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“Ce décret est trop exigu, voire obsolète”

Par Jean-François Drouin, Président du Syndicat National des Brasseurs Indépendants, Délégué Régional Grand Est

Le Syndicat National des Brasseurs Indépendants, créé en juin 2016, a pour objectif la défense de plus de 1000 brasseries indépendantes et artisanales françaises. A l’occasion de la sortie du décret « bière » n°2016-1531 du 15 novembre 2016, notre syndicat tenait à apporter quelques remarques.

L’ancien décret datant de 1992 avait réellement besoin d’être modifié pour s’adapter à la diversité de productions brassicoles actuelles portée par les brasseurs indépendants. L’attente était grande, mais le résultat est bien pâle. La seule avancée réelle est la possibilité d’utiliser maintenant officiellement du miel. Pour le reste, rien de bien nouveau, on est bien loin de transcrire le dynamisme de nos brasseries indépendantes :

• pour ce qui est des épices : elles étaient déjà autorisées (car ce sont des végétaux) dans la catégorie des « bières à… ». Par contre le décret précise que « l’adjonction de ces ingrédients ne doit pas conférer au produit final de manière perceptible les caractéristiques aromatiques typiques de ces ingrédients »… qui et comment va-t-on juger ce critère pour le moins subjectif ?

• une mention « bière de garde » a été créée quand la bière passe au moins 21 jours en garde… mais le législateur a oublié de mentionner la définition de la garde… une fois de plus, qui et comment va-t-on juger ce critère ?

Les brasseurs industriels vont quant à eux y trouver leur compte, car deux modifications du décret vont donner un sérieux coup à nos nobles bières, qui rappelons-le, sont inscrites au patrimoine gastronomique de la France :

• possibilité de colorer des bières… notre produit de grande tradition ne mérite pas d’être coloré par des ingrédients autres que ceux utilisés historiquement, et notamment le malt… autoriserait-on qu’un vin blanc d’Alsace puisse devenir bleu ?

• possibilité d’ajouter des boissons alcoolisées… nous déplorons que le législateur accepte que ce type de produit puisse continuer à s’appeler « bière »… Imaginerions-nous qu’un Château d’Yquem Téquila puisse continuer à porter l’appellation « vin » ?

Ce décret est trop exigu, voire obsolète, et passe sous silence bien des appellations utilisées actuellement par nos brasseurs indépendants partout en France : qu’en est-il des bières blanches (produites avec une grande proportion de blé), des bières vieillies en barrique (tradition ancestrale s’il en est), des vins d’orges (bière fortes et sirupeuses), des milk stout (bières adoucies au lactose)… ?

Le Syndicat National des Brasseurs Indépendants souhaite qu’on rouvre très vite ce dossier afin de libérer la créativité et d’éviter des contraintes liées à une interprétation subjective qui sera différente d’une région à l’autre. Je suis favorable à ce que la profession, via notre syndicat, soit le moteur de l’évolution et de la définition des appellations, et qu’avec l’ensemble des acteurs concernés nous commencions très vite à travailler à l’élaboration d’un code des usages. 

 

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