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Bientôt des méga camions en France ?

La directive européenne qui pourrait permettre aux méga camions de rouler sur les routes françaises a été adoptée mi-mars.

Cette directive européenne relative aux poids et dimensions du transport routier revient à autoriser la circulation de « méga-camions » sur les routes françaises. Avant d’être votée par le Parlement européen, la commission des Transports du Parlement européen l’avait déjà adoptée en février dernier malgré de nombreuses réticences et interrogations, notamment des élus français. Elle a pourtant été adoptée le 12 mars dernier avec 330 voix pour et 207 contre. « Le vote d’aujourd’hui va à l’encontre des objectifs fixés par le Green Deal de décarbonation des transports » a regretté à l’issue du scrutin la députée européenne écologiste Karima Delli, présidente de la commission Transports.

La directive, si elle était confirmée ouvrirait alors les routes françaises à des poids lourds pouvant mesurer jusqu’à 25 mètres et peser 60 tonnes. Aujourd’hui ne sont autorisés à rouler en France que des camions ne mesurant pas plus de 18,75 mètres et pesant plus de 40 tonnes. Chaque Etat membre a encore le droit de fixer ces propres normes. Et un accord bilatéral est nécessaire pour permettre à d’autres camions de rouler dans un autre pays si les seuils fixés au niveau communautaire sont dépassés (18,75 mètres et 40 tonnes).

Pour justifier cette évolution et en passant déjà de 40 à 44 tonnes, le Parlement européen s’abrite derrière la volonté de décarboner le transport routier sous prétexte de vouloir prendre en compte le poids des batteries électriques. L’idée est aussi de permettre d’embarquer plus de marchandises (entre 50 et 75 % de marchandises supplémentaires) avec moins de camions en circulation (économie de carburant et réduction d’émissions de CO2). Un argument « vert » vivement contesté par la députée européenne Karima Delli : « Les camions électriques, aujourd’hui, on ne les a pas. Cela va juste ouvrir la boîte de Pandore pour les camions au diesel » déplore l’élue. « Cette augmentation de 4 tonnes profitera également aux véhicules diesel jusqu’en 2035 » dénonce Karima Delli qui redoute que cela ne soit qu’un début. La députée pointe également l’autorisation donnée par la directive à leur circulation transfrontalière sans accord bilatéral si le pays voisin les autorise pour le trafic domestique. Le risque serait alors de voir rouler sur nos routes ces méga camions comme c’est déjà le cas dans les pays scandinaves (Suède, Finlande, Pays-Bas) mais aussi en Allemagne, Belgique... Avec une telle circulation apparaîtraient « des problèmes de sécurité routière, avec une distance de freinage plus longue - ce qui pourrait augmenter les risques d’accidents routiers de 80 %, ce qui est énorme -, des problèmes de circulation, des problèmes avec les infrastructures qui ne seraient pas adaptées, sans compter le surcoût lié à l’usure plus importante des routes » fait remarquer Karima Delli. « Il faudra tout refaire sur les premiers et les derniers kilomètres : les barrières, les tunnels, les ronds-points, les passages à niveau ». Cela implique « un coût supplémentaire pour chacun d’entre nous » qu’elle estime « gigantesque ». Enfin, l’impact sur le fret ferroviaire interroge. « Cela pourrait menacer le développement du transport combiné, qui est évidemment le moyen de mettre des camions jusqu’à 40 tonnes sur des wagons, ça va avoir un impact très fort » déplore Raphaël Doutrebente, alliance 4F Fret Ferroviaire Français du Futur. « Les effets potentiels de la nouvelle directive se chiffreraient à près de 10,5 millions de trajets routiers et 6,6 millions de tonnes de CO2 en plus, notamment en raison d’un report modal massif du rail ou de la voie d’eau vers la route » dénonce une tribune de Libération signée par de nombreux élus opposés à la directive dont l’ancien ministre des transports Clément Beaune.

La députée Karima Delli recommande à la France de « dire clairement qu’elle n’en veut pas ». « Notre pays est entouré de pays qui autorisent [les méga-camions] et qui vont faire pression pour que nous les autorisions également. Nous devons être clairs sur la question ». Une positon qui semble partagée par le gouvernement qui par la voix de son ministre des transports Patrice Vergriete a déclaré sur X : « La France redit son refus d’une libéralisation de la circulation internationale des camions de 44 tonnes et des « mégatrucks ». Aujourd’hui la priorité est le report modal, en particulier vers le ferroviaire ».

Il appartient désormais aux Etats membres d’ouvrir des négociations. Le Conseil européen donnera sa position en juin. La prochaine assemblée issue des élections de juin statuera ensuite définitivement. 

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