Print this page

“Les agriculteurs demandent de la cohérence dans les obligations qui leurs sont imposées et un équilibre pour assurer leur compétitivité”

Par Anne Sander, Députée européenne, Questeure du Parlement européen

A quelques mois d’une échéance électorale cruciale pour le futur des institutions européennes, la même colère d’une profession déclassée s’est exprimée un peu partout sur le vieux continent. Les agriculteurs demandent de la cohérence dans les obligations qui leurs sont imposées et un équilibre pour assurer leur compétitivité, essentielle pour qu’ils puissent vivre de leur travail.

La pression normative, en Europe et en France, a augmenté de façon exponentielle. À coup de normes, de réglementations, de paperasse, d’administration, de contrôle, de surveillance, on n’a cessé de rendre impossible la vie de ceux qui nous font vivre. Preuve en est, la profession n’attire plus les jeunes. Les obligations se multiplient alors que l’accompagnement et les moyens nécessaires ne suivent pas. Ce n’est pas sérieux. Depuis plusieurs années, une véritable écologie punitive a été mise en place pour contraindre les agriculteurs, alors qu’ils sont des acteurs clés dans la lutte contre le changement climatique.

Ils ont besoin de temps, d’accompagnement et des moyens nécessaires pour parvenir à continuer à produire face aux aléas climatiques, à le faire de manière plus vertueuse. D’autant plus que nous devons continuer à produire et à produire davantage. La question de la souveraineté alimentaire dans tous les esprits après les crises qui ont secoué cette législature.

Ne pas s’occuper du bien-être d’une profession est une chose que les plus cyniques peuvent accepter. Priver tout un continent de ses aliments en est une autre, beaucoup plus grave, criminelle même. C’est pourtant ce qui est en train de se passer. En accablant nos agriculteurs d’injonctions toujours plus délirantes voire contradictoires, nous nous tirons une balle dans le pied. L’UE est le continent le plus vertueux en matière climatique et les agriculteurs ont déjà fait énormément pour amorcer la transition. Arrêtons la surenchère règlementaire car l’agriculture française est déjà fortement fragilisée. Preuve en est, en 2019, la France est devenue déficitaire commercialement dans sa balance agricole, si l’on omet les vins et spiritueux, ce qui veut dire qu’elle importe plus de produits alimentaires qu’elle n’en exporte. Dans les dix dernières années, la France a perdu 100 000 exploitations agricoles !

Si nous continuons à assister à la déconstruction de notre tissu productif agricole en Europe, les consommateurs n’arrêteront pas pour autant de remplir leurs assiettes. Ils se tourneront vers des denrées produites à l’autre bout du monde à moindre coût avec des normes moins disantes. C’est un non-sens économique, écologique et un drame pour les nombreux territoires où l’agriculture est synonyme de richesses.

C’est pourquoi, au sein des LR nous appelons tout d’abord à stopper les nouvelles initiatives qui vont se superposer au millefeuille administratif qui pèse sur le quotidien des producteurs. Mais surtout nous voulons un retour au bon sens et au pragmatisme. Car tous les efforts, pour disposer d’une production plus vertueuse, seront vains si la compétitivité des agriculteurs français et européens n’est pas assurée.

Cette compétitivité passe par un cadre de concurrence loyale.

Au sein du marché européen d’une part, les producteurs doivent être logés à la même enseigne. Les autorités françaises doivent ainsi cesser de surtransposer les normes européennes. Cette volonté de laver plus vert que vert s’avère bien souvent mortifère pour les agriculteurs français qui se trouvent par exemple privés de molécules utilisées parfois à quelques kilomètres dans des Etats voisins. Le contournement de la loi Egalim doit également être résolu, et pour cela, il faudra se remettre à l’ouvrage la directive sur les pratiques commerciales déloyales.

D’autre part, les agriculteurs ont besoin de cohérence en matière de politique commerciale celle-ci devant respecter nos engagements environnementaux. Il ne s’agit pas de ne plus produire ici pour importer d’ailleurs. Importer des produits qui ne respectent pas les standards qu’on impose aux agriculteurs européens n’est pas acceptable, aussi bien en termes de cohérence que de justice pour les producteurs !

Cette compétitivité, elle passe aussi par un cadre propice à l’innovation.

Les politiques publiques doivent permettre d’investir massivement dans l’agriculture de demain, via l’agriculture de précisions, la robotique et les drones. Tous ces outils représentent l’avenir. Les entreprises qui développent ces solutions, font parfois face à des barrages juridico-administratifs qu’il faut lever de toute urgence. C’est le cas des drones par exemple. Nous en avons également un autre exemple actuellement en discussion dans les rouages des institutions européennes, à savoir le développement des nouvelles techniques génomiques. Ces nouvelles techniques sont aujourd’hui bloquées faute de règlementation adéquate au niveau européen. Nous tentons en ce moment même de répondre à ce besoin, afin que les entreprises puissent enfin s’emparer du sujet, et développer des solutions que les agriculteurs pourront actionner demain pour utiliser moins d’eau, moins d’intrants, produire plus et de façon toujours plus vertueuse.

Enfin, les consommateurs doivent aussi disposer des clés de compréhension pour défendre les denrées qu’ils veulent dans leur assiette. Cela passe par l’éducation, par exemple en dépoussiérant des programmes peu usités comme celui des fruits, légumes et produits laitiers à l’école. Cela passe aussi par l’information et permettre aux consommateurs de pouvoir, s’ils le souhaitent, favoriser des produits issus d’exploitations proches de chez eux.

Il faut donc cesser d’accabler les producteurs européens, et leur assurer un cadre de concurrence loyale qui leur permettra d’être compétitifs et de vivre dignement de leur travail. La cohérence doit donc être le maître mot, sans cela, la transition environnementale n’a que peu de sens. 

373 K2_VIEWS