Lorsque nous l’avions rencontré en 2014 pour faire son portrait*, Laurent Grandguillaume avait eu cette phrase qui peut aujourd’hui paraître prophétique : « les politiques ne sont que des passants ». Laurent Grandguillaume aura été ce passant. C’est par une longue lettre publiée sur son blog en septembre qu’il annonçait son intention de ne pas se représenter en 2017, « après mûre réflexion et après dix années de mandats électifs sans interruption (locaux et nationaux) ». « Je crois qu’il est grand temps de changer l’engagement politique par la preuve. Il doit en effet être conçu comme un engagement au service de l’intérêt général et non plus comme un métier. Faut-il attendre le changement des règles ou s’imposer les règles du changement ? » explique celui qui avait déjà décidé de s’appliquer avant l’heure le principe de non-cumul dans le temps, dont il est un ardent défenseur, lorsqu’il avait refusé, en 2012, de cumuler son mandat national avec une responsabilité locale. « L’ordre des choses installe une forme de glaciation qui empêche le renouvellement des idées, l’audace et la prise de risque. Il faudrait être candidat à tout, partout et tout le temps pour exister. C’est cela aussi le moteur de la défiance » lance-t-il encore.

« J’entends mener mon travail jusqu’au bout du mandat »

On retiendra notamment de son mandat son engagement en faveur des auto entrepreneurs mais aussi le vote à l’unanimité de sa proposition de loi « territoires zéro chômage longue durée ». Un texte élaboré avec l’association ATD Quart-Monde qui permet d’expérimenter, dans quelques zones -sélectionnées, un programme d’insertion original pour chômeurs de longue durée. Le député n’a toutefois pas réussi à trouver un compromis dans le conflit qui oppose taxis et VTC. Mais ce n’est pas parce qu’il ne se représente pas qu’il renonce à aller au bout de son mandat. « J’entends mener mon travail jusqu’au bout du mandat. Aussi je consacrerai mon énergie à terminer ce que j’ai commencé, la simplification pour les entreprises, le travail avec tous les acteurs pour une sortie durable du conflit des taxis et des VTC et je veillerai à l’application de la loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage longue durée » prévient-il.

La politique : « théâtre d’affrontements des apparences »

Un peu amer, celui que l’on disait ministrable, écrit encore qu’il regrette de « ne pas avoir réussi à convaincre [sa] propre famille politique qu’il ne fallait pas supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires mais qu’il fallait juste l’encadrer pour éviter un coût trop important pour les finances publiques ». Autre regret, celui concernant « les fortes tensions, la violence et les fracturations sur la loi travail alors que notre pays a tant besoin de réformer son droit et son modèle social pour prendre en compte les mutations du travail ». Et si finalement, la déception la plus grande n’était pas celle du spectacle donné par la politique qui « est parfois devenue le théâtre d’affrontements des apparences, il devrait redevenir l’espace de construction de ce qui nous est commun » lance-t-il en guise de dernière salve avant changement de cap.

Celui pour qui la politique n’est pas une fin en soi, a décidé à 38 ans de suivre un master 2, à la Sorbonne-Celsa en formation continue, sur le management et les ressources humaines. Pour en faire quoi ? Monter une entreprise, créer une association ? Il ne le sait pas encore ou ne veut pas abattre ses cartes trop vite. ■

* Laurent Grandguillaume, l’entreprenant  – 100 personnalités de demain  – Editions Guide du pouvoir. Portrait à retrouver sur www.leguidedupouvoir.fr

À l’origine de ce livre, une rencontre fortuite entre l’animateur radio-télé Laurent Petitguillaume et le député de Côte d’Or, Laurent Grandguillaume. Une amitié naît, et c’est au cours de leurs conversations que le « petit » prend conscience qu’il ne connaît rien en politique. Il demande alors au « grand » de l’initier… Transcription des conversations entre un râleur bien français et un député atypique (il est en permanence sur le terrain, y compris dans le milieu associatif), ce livre a pour objectif de redonner aux Français le goût de la vie publique.
Les politiques sont-ils tous des pourris ? Quels sont leurs privilèges ? Pourquoi ne tiennent-ils jamais leurs promesses ? Font-ils le poids face aux puissances financières et aux lobbies ? C’est vrai : ça sert à quoi de voter ?
Autant de questions auxquelles cet ouvrage répond, de façon claire et précise. Le tout accompagné de nombreux petits encadrés « info/intox », « le saviez-vous ? » et « Petites citations cocasses ».
Je vote ou pas ? - Albin-Michel  – 150 pages