Print this page

De la difficulté d’être mère quand on est maire

La maire de Poitiers qui attend un heureux événement va s’absenter pendant deux mois. Mais son congé maternité ne sera pas indemnisé. Rien en effet dans la loi ne permet d’indemniser un congé maternité ou paternité pour un élu qui exerce à plein temps. Une incongruité juridique qui devrait être corrigée dans un prochain texte de loi.

Sitôt bébé né, sitôt au boulot. On se souvient de l’ex-ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy, Rachida Dati, aujourd’hui ministre de la culture d’Emmanuel Macron qui au lendemain de son accouchement remontait quatre à quatre les marches du palais de l’Elysée pour assister au conseil des ministres. Une bravade qui au fond n’est sans doute pas l’exemple à suivre pour des élu(e)s qui ont le souhait de pouvoir exercer pleinement leurs droits au congé maternité ou paternité. Ce que la loi ne prévoit pas pour la maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy qui, enceinte, a annoncé s’absenter de son fauteuil de maire du 15 mars au 15 mai, soit huit semaines, la durée minimale imposée par la loi. Si rien ne lui interdit de s’absenter, elle ne pourra cependant pas être indemnisée à ce titre. Rien dans la loi ne permet en effet d’indemniser les élu(e)s prenant un congé maternité (ou paternité) qui exercent à plein temps, leur activité de maire. Cela aurait été différent, si elle avait conservé un emploi dans le privé, en parallèle de ses activités d’élue. L’édile de Poitiers a alors dénoncé dans le journal local une « insécurité juridique » qui concerne aussi bien la paternité que l’adoption. En 2021 déjà, le maire de Laval Florian Bercault avait été confronté au même problème à la naissance de son premier enfant et alors qu’il avait pris un congé paternité.

Devant cet imbroglio juridique, Léonore Moncond’huy a souhaité adresser un courrier à la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, Dominique Faure dans lequel elle demande que soit soutenu « le droit au congé maternité et au maintien du niveau de revenu pour l’ensemble des élus et élues exerçant un mandat à temps plein ».

Interrogé sur le sujet, le président de l’Association des maires de France (AMF), David Lisnard (LR) dénonçant une « situation scandaleuse » s’est dit partisan de « faire changer la loi ». « Il s’agit simplement qu’une femme maire lorsqu’elle est enceinte, garde son indemnité d’élue, d’autant plus qu’elle garde la responsabilité pénale et civile de son mandat » a déclaré le maire de Cannes.

La maire de Nantes, Johanna Rolland (PS) a tenu elle aussi à apporter son soutien à sa collègue de Poitiers dénonçant au passage « des règles héritées d’une époque où la majeure partie des maires étaient des hommes ». Cela créé « une situation d’inégalité totale entre les hommes et les femmes », constituant « un frein à l’engagement politique » alors que « seulement 20 % des maires sont des femmes » a-t-elle encore déclaré aux micros de franceinfo.

Ce débat intervient alors que se pose de plus en plus la question des conditions d’exercice des maires. Une proposition de loi co-signée par 308 sénateurs (sur 348) « portant création d’un statut de l’élu local » devait être débattue le 5 mars. La co-rapporteure Françoise Gatel, sénatrice UDI d’Ille-et-Vilaine rappelle que « la société a beaucoup bougé et la loi a vocation à s’adapter » regrettant notamment que le droit du travail aujourd’hui « ne prévoit rien » en la matière. Or justement, le rapport d’information sénatorial de la Délégation aux collectivités territoriales, présidée par Françoise Gatel, prévoit de « permettre la poursuite de l’exercice du mandat pendant le congé maternité/paternité des élus, sauf avis contraire du praticien en cas de congés maternité et reconnaitre donc la légalité du cumul des indemnités de fonction avec les indemnités journalières versées aux femmes enceintes élues ».

La sénatrice tient aussi à souligner combien « il y a un vrai sujet de sécuriser l’engagement et la démocratie ». « En 2020, 106 communes de France n’avaient pas de candidats aux élections, 345 communes n’avaient pas de conseil municipal complet » pointe-t-elle soucieuse. « Le cas [de la maire de Poitiers] illustre un sujet de société, une femme doit pouvoir exercer son congé maternité. Les élus ne doivent pas être au-dessus des lois, mais doivent bénéficier d’un certain nombre de droits » a -t-elle insisté.

Une proposition de loi du même ordre, également transpartisane et portée par le député communiste Sébastien Jumel et sa collègue macroniste, Violette Spillebout est en réflexion à l’Assemblée. Le statut de l’élu est également au cœur des préoccupations du gouvernement de Gabriel Attal qui, sans parler de projet de loi, a dit vouloir s’appuyer sur les travaux parlementaires en cours. 

405 K2_VIEWS