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“Si nous souscrivons à beaucoup de propositions émises, certaines sont cependant entachées de quelques idées reçues”

Par Patrick Hertgen, vice-président de la Fédération Nationale des sapeurs-pompiers de France en charge du secours d’urgence aux personnes

Le rapport de la mission commune d’information du Sénat sur le secours d’urgence aux personnes (SUAP) met en perspective l’évolution des missions des sapeurs-pompiers depuis 20 ans et dresse un portrait globalement fidèle de l’activité des Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Si nous souscrivons à beaucoup des propositions émises, certaines sont cependant entachées de quelques idées reçues sur lesquelles il convient d’éclairer les parlementaires.

La généralisation des plateformes d’appels d’urgence 18 et 15, à laquelle nous souhaitons voir associés les services de police et de gendarmerie pour former des centres d’appels 112 polyvalents, correspond à une demande répétée de notre fédération. Il en est de même de la rationalisation de l’emploi des hélicoptères de service public que nous appelons de tous nos vœux.

En revanche, une idée reçue laisse croire que les SDIS ont été des supplétifs d’une mission de SUAP qui relèverait du ministère de la Santé. En réalité aucun autre acteur n’a jamais été équipé ni organisé pour accomplir cette mission qui a toujours été effectuée – en droit comme en faits – par les sapeurs-pompiers. Ce fut le cas bien avant que les SAMU n’existent et c’est encore le cas aujourd’hui, où plus de 90 % des missions de SUAP sont assurées par les seuls sapeurs-pompiers.

C’est de cette confusion des capacités de chacun que le rapport propose une partition géographique des missions (rural/urbain) irréaliste. Les hôpitaux ne disposent d’aucun autre moyen d’intervention que les SMUR et ne sont pas en capacité de répondre seuls aux missions de SUAP, pas plus à la ville qu’à la campagne. Quant aux ambulanciers privés, ils réalisent des transports sanitaires urgents et non des missions de secours qui nécessitent des effectifs et des équipements plus importants. Une telle sectorisation trouve cependant son sens si elle a pour objectif, comme l’ont indiqué les co-rapporteurs, de prendre appui sur le maillage territorial des sapeurs-pompiers pour renforcer leur réponse médicale et paramédicale, en milieu rural en complémentarité des moyens des SMUR.

Il convient également de rappeler que la vocation première des médecins sapeurs-pompiers consiste à participer à la médicalisation des secours. Aussi, le dispositif des médecins correspondants du SAMU vient parasiter le système par une surenchère de rémunération sans aucun bénéfice opérationnel. Il serait plus efficient de favoriser des coopérations entre SDIS et Agences régionales de Santé (ARS) dans le cadre d’un pilotage interministériel rééquilibré.

Enfin, nous invitons les parlementaires à reconsidérer le principe – qui n’existe dans aucun autre pays développé – selon lequel une « régulation médicale » serait un préalable indispensable à l’engagement raisonné des secours. Les centres 15 ont été créés pour offrir une orientation médicale accessible à toute heure, pas pour devenir les tuteurs de leurs partenaires. Cette logique d’un « état-major sans troupe » relève d’un dogme d’autant plus critiquable que ses défenseurs refusent obstinément tout rapprochement des plateformes d’appels.

Il est donc temps que les SDIS qui ont la charge de la mission de SUAP en assurent également le pilotage – ils disposent pour cela de l’expertise nécessaire – et non comme des prestataires obligés. 

 

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