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Lecture : des difficultés scolaires à corriger

Apprentissage de la lecture à l’école. Après avoir dénoncé une situation « consternante », le rapport parlementaire des députés Genevard (LR, Doubs) et Le Vigoureux (RE, Calvados) fait 35 propositions pour tenter de remonter la pente et de redonner le goût d’apprendre à lire et à écrire aux enfants et aussi et surtout aux enseignants.

Pour les co-rapporteurs l’inquiétude est grande face à une ministre de l’Education nationale empêtrée dans les affaires et qui ne semble pas vraiment prête à s’emparer du sujet. Que va devenir leur rapport s’interrogent finalement les deux députés en conférence de presse. Il y a pourtant urgence tant le constat est sans ambiguïté. Les résultats de test pratiqués à l’occasion de la Journée défense et citoyenneté (JDC) 2022 qui évaluent les Français âgés de 16 à 24 ans sont là pour le rappeler : un jeune sur cinq n’est pas « efficace » en lecture, 11,2 % d’entre eux ont de grandes difficultés de lecture, 4,9 % sont en situation d’illettrisme et 65 % ont des acquis jugés suffisants. Des chiffres sans surprise quand on sait qu’en début de CE1, 47 % des élèves n’atteignent pas le seuil des 50 mots par minute (objectif de fin de CP).

Pourtant des solutions existent. Refusant de tout mettre sur le dos des inégalités sociales sans les nier, les élus pointent surtout la méthode de « lecture globale » (une approche idéo-visuelle, née dans les années 70) qui « a laissé des traces » et qu’il faut absolument proscrire. La méthode syllabique (déchiffrage) dont l’efficacité n’est plus à prouver et qui fait consensus depuis plus de vingt ans devrait être le seule et unique méthode d’apprentissage. Également dans la ligne de mire des députés les manuels scolaires qui sont souvent « anciens, inadaptés, peu ou mal utilisés ». « La plupart des manuels, même récents, y compris ceux qui sont estampillés « méthode syllabique », apparaissent en décalage par rapport à la méthode d’apprentissage la plus efficace » déplore le rapport. Gabriel Attal alors ministre éphémère de l’Education avait promis une politique de labellisation qui devait intervenir d’ici la fin de l’année, « un délai trop court pour être efficace » regrettent pourtant les députés. Ils s’inquiètent aussi de la formation des enseignants. Le rapport cite une note de l’inspection générale de septembre 2022 qui révèle que seuls 34 % des professeurs des écoles pensent être prêts à enseigner à la fin de leur formation, contre 65 % et 85 % dans les autres pays. Sas compter qu’aux yeux des rapporteurs, la lecture ne tient pas le rang qui devrait être le sien dans la formation. Trop « d’enseignements » divers et variés comme « l’éducation à la sécurité routière, à la santé et à la sécurité, au développement durable, à la vie affective et sexuelle, etc ». viennent s’ajouter à la formation alors qu’il faudrait se concentrer sur l’essentiel à savoir apprendre à lire, écrire et compter. Au final, seule 55 % de la formation est consacrée aux savoirs fondamentaux dont la lecture fait partie. En résumé, il faut revoir entièrement la formation des enseignants avec un concours qui serait passé à bac+3 suivi de deux années de formation au cours desquelles il y aurait à effectuer un stage obligatoire en CP.

Autre point, l’accompagnement des élèves en difficulté qu’il faut à tout prix « renforcer » notamment en réorientant « les missions de la réserve citoyenne de l’Education nationale - qui existe depuis 2015 au sein de chaque académie - pour permettre à des volontaires, par exemple des enseignants retraités, de venir, une ou deux heures par semaine, épauler un enseignant dans sa classe et lui offrir la possibilité de se concentrer sur les élèves les plus en difficulté ».

Bien évidemment, si l’on vaut savoir lire et écrire correctement l’usage des écrans doit être sévèrement réduit. « Le numérique perturbe fortement les apprentissages, déplore Annie Genevard. La loi de 2013 sur le numérique éducatif mérite clairement d’être réinterrogée ». Elle suggère de « faire une pause dans les équipements numériques, car ça mobilise des budgets considérables, c’est nuisible à la santé des enfants et aux apprentissages ». Mais la députée reconnaît que sa proposition va en heurter plus d’un, notamment au sein des collectivités qui « ont investi des milliards ». « On leur a dit « Si vous êtes des bons maires, équipez toutes les écoles avec des écrans » et si on leur dit « Vous avez fait des erreurs », imaginez le bouleversement ! Il faut des explorations scientifiques et des décisions politiques courageuses » assume-t-elle.

Enfin, le redoublement de la classe de CP ne doit plus être un tabou. Pourquoi ? Parce que si 98 % des élèves passent en CE1, 15 % ne maîtrisent pas la compréhension des textes à l’oral et 8 % ne lisent pas correctement des nombres entiers. Des difficultés qui ne finiront pas d’empoisonner la vie des élèves tout au long de leur scolarité. Et celle des enseignants avec. 

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