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Union Européenne : Ne pas attendre passivement le référendum britannique

Par Paul Goldschmidt, Membre du Conseil d’orientation de l’Institut Thomas More

Après la dramatisation savamment orchestrée du Sommet européen à propos de l’accord avec le Royaume-Uni, il serait tentant d’éluder toute discussion en attendant le résultat du référendum sous le prétexte qu’il serait inconvenant d’intervenir dans les affaires internes d’un pays membre. C’est le contraire qui s’impose : tandis que le Royaume-Uni s’engage dans une campagne nationale, l’Union européenne (UE) a intérêt à lever les nombreuses ambiguïtés contenues dans l’accord afin d’éclairer l’opinion publique britannique sur l’interprétation qu’en font les autres signataires et lui permettre de décider en connaissance de cause.

Une telle démarche est d’autant plus nécessaire que si l’appartenance à l’UE devait être acquise avec une faible majorité, cela risquerait de prolonger la polémique au Royaume-Uni en même temps que de provoquer d’interminables dissensions au Conseil Européen. Fort heureusement, les dossiers de l’immigration externe vers l’Union (à l’agenda du Conseil du 3 mars) et de l’intégration plus poussée de l’Eurozone (relancée par les pays fondateurs) sont des sujets urgents dont le traitement ne peut être différé. Ils sont susceptibles d’avoir une incidence majeure sur le résultat de la consultation.

En ce qui concerne l’immigration, le problème doit être affronté à 28. Ceci implique une participation pleine et entière du Royaume-Uni – et doit déboucher sur une Politique d’immigration commune (PIC). Il s’agit entre autres de s’accorder sur le renforcement des contrôles des frontières externes de l’UE et sur la manière dont les pays tiers, membres de Schengen, seront associés à cette problématique. L’objectif doit, en effet, être le maintien de la liberté de circulation des personnes, marchandises et capitaux au sein du « marché unique » afin d’éviter la mise en place de contrôles permanents aux frontières intérieures de l’espace Schengen dont le rétablissement signifierait le démembrement de l’UE. Cela suppose de s’accorder rapidement sur l’agencement cohérent des règles régissant la participation à l’UE, à Schengen, à l’Eurozone et au « marché unique ».

Un contrôle efficace des frontières externes de l’Union implique, par définition, que tous les pays membres soient automatiquement qualifiés pour faire partie de Schengen ; sa seule raison d’être devient son extension à des pays non-membres de l’UE. Le maintien du Royaume-Uni hors de Schengen (Protocole N°19) doit donc se limiter à l’autoriser à conserver les contrôles permanents existant à ses propres frontières vis-à-vis de personnes en provenance de la zone Schengen. En aucun cas ce protocole ne peut exonérer le Royaume-Uni de participer au contrôle des frontières extérieures de l’UE (dont les côtes et les aéroports britanniques font partie) ni de son financement partagé dans le cadre de la PIC.

Ce lien nécessaire entre le Royaume-Uni et toute future PIC se doit donc d’être explicité avant le référendum, même s’il renforce les chances de Brexit, car le pire serait un résultat obtenu sur un malentendu délibérément entretenu. Il faut également éviter que le Royaume-Uni n’invoque son exonération de participer à « une Europe toujours plus intégrée » pour se désolidariser de la PIC car son instauration est une condition sine qua non de la pérennité du marché unique qui lui est si chère.

Quant au renforcement de l’intégration de l’Eurozone, il ne pourra pas se faire sur un périmètre plus réduit d’« États volontaires » que celui de ses 19 membres actuels. En effet, pour qu’une coordination efficace des politiques monétaires et économiques puisse s’instaurer, les pays membres d’une autorité politique (à créer) dotée d’attributs de souveraineté économique, fiscale et budgétaire, doivent coïncider avec ceux de la BCE, détentrice de la souveraineté monétaire. Quoique le « Rapport des 5 Présidents » prévoit une mise en œuvre progressive sur 10 ans de l’intégration de l’Eurozone, il serait souhaitable qu’avant le référendum, une « déclaration politique » réaffirme l’obligation pour les pays ne bénéficiant pas d’une dérogation, d’accélérer leur intégration dans l’UEM. L’article. 50 du Traité de Lisbonne permet à ceux qui désirent s’en affranchir de se retirer de l’UE. Cette réaffirmation soulignera l’isolement– à terme – que risque le Royaume-Uni à défaut de rejoindre l’UEM.

Ces clarifications sur l’immigration et l’intégration de l’UEM sont d’autant plus nécessaires que les premières conditionnent les secondes puisqu’un rétablissement du contrôle des frontières nationales impliquerait le démantèlement de l’UEM et, à termes, de l’UE. Dans ce cas, inutile de perdre son temps dans une négociation devenue sans objet avec le Royaume-Uni. Si son maintien dans l’UE est éminemment souhaitable, il ne doit pas être acquis à tout prix ni sur de fausses prémices. L’UE a l’obligation de clarifier sa propre feuille de route pour ne pas tromper l’électeur britannique. elle doit impérativement conserver sa liberté d’action pour rencontrer les aspirations des 500 autres millions de citoyens européens. Elle se rendrait coupable en s’abstenant d’apporter sa contribution au débat public précédant le référendum.