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La question inquiétante des “Revenants”

“Bien que de nombreux combattants de retour ne deviendront pas des terroristes opérationnels, le simple contact avec des groupes djihadistes se traduit par des risques importants pour la sécurité nationale”. Le rapport du réseau européen Radicalization awareness network (RAN) * remis récemment au Commissaire de l'UE à la Sécurité Julian King est sans concession pour décrire la question des « Revenants ». Il est même inquiétant.

Selon les chiffres du rapport, ce sont plus de 42 000 combattants terroristes étrangers originaires de plus de 120 pays, qui ont rejoint les rangs de l'Etat islamique entre 2011 et 2016, dont « plus de 5000 » sont originaires d'Europe (Danemark, Suède, Royaume-Uni, …). Sur ce nombre total, le rapport estime que 15 à 20 % ont été tués dans des combats, 30 à 35 % sont déjà rentrés et environ 50 % sont encore présents en Syrie ou en Irak. Le rapport souligne encore que ces chiffres dans l'histoire des contingents « de combattants » étrangers en terre djihadistes sont du jamais vu. En Afghanistan on ne comptabilisait « que » 20 000 volontaires étrangers entre 1980 et les années 1990, en Bosnie, près de 2000 djihadistes étrangers (1992-1995), en Tchétchénie, quelques centaines et en Irak dans les années 2000, moins de 5000 étrangers. Rien de bien rassurant, surtout lorsqu'il s'agit de concevoir le retour de ceux qui sont partis. Les services européens estiment qu'entre « 1200 et 3000 retours » en Europe sont à prévoir, « en grande partie des femmes et des enfants » et « avec des antécédents différents ».

Autre raison de s'alarmer, le profil de ces « revenants ». Pour le RAN, ceux qui sont déjà rentrés, essentiellement des « hommes », étaient partis pour « des raisons humanitaires ou pour combattre le régime d'Assad ». Cette génération, « avait tendance, mis à part quelques exceptions notables, à être plus encline à des désillusions » quant à leur expérience sur place, « et dans une certaine mesure à être moins violente et relativement libre de partir du territoire tombé aux mains des terroristes ». Il n'en est rien de « la deuxième et actuelle génération », « plus aguerrie et plus engagée idéologiquement ». « Elle a dû échapper à la surveillance de Daech pour s'échapper et est peut-être revenue avec des motivations violentes : nuire aux citoyens de l'UE ». Selon les magistrats interrogés par RAN, les « nouveaux revenants » sont « plus durs dans leurs croyances » ; ils « ont été formés et ont répété comment agir et répondre aux questions formelles et informelles » des services de police et de renseignement. Le rapport rappelle d'ailleurs que les attentats du 13 novembre 2015, les attaques à Bruxelles en mars 2016 ont été commis par des « revenants ».

Quatre raisons essentiels sont avancées pour expliquer le retour en Europe des djihadistes : « la désillusion et les remords », « pour de meilleurs conditions de vie » sans pour autant être repentis, « l'intention d'effectuer une attaque terroriste en Europe » et la « capture et l'extradition vers l'UE »

En 2016, ce sont 1910 ressortissants français ou résidents en France qui ont été signalés comme appartenant à la mouvance djihadiste. Parmi eux entre 600 et 700 sont encore en Irak et/ou en Syrie (300 ont été tués). 217 adultes sont revenus en France, « dont un peu plus de 20 % de femmes, et 54 mineurs » indique le Ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. Au JDD, le Ministre précisait que ces « 'returnees'font l'objet d'un traitement judiciaire systématique par le procureur de la République de Paris et nombre d'entre eux sont actuellement incarcérés ».

Par traitement judiciaire systématique, il faut comprendre qu'à chaque retour, après une évaluation psychologique, le « revenant » est poursuivi pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Un grand nombre d'entre eux sont incarcérés et particulièrement suivis en prison par le renseignement pénitentiaire et la DGSI. Il en est de même pour ceux remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire. Mais les experts s'accordent à dire que ce sont les cas de retours d'enfants qui sont les plus délicats à traiter. 


*Créé en 2011 par la Commission européenne, ce réseau européen Radicalisation Awareness Network (RAN) a pour objectif de « soutenir les principales organisations d'acteurs locaux impliqués dans la prévention de la radicalisation conduisant au terrorisme et à l'extrémisme violent ».

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