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Les ruraux en mal de soins

La dernière étude Santé de l’association des maires ruraux de France (AMRF) montre que les ruraux sont de plus en plus éloignés de l’accès aux soins.

“Une question simple mais capitale : les habitants du monde rural ont-ils accès à l’hôpital et aux cliniques comme ceux des villes ? La réponse est clairement non !” s’écrie Gilles Noël, vice-président de l’AMRF en charge de la Santé, président des Maires ruraux de la Nièvre en présentant la dernière étude Santé de l’association sur le recours aux soins hospitaliers. Une étude qui fait suite à d’autres qui ont montré la surmortalité dans le monde rural (avril 2023), et la rareté de l’offre médicale avec l’éloignement des soins de médecine de ville (septembre 2022) avec un seul et unique constat celui d’une toujours plus grande désertification médicale dans les territoires.

En éliminant les effets de structure des populations, l’étude montre que les habitants du rural consomment moins de soins hospitaliers que ceux des villes. A âge et sexe égal, les habitants du rural très peu dense consomment 16 % de soins hospitaliers en moins que la moyenne nationale (-6 % pour les territoires ruraux peu denses ; +2 % dans l’urbain intermédiaire ; +5 % dans l’urbain dense). « Les écarts de consommation de soins hospitaliers se creusent et s’amplifient entre les espaces urbains denses et le milieu rural très peu dense, marquant le signe d’une prise en charge trop tardive » constate tout en le déplorant Gilles Noël. Plus grave encore, selon les soins, la consommation tend à se réduire encore plus. En comparaison aux chiffres de la consommation de soins en milieu urbain dense, l’étude constate que les habitants du rural isolé consomment 20 % de soins hospitaliers en moins et jusqu’à 30 % de séances en moins (dialyses en centre et chimiothérapies), et 12 % de courts séjours hospitaliers en moins. En résumé : « plus on est loin moins on est traité ». Cette linéarité statistique est le signe du rôle déterminant de la distance dans le recours aux soins hospitaliers, dont le corolaire avec l’éloignement des centres hospitaliers régionaux est particulièrement criant, de même que le lien avec la rareté de médecins traitants dans les bassins de vie ruraux qui engendre une prise en charge hospitalière moindre. Et cela n’est pas près de s’arrêter surtout lorsque l’on sait que plus de la moitié des médecins en milieu rural ont aujourd’hui plus de 55 ans. « Pourtant, à âge et sexe égal, les ruraux n’ont pas de raisons d’être moins hospitalisés que les urbains » s’emporte Gilles Noël. Pour le géographe à l’origine de l’étude, Emmanuel Vigneron, cela tend surtout à montrer que l’on se dirige de plus en plus vers une « France à deux vitesses » en matière de santé. « Tout se passe comme si de larges pans du territoire ne bénéficiaient toujours pas ou pas assez de ce qui constitue pourtant un progrès majeur initié voici plus de 40 ans ! » ajoute-t-il.

Au vu du constat, l’AMRF fait plusieurs propositions « réalisables, concrètes et consensuelles pour améliorer l’accès aux soins ». Pour assurer une meilleure répartition des professionnels de santé dans les territoires, les élus ruraux jugent « fondamental » de faciliter leur installation. Pour cela, ils proposent la création d’un guichet unique d’accompagnement « qui centralise, à l’échelle de chaque département, les besoins territoriaux, les aides financières, l’accompagnement administratif et les informations relatives à la vie familiale du professionnel ». En vue d’assurer également à la population une prise en charge rapide et en proximité, les élus proposent de faciliter pour tous les professionnels de santé « les exercices mixtes, ville hôpital », particulièrement en zone sous dotée et de développer le partage de compétences entre professionnels de santé. L’AMRF veut aussi « donner les moyens aux étudiants en santé (médicaux, paramédicaux et pharmaciens) de faire des stages hors du lieu de formation initiale » (aide au logement, aux transports, …). Une de leurs propositions vise à la mise en place et au développement « d’équipes de soins coordonnées autour du patient ». Cela pourrait être favorisé par la « télé expertise » entre tous les professionnels de santé. 

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