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Le cognac, une filière en bonne santé mais à ne pas négliger

Entretien avec Jean-Bernard de Larquier, président du Bureau National Interprofessionnel du Cognac

Que représente aujourd’hui la filière cognac ?

La filière cognac est une filière productrice d’une eau-de-vie de vin très attachée à son environnement et à son univers de production, le raisin et le terroir. C’est un spiritueux brun d’appellation d’origine contrôlée (AOC) d’une qualité exceptionnelle. C’est tout ce qui fait sa particularité, son authenticité. D’un point de vue économique, la filière cognac s’inscrit aujourd’hui dans une très forte dynamique. Aujourd’hui, le cognac est exporté à 98 % dans 160 pays, et, année après année, nous continuons à battre des records. En 2016, un nouveau cap a été franchi avec plus de 179 millions de bouteilles expédiées et un chiffre d’affaires qui dépasse les 2,7 milliards d’euros.

Comment expliquer cette dynamique ?

Sans doute d’abord par la récurrence des investissements qui ont été faits par nos grands négociants depuis de très nombreuses années sans jamais se démobiliser même lorsque nos marchés étaient en crise. Ensuite, notre première zone : l’Amérique du Nord/ ALENA (Etats-Unis, Mexique, Canada), est aujourd’hui très porteuse.

Amatrice de spiritueux, l’Amérique du nord marque son appétence pour les spiritueux bruns, tels que le cognac et les bourbons. Une dynamique dont nous profitons.

Mais nos bons résultats sont aussi basés sur notre longue histoire - le cognac a plus de 400 ans -, sur la richesse et la diversité de notre produit, mais aussi sur sa qualité exceptionnelle et constante, fruit du travail de ses hommes et de la transmission de leurs savoir-faire au fil des siècles.

Le cognac a l’image d’une production de très haute et belle qualité, nécessitant de d’investir mais surtout de s’investir pour que la filière réponde à ses exigences. Et n’oublions pas le rayonnement offert par l’image de notre produit « made in France ».

Cet aspect joue bien évidemment ; « France » rime avec qualité, savoir-faire, élégance, histoire, et c’est ce que recherchent nos consommateurs à travers le monde. Mais en plus de cela, les amateurs de Cognac sont aussi à la recherche d’une origine, d’un terroir.

Il n’y a de cognac que dans la région délimitée du cognac. Nous sommes un produit sous AOC non délocalisable qui ne peut être produit qu’ici et avec un lien très étroit entre ses viticulteurs, ses négociants et tous ses partenaires. Le consommateur recherche cette garantie d’origine et d’authenticité ; il a envie de partager une expérience unique.

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots le Bureau National Interprofessionnel du Cognac ?

Le BNIC est le lieu de concertation et de décision pour l’ensemble des professionnels de la filière cognac. Composé à parité viticulture et négoce, sa vocation première est la protection de l’AOC cognac, le développement de l’activité, et la représentation de l’intérêt général des 4 600 viticulteurs et 270 négociants composant l’appellation.

Reconnu Organisme de Défense et de Gestion en 2010, le BNIC a la particularité d’assurer le suivi du cahier des charges de l’AOC cognac confortant ainsi sa mission de Protection de l’appellation.

Quels sont aujourd’hui les enjeux et les défis à relever pour la filière et son interprofession ?

Le premier enjeu est sans nul doute de continuer à progresser, à développer nos ventes tout en préservant notre appellation, notre vignoble et la qualité de nos eaux-de-vie. Dans ce contexte, viticulture et négoce partagent de grands défis, et une vision d’avenir matérialisée au travers du Business Plan pour la filière cognac. Analyser le marché mondial, partager la vision et les efforts à fournir sur le dimensionnement de notre vignoble, protéger notre AOC pour assurer de manière sereine notre développement, sont ainsi autant d’éléments qui font partie de notre feuille de route. Ce n’est pas toujours simple…

Vous êtes confrontés à des problèmes de réglementation. Lesquels ?

Nous devons en effet faire face à deux grands défis réglementaires : le premier concerne l’organisation de la production et le second, la protection de l’appellation.

En 2016, est intervenu au niveau de l’Union européenne un grand changement dans la gestion des vignobles européens. Jusque là, il était interdit – par principe - de planter de la vigne sans autorisation – il s’agissait des fameux « droits de plantation ».

Les pays de l’Europe du nord ont souhaité aller vers une libéralisation des plantations. D’un système d’interdiction, nous sommes passés à un système d’autorisation. Dans ce cadre des dispositions particulières sont prévues pour les AOC ou les IGP (les vins de pays) qui sont seules habilitées à restreindre les replantations sur leurs vignobles et ainsi à pleinement maîtriser leur dimensionnement.

Et pour le cognac me direz-vous ? Le cognac est bien sûr une AOC mais seulement quand il devient eau-de-vie – c’est-à-dire après la distillation, alors que son vin que l’on appelle vin « apte à la production de cognac » est considéré comme vin sans indication géographique. Il ne peut donc pas bénéficier de ces dispositions. En découle aujourd’hui une impossibilité à pleinement maîtriser le dimensionnement du vignoble et donc un préjudice pour l’équilibre économique de toute notre filière.

Nous avons là une faille dans le nouveau régime, qu’il est important de corriger. Pour ce faire, nous avons une proposition pour sécuriser le cadre cognac : modifier la réglementation communautaire pour permettre aux vignobles d’eau-de-vie de vin bénéficiant d’une indication géographique d’utiliser les mêmes outils de gestion du potentiel de production que les vignobles bénéficiant d’une AOP ou d’une IGP.

Et pour la protection de l’appellation ?

Le cognac est un produit à haute valeur ajoutée dégageant de la valeur et un produit convoité. Il est donc essentiel pour le BNIC d’assurer le plus haut niveau de protection de l’AOC cognac sur le territoire de l’UE et dans les pays tiers, afin de garantir le développement de la filière et de l’appellation en vue de sa transmission aux générations futures.

N’oublions pas que la bonne santé de l’économie cognac profite par ailleurs à la balance commerciale française. Nos efforts s’inscrivent dans la durée et nous avons besoin que nos élus soient à nos côtés pour soutenir la filière cognac. 

 

Une nécessité de consolider le cadre cognac pour porter et accompagner la vision de développement de la filière
• Le cognac : une AOC au niveau français, une IG au niveau communautaire.
• Une eau-de-vie de vin bénéficiant d’une IG (Règlement Boissons Spiritueuses) et une matière première vin sans indication géographique (Règlement OCM), alors que la totalité des vins distillés doit provenir de raisins récoltés dans l’aire géographique.
• Une filière structurée au travers de son Business Plan pour suivre et favoriser le développement maîtrisé et piloté de la filière cognac sur le long terme, avec une production et des stocks répondant aux besoins et aux perspectives du marché.
• Une impossibilité pour la filière de se prévaloir pleinement des mécanismes de gestion du potentiel de production mis en place dans le cadre de l’OCM (dispositions applicables aux vins bénéficiant d’une AOP ou d’une IGP non applicables aux vins aptes à produire des eaux-de vie de vin bénéficiant d’une IG).
• Un risque pesant aujourd’hui sur la pérennité de la filière cognac avec la possibilité de pouvoir transférer des autorisations de plantations de vigne sur l’ensemble du territoire français, sans restriction possible pour les vins sans indication géographique, mettant en difficulté la gestion du potentiel de production par les professionnels au travers de leur Business Plan.
• Un contournement de la règle avéré nécessitant de prendre les mesures pérennes qui s’imposent au niveau européen et en amont au niveau français en application du principe de subsidiarité.
« Data cognac »
• Une filière non délocalisable : 4600 viticulteurs, 270 négociants et 110 bouilleurs de profession sur un vignoble de plus de 75 000 hectares
• Ancrée sur son territoire : 17 000 emplois directs, 50 000 personnes vivant du produit, des millions d’euros d’investissements
• Une économie performante : 179,1 Millions de bouteilles expédiées et 2,76 Milliards d’euros de chiffre d’affaires départ cognac
• Exportatrice et porteuse d’une image forte d’art de vivre à la française : 98 % à l’export dans plus de 160 pays
• Emblématique de l’excellence française en matière de productions d’origine agricole à très haute valeur ajoutée : première filière exportatrice du secteur des vins et spiritueux français en valeur, soit 20 % du total vins et spiritueux
Données année civile 2016

 

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