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Viticulture et changement climatique

Par Marie-Hélène Fabre, Députée de l’Aude

Les multiples rapports et les conférences qui se sont multipliées sur le thème de la viticulture et son devenir face au changement climatique convergent tous dans le même sens : ses conséquences sur les systèmes naturels ne sont malheureusement plus douteuses.

La vigne n’est bien évidemment pas épargnée. Chacun aura pu constater que les vendanges sont de plus en plus précoces et dans toutes les régions, elles sont avancées de deux à trois semaines par rapport aux années 80.

Au niveau gustatif également, il devient clair que le caractère des vins français lui-même est perturbé, et ils gagnent en alcool ce qu’ils perdent en acidité.

Pour prendre l’exemple du vignoble languedocien, du fait de la chaleur, la vigne transpire davantage, et nécessite beaucoup plus d’eau, alors que les bilans hydriques sont négatifs chaque année en plaine languedocienne depuis l’an 2000. Tout le monde peut déjà déplorer les conséquences sur les rendements ainsi que sur les processus d’élaboration du vin de cette modification du climat.

Cette situation, en tant qu’élus de territoire où la vigne est sinon la principale, du moins une activité primordiale au plan économique, nous oblige.

Il faudra s’interroger sur la pertinence du système des appellations, qui devront sans doute être assouplies dans certaines régions. Le changement climatique peut être ainsi considéré comme l’occasion de rebâtir un projet de terroir et d’appellation, de le revisiter en tenant compte des nouvelles données. Il faudra envisager la possibilité de modifier les limites des aires d’appellation, notamment dans les zones de moyenne altitude, qui offrent une plus grande fraîcheur, plus propice à l’adaptation.

De ce point de vue, le système actuel d’autorisations de plantation doit être questionné. En tant qu’élue de Languedoc-Roussillon, je sais à quel point la sécheresse a fait baisser la capacité de production de la vigne. Nous enregistrons en effet une baisse des récoltes de 40 % à 70 %. Pourra t’on longtemps par exemple continuer à considérer les nouveaux entrants comme prioritaires pour l’attribution de ces autorisations ?

L’encadrement institutionnel devra lui aussi être bouleversé. L’adaptation nécessaire au changement climatique doit s’intéresser à tout ce qui a trait à la gestion du risque. Il faudra faire évoluer la manière d’améliorer le système assuranciel existant : la violence des aléas climatiques – sécheresse, inondation, gel, grêle- qui ont touché l’ensemble des bassins viticoles en 2015 démontrent l’insuffisance des outils existants. Le contrat « socle » mis en place pour permettre aux agriculteurs de souscrire une assurance est peu considéré encore puisque, sur 800 000 hectares de vignes en France, 150 000 hectares seulement ont été assurés. Il sera sans doute inévitable de rendre obligatoire l’adhésion à ce contrat socle du moins pour les aides venant de l’organisation commune de marché (OCM). Il serait opportun de combiner avec un dispositif fiscal favorisant les options de stockage de réserve, afin de mieux compenser la production d’une année par l’autre.

Nous devrons soutenir la recherche, en favorisant plus particulièrement les cépages résistants aux maladies, afin de limiter l’utilisation de pesticides, comme ceux développés au centre INRA de Pech-Rouge (Gruissan, Aude).

Et il faudra évidemment réfléchir aux impacts sur le revenu des viticulteurs, singulièrement du fait d’une baisse des rendements, mais aussi au risque accru d’événements climatiques brutaux. Face à la baisse des revenus, nous devrons proposer de nouvelles solidarités entre vignobles et terroirs, ainsi que de nouvelles perspectives économiques : à ce titre, l’oenotourisme apparait comme une solution prometteuse.

Le changement climatique est une épreuve. Il peut devenir une chance, et peut être mis à profit par la filière pour s’adapter comme elle l’a fait au cours des siècles. Après tout, les viticulteurs sont confrontés aux évolutions du climat depuis des millénaires, et ont développé de ce fait une aptitude à tenir compte de ces phénomènes en s’y adaptant.

Ils sauront, comme ils l’ont toujours fait, relever ce nouveau défi pour continuer à nous offrir pendant longtemps les bienfaits de la vigne. 

 

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