche systémique capable de gérer efficacement les dimensions techniques, opérationnelles et managériales de la production de services ferroviaires. Un peu comme si la direction de la SNCF, fascinée par les impératifs de la révolution digitale et absorbée par le lobbying auprès des ministres, avait peu à peu perdu de vue les compétences de son cœur de métier. Comme la première recommandation des experts est de donner à « SNCF Réseau la responsabilité du pilotage, dans son ensemble, de l'exploitation du réseau », il est légitime de s'interroger sur la réforme ferroviaire de 2014. Elle avait été présentée comme un moyen sûr de réduire les coûts de transaction internes au monopole ferroviaire. Manifestement, nous sommes loin du compte… 


(1) A la reconquête de la robustesse des services ferroviaires, Rapport établi par le Comité international d'experts ferroviaires composé de Jacques DAMAS, Noël DE SAINT-PULGENT, Bruno GAZEAU, Vince LUCAS, Yves PUTALLAZ, Yves RAMETTE, Alain THAUVETTE, 40 p. http://medias.sncf.com/sncfcom/open-data/rapport-securite/20170713_A-la-reconquete-de-la-robustesse-des-services-ferroviaires.pdf

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