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SpaceResources.lu initiative : “L'exploration et l'utilisation des ressources spatiales ne relèvent pas de la science-fiction”

Entretien avec Étienne Schneider, Vice-Premier ministre, ministre de l'Économie du Grand Duché du Luxembourg

Pourquoi cette loi, Pourquoi maintenant ?

Le cadre légal que nous venons de mettre en place est un des piliers de la stratégie générale sur laquelle repose l'initiative gouvernementale SpaceResources.lu lancée en février 2016 et qui vise à développer au Grand-Duché le secteur de l'exploration et de l'utilisation des ressources spatiales. Nous sommes le premier pays en Europe à offrir une législation entérinant au profit des entreprises établies au Luxembourg le principe selon lequel les ressources de l'espace sont sujettes à l'appropriation et règlementant également l'agrément et la surveillance des missions d'exploration et d'utilisation des ressources spatiales. Mon pays confirme ainsi sa position comme pôle et leader européens dans ce secteur à fort potentiel de développement. Pour y arriver, le Luxembourg peut s'appuyer sur sa longue expérience et son rôle pionnier dans le domaine de l'opération commerciale de satellites, notamment avec la création au Luxembourg il y a 35 ans du leader mondial SES. Avec SpaceResources.lu, le Grand-Duché souhaite réitérer cette « success story made in Luxembourg ».

Moyennant l'initiative SpaceResources.lu, il s'agit de créer un écosystème attrayant qui facilite l'établissement d'entreprises originaires de partout dans le monde au Luxembourg en leur proposant un environnement propice qui ne se limite pas seulement à un cadre légal conférant aux opérateurs privés des assurances quant à la propriété des ressources qu'ils extraient dans l'espace. En cofinançant par exemple la recherche spatiale et le développement de telles capacités technologiques au Grand-Duché, d'autres domaines de pointe comme les matériaux innovants, l'intelligence artificielle ou la robotisation en profiteront.

Plusieurs pays sont inquiets de votre initiative redoutant une mainmise sur les ressources spatiales, patrimoine commun de l'Humanité. Que leur répondez-vous ?

Notre loi se base sur les résultats d'une étude portant sur les aspects juridiques et réglementaires de l'utilisation des ressources spatiales réalisée par l'Université du Luxembourg sous la direction du Prof. Dr. Mahulena Hofmann, en coopération avec des experts juridiques de renom spécialisés dans les législations et politiques spatiales internationales, comme les Prof. Dr. Frans von der Dunk, Fabio Tronchetti et André Prüm. Notre cadre juridique est en parfaite conformité avec le Traité sur l'espace de 1967. Notre loi ne suggère pas d'établir ni de sous-entendre une souveraineté sur un territoire ou un corps céleste.

De plus, je tiens à souligner qu'en parallèle aux avancées réalisées au niveau national avec l'initiative SpaceResources.lu, le Luxembourg continue de promouvoir la coopération internationale en faveur d'un plan de gouvernance future et de l'adoption d'un texte supranational sur l'utilisation des ressources de l'espace. Les enjeux sont mondiaux et de plus en plus de pays montrent un intérêt concret pour collaborer. Le Luxembourg a déjà signé des accords de collaboration avec l'Agence spatiale européenne et le Portugal. Des collaborations avec d'autres pays sont en cours de négociation.

Reste toutefois une dernière question, l'exploitation des ressources spatiales est-elle vraiment réalisable ?

Bien que futuriste, le projet repose sur des bases solides, les prouesses technologiques déjà accomplies en témoignent. Je pense notamment à la sonde Hayabusa de l'Agence Spatiale japonaise revenue sur terre 7 ans après son départ avec des échantillons de poussière d'un astéroïde. La Station spatiale internationale contenait une imprimante 3D dès 2014 pour tester la fabrication de pièces de remplacement en microgravité. L'idée première n'est pas de ramener les ressources sur terre, mais plutôt de les utiliser sur place, pour réapprovisionner des engins spatiaux et créer les conditions nécessaires à la vie dans l'espace.

L'exploration et l'utilisation des ressources spatiales ne relèvent donc pas de la science-fiction. Les technologies nécessaires existent déjà, c'est uniquement leur maturité qui fait encore défaut ce qui fait que le stade de l'exploitation de ces ressources est encore loin, à une dizaine voire une quinzaine d'années au moins. La question n'est donc pas de savoir si l'exploitation de ressources spatiales aura bien lieu, mais plutôt quand elle débutera et à partir de quand elle sera rentable. 


Propos recueillis par A. de Font-Réaulx

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