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Transparence et confiance, une délicate équation démocratique

Par Laurent Mazille, Président Apap et directeur affaires publiques Transdev

Ce mois d’octobre 2023, la HATVP va fêter ses dix ans, avec une satisfaction justifiée concernant son rôle en matière de contrôle et de pédagogie au service de la transparence des pouvoirs publics, de leurs représentants élus ou fonctionnaires et des relations qu’ils peuvent avoir avec nous, représentants d’intérêts.

Comme le rappellent les députés Cécile Untermaier et Gilles Le Gendre dans leur proposition de loi visant à renforcer le contrôle des lobbys, un dispositif complet, imposant un enregistrement et un reporting des actions de lobbying a été mis en place depuis 2016, sous le contrôle de la HATVP. Le répertoire numérique est d’ailleurs très ambitieux puisqu’à la différence de la majorité des pays occidentaux, il est depuis peu étendu au niveau local. Bien évidemment des améliorations sont possibles afin de rendre nos déclarations plus aisées pour nous et plus lisibles pour tous. L’APAP a d’ailleurs fait part de ses propositions aux deux parlementaires, rappelant que la lisibilité implique une simplification du reporting au service de la transparence, de la confiance en nos institutions, et en notre démocratie. Cela suppose également la fin des exemptions et un contrôle des intérêts étrangers qui agissent auprès des pouvoirs publics. Depuis dix ans, le Parlement a voté de nombreuses lois en ce domaine, après l’affaire Cahuzac la création de la HATVP, loi Sapin 2 en 2016, création de l’Agence française anticorruption, loi pour la confiance dans la vie politique en 2017… La France s’est donc dotée d’un cadre législatif et réglementaire qui a moralisé la vie politique, cependant la crise démocratique demeure, s’aggrave même au fil des élections ! Ces réformes étaient indispensables et les associations des professionnels des affaires publiques comme l’APAP ont toujours soutenu et réclamé ces avancées tant notre métier – régulé et éthique – contribue aux débats démocratiques. Comment préparer un projet ou une proposition de loi sans auditionner les secteurs concernés, les parties prenantes, publiques ou privées ? Si les intérêts divergent et chacun porte une conviction, une vision d’une réforme ou des moyens à mettre en œuvre, c’est à la fin le parlement souverain qui décide. Le lobbying c’est comme le cholestérol il y a le bon et le mauvais. S’agissant de l’extension au niveau territorial de ce contrôle, sans un accroissement de la transparence de la commande publique il est à craindre que cela reste « une usine à gaz » de données bien peu utiles pour la HATVP et nos concitoyens. L’ancien Président Jean-Louis Nadal indiquait lors des débats parlementaires portant sur ce répertoire numérique que la « confiance est affaire de pédagogie » et pas seulement de lois, le retour de la confiance en nos institutions ne se décrétera pas ! A l’ère des réseaux sociaux et de leurs dérives extrémistes ou complotistes et des deepfakes, nos démocraties parlementaires sont-elles bien armées pour lutter et résister ? Redonner de la confiance aux Français, cela passe par un discours de vérité sur certains sujets d’actualités et imposer à l’administration une plus grande transparence notamment lors de la rédaction des décrets d’application qui rendent souvent la loi inapplicable ou inintelligible pour les Français ; créant ainsi soient des frustrations par rapport à des promesses d’amélioration de leur quotidien ou de la colère contre une décision jugée inéquitable ! Le renforcement de notre système démocratique doit passer par un renforcement des moyens du Parlement pour exercer pleinement ses missions de contrôle du Gouvernement et de l’administration. Enfin notre pays ne pourra faire l’économie d’une réforme de l’Etat qui garantira à nos concitoyens l’application des lois de manière transparente et équitable, à cette condition la confiance reviendra.