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Le gouvernement de Donald Trump : des mini-Trump qui lui ressemblent

Par Jean-Eric Branaa, Maître de conférences - Spécialiste des Etats-Unis, Université Paris 2 Panthéon-Assas*

Deux adjectifs s’imposent pour qualifier le gouvernement formé par Donald Trump : conservateur et atypique. L’ossature principale de son premier gouvernement est un ensemble solide dont la direction est très claire lorsqu’on considère la personnalité et la carrière de la plupart de ses sélectionnés : la barre est fermement vers un retour au conservatisme, certainement le plus fort que le pays ait connu depuis ces cinquante dernières années. Une partie de l’électorat se trouve donc rassurée. S’ils sont confirmés par le Sénat, il faudra encore que ces hommes travaillent vite pour apporter un changement très visible dans la direction suivie par le pays : après la colère et la désespérance, il y a maintenant de l’impatience aux Etats-Unis. Et la mission de Donald Trump et de son équipe seront de rassurer et calmer le pays.

La ligne semble donc claire et, au vu de la direction prise, personne n’a été surpris de retrouver Jeff Sessions comme Attorney General, c’est-à-dire en charge de la justice, mais aussi de la police. Le gouverneur de l’Alabama est connu pour être sans concession vis-à-vis de l’immigration et il prône également la tolérance zéro envers les criminels. Le général Flynn a également fait partie des premiers nominés, en charge de la sécurité intérieure. Ce n’est pas non plus un tendre : il est notamment favorable au recours à la torture contre les terroristes, tout comme le nouveau directeur de la CIA, Mike Pompeo. Les tenants de la ligne dure occupent donc des places stratégiques.

Un gouvernement à son image

On note que s’il a pris soin de nommer des figures du Parti républicain, comme Nikki Haley, étoile montante du parti et probable future candidate à la présidentielle, on trouve également dans ce gouvernement Ben Carson, ancien concurrent à la primaire, et Elaine Chao, ex-membre du gouvernement Bush et épouse du leader des Républicains au Sénat. Toutefois, le nouveau président a constitué un Cabinet qui sera aussi à son image : on peut véritablement parler de mini-Trumps, pour la plupart très atypiques à ce niveau de responsabilité. Ainsi, le gouvernement comptera trois généraux : Michael Flynn, James Mattis, surnommé « le chien enragé », qui sont respectivement le nouveau ministre de la Défense et le ministre de la Sécurité intérieure et John Kelly, qui considère que la frontière est une passoire. Plus de dix membres du cabinet sont multimillionnaires, dont trois milliardaires (Betsy DeVos , Wilbur Ross et Todd Ricketts). Homme d’affaires par excellence, Donald Trump a cette conviction que la réussite dans le business peut se décliner dans la sphère publique. Pour le poste de Secrétaire d’Etat, qui est en réalité l’équivalent du ministre des Affaires Etrangères, Donald Trump a finalement choisi un pro-russe en la personne de Rex Tillerson. Le ton est donné.

Des nominations loin du politiquement correct

A ses côtés, au sein du Bureau exécutif du président, il a nommé des femmes et des hommes dont le CV n’est pas toujours reluisant : Monica Crowley, qui est célèbre pour avoir nourri la polémique sur le bulletin de naissance de Barack Obama, Mick Mulvaney, très rigide et très conservateur, qui est notamment contre toute limite pour la dette US, Peter Navarro, un économiste fervent adversaire de la Chine ou Carl Icahn, qui a passé plus de quarante ans à écumer Wall Street en tant qu’actionnaire activiste : c’est d’ailleurs lui qui a inspiré le personnage de l’ignoble Gordon Gekko, joué par Michael Douglas dans le Loup de Wall Street.

Donald Trump ne s’embarrasse pas du politiquement correct : il l’a souvent montré. Rien donc, ne l’a empêché de constituer le gouvernement qu’il souhaitait et il ne s’est pas compliqué la vie avec des questions de parité : il n’y a que trois femmes dans ce gouvernement, mais cela ne lui pose aucun problème. Et pas davantage le fait qu’elles n’occupent que des postes plutôt mineurs. Son administration s’impose comme l’une des plus masculines, des plus âgées et des plus blanches que les Etats-Unis aient connu ces dernières décennies.

Car au final, c’est la loyauté que Donald Trump semble faire primer dans son gouvernement. Ceux l’ayant rejoint bien avant sa victoire de novembre (Reince Priebus, Jeff Sessions, Steven Mnuchin, KellyAnne Conway, etc.) se sont tous trouvés récompensés, mis-à-part les exceptions notables de Chris Christie et Rudolph Giuliani pour qui le risque d’être refusés par le Sénat était trop grand. 


* Vient de publier : “Make America Great Again : l’Amérique de Donald Trump”, éditions Contemporary Bookstore, 2017. Edition papier + édition numérique